Alors, Sire, les mouvements sociaux, personne ne s’en aperçoit ?

Alors, Sire, les mouvements sociaux, personne ne s'en aperçoit ?

Entre 1,5 et 2,5 millions de personnes dans la rue : Nostre Roy osera-t-il proclamer, comme il le fit à propos des grèves lors d’un des numéros d’autosatisfaction dont il est coutumier devant sa Cour, que personne ne s’en apercevra ?

Probablement pas, mais on peut hélas craindre qu’il reste cependant à l’image des fameux petits singes à lui tout seul : sourd, aveugle et muet (enfin muet, à propos de la véritable nature de la crise, mais malheureusement pas pour parler à tort et à travers !).

Non, Sire, en cette période de crise il ne suffit pas de limiter le port de la Rolex à la sphère privée et de placardiser votre Garde des Sceaux (à champagne) diorée sur tranche pour calmer la colère, étouffer les craintes et les angoisses de tous ceux qui subissent ou subiront les conséquences de cette crise dans laquelle ils n’ont aucune responsabilité. Crise dans laquelle le monde a été plongée par une poignée d’apprentis sorciers, dont font partie les politiques, dans la mesure où ce sont eux qui ont fait sauter un à un tous les verrous qui avaient justement mis en place à cause de la crise de 1929.

Ce mouvement se caractérise non seulement par une ampleur inégalée pour ce qui n’est sans doute qu’un simple avertissement, mais aussi par la diversité de ceux qui y ont pris part, notamment par des gens qui, avant votre investiture, n’étaient probablement jamais descendus dans la rue. Des salariés du privé autant que du public, des salariés des banques qui contrairement à leurs patrons seront les premiers à subir les conséquences des errements de la sphère financière, des cadres comme des employés, des gens inquiets pour eux-mêmes ou des gens inquiets pour plus vulnérables qu’eux.

Jusqu’à des retraités qui, alors qu’ils devraient normalement profiter paisiblement de l’automne de leur vie après des années à travailler et à cotiser, en étaient réduits à venir battre le pavé en dépit du froid de cette journée d’hiver. Car n’en déplaise aux esprits chagrins, malgré l’ambiance festive et bon enfant, participer à ce genre de manifestation n’est pas une promenade de santé ! Rester de 14h00 à 20h00 dans une température glaciale, avec de longs moments d’attente, il faut vraiment le vouloir !

Mais hélas, Nostre Roy, en dehors de quelques rodomontades sans lendemain sur le capitalisme financier et les parachutes dorés, ne fera probablement guère autre chose que mettre des rustines sur un système à bout de souffle qui prend eau de toutes parts. Et encore, au seul profit de la seule catégorie qu’il connaisse vraiment : ses amis financiers et industriels.

Que l’on utilise de l’argent public pour éviter l’effondrement du système financier ou de certains secteurs industriels n’est pas choquant en soi. Le bât blesse à partir du moment où cet argent est distribué sans aucune contrepartie, engagement, renoncement à des privilèges indus de la part de ceux qui le reçoivent. Alors que « faire son devoir d’actionnaire » devrait signifier d’abord renoncer à ses dividendes et remettre la main au pot en temps de crise, ce qui serait la contrepartie logique des droits aux gains en période faste, le premier réflexe de ces risquophiles en peau de lapin consiste à tendre la sébile à l’État honni le reste du temps !

Les politiques ont une chance historique, via cette crise, de reprendre la main sur le pouvoir économique, et, par ce biais, de réorienter la richesse des pays vers ceux qui la créent vraiment, c’est à dire l’immense majorité de la population, et non quelques parasites — au sens biologique du terme — qui se gobergent avec la sueur des autres. Mais il est plus que permis de douter des intentions de Nostre Roy sur ce plan-là.

Les temps de crise nécessitent de véritables hommes d’État de la nature d’un De Gaulle ou d’un Roosevelt. Il faut sans doute encore attendre un peu pour savoir si Obama sera de cette trempe, mais il est en tout cas acquis que le petit garçon de l’Élysée, dans un premier temps ébahi par ce qu’il considérait comme ses nouveaux jouets, le pouvoir et notre pays, ne possède même les qualités que l’on exige du plus obscur chef d’équipe : savoir anticiper et gérer les priorités.

Car la crise sociale actuelle n’est pas un accident imprévisible comme un tremblement de terre. Cette crise couve depuis longtemps, mais non seulement Nostre Roy a été incapable de l’anticiper, mais il est depuis incapable de gérer ses priorités. Qu’est-ce que c’est que cette réforme de l’audiovisuel et du juge d’instruction qui lui sont venues comme des envies de pisser ? Ça ne pouvait pas attendre ? Ou alors cela n’avait-il pour but que de masquer sa vacuité et son absence de volonté face au seul véritable problème du moment ? Qu’est-ce que ce Roy qui n’est même pas capable d’imaginer que les huées de Saint-Lô étaient tout ce qu’il méritait, et que les fautifs sont ce préfet et ce chef de la police coupables de ne pas avoir éloigné les gueux de son auguste personne ?

Mais il est fort parier que Nostre Roy ne fera que ce qu’il a toujours fait : brasser une quantité phénoménale de vent et donner des coups de menton au moindre fait divers pour dissimuler son absence de volonté réelle face à ce capitalisme devenu fou. Ou s’auto-persuader, comme il le fit l’an dernier, que « désormais, lorsqu’il y a une grève, plus personne ne s’en aperçoit ». Ce qui laisse penser que cette journée du 29 janvier ne sera que la première d’une longue série…