La tempête, je me la pète !

La tempête, je me la pète !

Drôle de drame cette dame tempête qui a abattu sa gourme sur les forêts d’Aquitaine et laissé dans son sillage bien des peines, pour vous autres humanos du grand Sud Ouest. En tant qu’animal sauvage et indocile, je vais vous conter ma vision du phénomène vécu qui n’a pas grand-chose à voir avec la couverture médiatique habituelle de tels évènements, histoire aussi d’y glisser mon groin de sel et taper du poing.

Telle Jane enfiévrée après une nuit de bacchanales peu banales avec Tarzan, la honte de la forêt, je me brouillai les pinceaux dans une liane et patatras. Au lieu que ce soit moi qui me prenne un pin dans la tronche, ce fut lui ce con qui chuta du haut de sa stature. J’exagère à peine. D’autres mâles intentionnés et fieffés as du dico qualifieront mon acte manqué de perturbation atmosphérique violente. D’autres encore à la mémoire courte remonteront au 27 décembre 1999, lors du passage éclair d’un Martin, pauvre misère, qui rafla tous les tointoins du souffle dévastateur. Celui plus présent qui me violente le ciboulot se nomme Klaus et a ventilé ses humeurs durant la nuit du samedi 24 au dimanche 25 janvier 2009 sur un grand Sud Ouest jusqu’à la Catalogne espagnole. Je ne sais pas moi, la fièvre du samedi soir me rappelle la danse du scientologue John Taffolepa, un nom comme ça. Alors pourquoi ne pas l’avoir nommé John, ce joyeux noceur qui ravagea tous les cœurs sur son passage durant cette nuit mémorable ?

Quoique Klaus avec ses consonances d’outre-Rhin, ça m’interpelle la gouaille à propos d’un autre lascar très recommandable, un certain Herwarth Walden. Celui-là même qui créa en 1910 à Berlin la revue Der Sturm (La tempête). Elle ouvrait ses colonnes à tous les courants expressionnistes qui étaient ravis d’en découdre avec les moustaches l’empereur Guillaume II ornementées de son conformisme bon teint et ses parures de la démesure, alors que le bon peuple se crevait la dalle. Toutes les ressemblances avec des personnages actuels ne seraient que des hallucinations factuelles de ma part. Cher Walden, Oh combien je te préfère, possédait aussi une salle de spectacle et une galerie d’art ouvertes à tous les vents de l’innovation culturelle. Ah ! le zef’ de la colère qui se mêle de la création ! J’envisage toujours la tempête aux mille visages.

Aux vacances de Noël 1999 dans le Médoc j’y étais, tout comme en 2009 puisque désormais j’y réside à l’année, pratiquement au même emplacement et j’ai pu comparer la fureur de vivre de ce phénomène atmosphérique. En 1999 c’était les arbres par terre à gogo et même quelques-uns qui s’étaient enflés de désir pour des toitures. Les corbacs avaient cloué leur bec. Des bourrasques continues crevaient les tympans. En 2009 c’était plutôt le relais calmos du style, c’est le poumon comme si le Klaus voulait cracher son venin dans les Landes plutôt que de consacrer le gros de ses branchies asthmatiques sur les côtes de la pointe du Médoc. C’est pas moi qui lui aurait soufflé : prends ta ventoline mon gars et va cracher tes poumons en haute mer et causer les Robinson aux crustacés avec les sirènes de la renommée. Vous me connaissez. J’ai mauvaise réputation, mais pas à ce point quand même !

N’empêche en 1999, avec les montées des eaux de la Gironde, l’immonde furoncle, vous savez la cocotte minute ou si vous préférez la centrale nucléaire du Blayais avait bien failli boire la tasse. Vous imaginez la bombe ! Les atomes qui se noyaient dans les cuves…. Pour ainsi dire aucune information de la part d’EDF n’avait filtré. On avait flirté avec la catastrophe écologique, bien pire qu’avec la tempête. En 2009, le même phénomène de la crue des eaux et on nous mène toujours en bateau.

Certains qui furent et qui sont encore privés d’électricité lorsque j’écris ces lignes s’éclairent à la bougie et se caillent les miches. Ils vénèrent la fée électricité et lui adressent leurs prières. Même papi et mamie sourient. Ben oui quoi ! Ca leur commémore le marché noir, la grande époque de la France vendue aux enchères de la France des bons français. Les stocks de bougies s’échangent contre de l’or en barre. Même les cierges ont la cote en bourse. Cette soudaine solidarité entre voisins a de quoi attiser les craintes d’un après-demain qui déchante des plaintes. Les chasseurs médocains ne sont pas en reste. Ils ne respectent déjà pas la trêve hivernale lorsque les oiseaux se gèlent les plumes et n’ont plus rien à béqueter. Leurs voisins landais un peu plus civilisés ont attendu patiemment le déclin de l’empire des grands frimas pour amorcer leurs bastos à leur sauce. Vous croyez que Brigitte Barbot l’amie des animaux s’en soit émue ? Non, nada. Son dada à elle ce sont les animaux du consortium domestique. Ceux qui ont annihilé leur liberté aux humanos. C’est aussi pourquoi dans les chaumières médocaines, la tragédie du congélateur destitué de son titre d’alimentation frigorifique a jazzé les gros titres. Les palombes plombées en bouillie n’ont pas résisté au changement climatique. Ce passage soudain du froid au chaud, c’est l’intoxication alimentaire garantie pour les féroces carnassiers. Palombes mes frangines, la tempête est votre amie. Elle vous a sauvées quelques heures, quelques jours durant de la folie meurtrière des hommes qui se rejouent leur guéguerre.

Et quand tout sera rentré dans l’ordre immuable des choses. Lorsque les naufragés de la tourmente rangeront leur transistor antique à piles. Lorsque le courant passera dans leurs convecteurs électriques. Lorsque leurs congélos se battront les glaçons à l’heure de l’apéro ils oublieront de quel bois je me chauffe pour dénoncer les abus du tout nucléaire orchestré depuis Giscard jusqu’à notre actuel président. La veille du ventilo violent sur nos régions, si je me rappelle bien, aux infos de France-Culture j’ai entendu par la voix d’un journaliste que notre valeureux président de la République ouvrait le marché juteux à la construction de deux centrales nucléaire nouvelle génération qu’il réservait à ses amis de chez Bouygues et Total. Vous en reprendrez bien une tranche au dessert ?

Alors que cette fabuleuse expérience de la bougie qui étincelle ses pixels, je l’ai vécue de visu. C’était un film d’horreur en direct avec la tronche du Bartos qui dialoguait de travers avec son ombre chinoise. Cauchemar garanti !

Lors d’un éclair de lucidité éclairé, si tous les fans du nucléaire jetaient leur écran plasma bouffeur de neurones et de kilowatts et se procuraient à la place un ou deux panneaux solaires. Cette énergie sympa et non polluante, ironie du sort, ils pourraient même la revendre à EDF. Les centrales nucléaires n’auraient plus de raison d’être à la condition de n’avoir pas des besoins abscons et gourmands. Au lieu de cela, dans le journal Sud Ouest du lundi 26 janvier, j’ai lu que pour éviter les coupures de courant, la solution toute trouvée consisterait à enfouir les lignes électriques. J’imagine le vers de terre grillé lors de sa remontée à l’air libre durant ses paliers de décompression et mon voisin et ami le rouge-gorge qui le becterait cramé à point ! Déjà qu’avec les déchets nucléaires les nitrates les chiures de porc et autres pesticides qui asphyxient les sols et les nappes phréatiques… Quel bonheur ce serait d’être enterré dans un cimetière éclairé aux vers qui brilleraient la nuit comme des lucioles entre nos vieux os. Même que, si Mars attaque, les Martiens auraient beau jeu de poser leur cul vert sur nos beaux terrains d’atterrissage en forme de croix, transformés en pistes de danse sous les étoiles. Ah !la fièvre du samedi soir. Tu guinches le bringue, poupée ou pouffion, en fonction de vous goûts respectifs pour la chose ?

Pour en revenir à notre tempête qui reflète, comme je l’ai déjà conté, certains comportements lors de situations extrêmes, je n’ai pas lu ou entendu ni encore moins vu (puisque volontairement je n’ai pas de télé dans ma forêt du Médoc), des propos sur les causes de ces catastrophes climatiques à répétition. A peine si les gaz à effet de serre ont germé une analyse entre les râteliers des journalistes clonés aux faits d’hiver et au spectaculaire.

Dans les années 1970, je n’étais pas encore née. Le Bartos m’a raconté et fait écouter un comédien chanteur auteur compositeur qui avait un tempérament tempétueux et rebelle. Il était de cette verve des visionnaires. Je finis mon article par ses vers :

 


Nous voilà déjà nucléaires
Et vous verrez, tout va changer
N’ayez pas peur, laisser vous faire
Puisqu’on vous dit : c’est sans danger
Mais d’autres disent le contraire
Monsieur Rostand, Monsieur Bombard
Mais ce sont des retardataires
De grands rêveurs, des gens à part
Sur les fleuves et sur les vagues
Des poissons vont le ventre à l’air
Au large du Cap de la Hague
On immerge des containers
Alors je rêve que s’éloignent
Comme voiliers sur l’Océan
Toutes les îles de Bretagne
De Belle-Île jusqu’à Ouessant (…)

Enfant, vous n’avez plus de rose
Ni de plume… ni de chapeau
À qui la faute ?
À qui la cause
S’il n’est plus de fleurs ni d’oiseaux ?

 


de Jean-Roger Caussimon Enfants, vous n’avez plus de rose,
(E. Robrecht / J-R Caussimon)