Les Services de l’État font le Minimum pour le Service minimum

Les Services de l'État font le Minimum pour le Service minimum

Il est déconcertant de constater à quel point cette mesure-phare de la droite décomplexée est devenue l’enfer du pouvoir en place. Le service minimum est un échec, et son fiasco pourrait bien valoir à ses promoteurs de sérieuses déconvenues, tant leur crédibilité — voire leur légitimité — est engagée.

Cet été, Nicolas Sarkozy s’était réjoui que désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit ! Hélas, un terrible dérapage a entraîné la fermeture de la gare Saint-Lazare mardi 13 janvier, suite à un mouvement de grève massif et soudain des cheminots en conflit depuis plus d’un mois avec la direction de la SNCF. L’épisode est encore frais dans toutes les mémoires, alors que se prépare un mouvement social à l’échelle nationale, dont tout le monde attend qu’il sera très suivi.

Pour ceux qui empruntent les trains et le métro, c’est la galère qui recommence… Le trafic est donné perturbé pour le métro parisien et fortement perturbé sur la zone RATP des RER A et B. En revanche, une circulation quasi-normale des bus et tramway est attendue. Côté SNCF, le trafic devrait fonctionner à hauteur de plus de 40% des TER et 45% de Transilien, 100% des Eurostar, Thalys et Alleo, et entre 35% et 50% des trains Lyria (vers la Suisse), 30% des Corail et 40% des Corail Intercités. Les préavis de grève déposés à la SNCF par sept des huit syndicats de l’entreprise publique courent de mercredi 20 heures à vendredi 8 heures.

Mais ce n’est pas tout. La Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) a aussi donné mardi ses prévisions de trafic. À Orly, 30% des vols seront annulés, une proportion tombant à 10% pour Roissy. La DGAC précise avoir déclenché sa procédure de service minimum en cas de mouvement social majeur. Concrètement, la journée d’action de jeudi devrait se traduire par un grand nombre de manifestations et de grèves, à Paris et en province. Sont notamment visés l’Éducation nationale, La Poste, France Télécom, l’audiovisuel public, la justice, mais également des secteurs habituellement moins mobilisables, comme les banques ou les PME.

Dans les journaux, les informations pratiques sont bien relayées à l’attention des usagers, et qu’il s’agisse de la presse nationale ou régionale, toutes les rédactions font le point au moins 2 fois par jour depuis dimanche sur les perturbations attendues. On nous informe donc que la cantine scolaire fermera jeudi à Redon, et que 20 écoles sur 36 n’ouvriront pas leurs portes à Arles. Il ne manque plus que les interviews des leaders syndicaux et les micro-trottoir pour prendre le pouls de la nation qui retient son souffle avant l’épreuve de force.

Mais la question majeure demeure l’application du service minimum. Cette ardente obligation s’est évanouie en un clin d’œil lorsque les conducteurs de train au départ de la gare Saint-Lazare ont fait jouer leur droit de retrait après l’agression de l’un des leurs le soir du 12 janvier. Le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre a demandé quelque jours plus tard qu’on traduise en justice les fauteurs de trouble, tandis que le président de la République a qualifié le syndicat SUD-Rail d’irresponsable. Mais force est de constater que la mise en place du service minimum, bien réglée sur le papier, devient un casse-tête chinois pour ceux qui sont en charge de l’appliquer.

La décision de Bertrand Delanoë de ne pas appliquer le service minimum d’accueil en cas de grève dans l’Éducation nationale a été invalidée par la justice en octobre dernier. Xavier Bertrand, qui fut le maître d’œuvre de cette réforme, a expliqué mercredi dernier que le service minimum a apporté ses preuves, et il y aura jeudi prochain des métros, des trains, des RER… grâce au service minimum. Mais certains sont en train de prendre en otage le service public dans certaines situations, et notamment avec les fameuses grèves de 59 minutes, faisant référence au précédent du 13 janvier, mais de façon impropre.

Car le mouvement du 29 janvier est prévu pour la journée entière et depuis longtemps. Tout le monde a eu le temps de s’organiser. Le premier souci, c’est d’obtenir des informations sur le nombre d’enseignants qui sont en grève et nous n’avons toujours rien reçu de la part de l’inspection d’académie ; or, pour mettre en place ce service encore faut-il avoir les informations minimales, déplore le directeur de cabinet du maire des Pennes-Mirabeau. Nous avons lancé un appel aux bénévoles dans La Provence, nos panneaux lumineux et par courriers aux parents, postés dans le cartable des enfants, explique l’adjointe au maire de Vinon-sur-Verdon. Peine perdue ! La mairie n’a reçu aucune réponse.

D’ailleurs, le manque de précision des autorités compétentes en ce qui concerne les effectifs à pied d’œuvre jeudi fait peine à voir : les seules informations à notre disposition émanent de sources syndicales. Pourtant, les grévistes sont tenus d’aviser leur administration de leur souhait de participer au mouvement de protestation 48 heures à l’avance, et tout devrait être réglé comme sur du papier à musique, ainsi que le stipule cette circulaire du 8 janvier 2008, émanant du ministère de l’Éducation nationale !

Xavier Darcos a-t-il correctement fait son travail de ministre, ou ses recteurs d’académie feraient-ils de la rétention d’information ? Supposons qu’ils fassent également partie de ces dangereux gauchistes de la cellule invisible, qui a décidé de mettre par terre un gouvernement enfin vertueux… N’en doutons pas : il n’en est rien ! Dans toutes les administrations, la gabegie finit par s’installer en haut lieu. Le poisson pourrit par la tête, a dit le président Mao.

 

 


Quand le pouvoir en place a cherché une issue
Aux noirs tourments causés à tous les usagers,
Tant la grève est prélude à de fâcheux dangers
Si le quidam reçoit comme un coup de massue.

Les mouvements sociaux sont aussi la sangsue
Pour nos pouvoirs publics vus par les étrangers,
Mais les efforts produits sont ainsi mensongers
Nous laissant peu confiants si sa loi est bossue !

Que dire alors du grand progrès promis par eux,
S’ils ne sont pas assez sérieux, ou plus foireux
Pour faire un vrai travail et surtout présentable ?

Ils nous demanderont peut-être à fêter le succès
Dans leurs négociations tout autour de la table,
Mais nous verrons alors en eux tous leurs excès.

 


Télécharger la la circulaire du 8 janvier 2008 du ministère de l’Éducation nationale relative au service minimum.