Histoire d’un roman pour adultes signé Denis-Martin Chabot

Histoire d'un roman pour adultes signé Denis-Martin Chabot

Marc Saint-Jean est un jeune avocat de Montréal, Québec, « si beau qu’on rêve à lui la nuit, qu’on se masturbe en pensant à lui ». Il vit avec Pierre Couture, son « chum » qui, lassé de vivre dans l’ombre de Marc, décide un jour de le quitter. Début de l’intrigue amoureuse et descente dans l’univers homosexuel du Montréal des années 80. Carrefour de tous les désirs, Manigances est un bar de nuit où les rencontres homosexuelles se font et se défont. Un prédateur en a d’ailleurs fait son terrain de chasse et conquiert la tendresse de beaux jeunes hommes avant de les abandonner au petit matin, marqués d’une morsure physique et psychologique indélébile. Marc Saint-Jean sera l’une de ses victimes…
Roman d’amours homosexuels et roman noir, Manigances est le premier livre signé Denis-Martin Chabot. Un livre étonnant, détonnant même, qui, à force de passions, nous enflamme et nous envoûte. A lire d’urgence !

1 - Bonjour Denis Martin Chabot, qui es-tu ?

Je suis un gars bien ordinaire, comme le dit la chanson de Robert Charlebois. Je mène une vie bien calme et bien rangée. À ceux qui ont déjà lu Manigances, désolé de vous décevoir, je ne suis en rien semblable à aucun des personnages… Sauf le fait qu’ils sont beaux ! (Note : et je rigole ici !)

2 - Ton livre, Manigances, met en scène 3 personnages centraux, des homosexuels habitant Montréal. Ce qui frappe le lecteur hétéro que je suis, c’est l’omniprésence du sexe dans le milieu homosexuel tel que tu le décris… As-tu forcé le trait, et si non, comment expliques-tu cette frénésie de sexe dans les relations gays ?

J’ai définitivement forcé le trait. La sexualité n’est pas plus frénétique dans les relations gaies qu’elle l’est dans les relations hétérosexuelles. C’est un mythe de croire que la sexualité est si omniprésente chez les gais. Je vous dirais à la blague qu’à l’instar de la plupart des hommes hétérosexuels, la plupart des hommes homosexuels se plaignent tout autant du manque de sexualité dans leur vie. C’est universel cela.

J’ai forcé la note dans mon roman un peu parce que je voulais surprendre ou choquer et surtout déstabiliser mes lecteurs et ainsi les ouvrir à une histoire dont les thèmes même s’ils sont vécus par des hommes gais sont universels. Et qu’est-ce qui distingue l’homme gai de l’homme hétéro, à part le sens du style vestimentaire ou de la décoration intérieure, c’est la sexualité. Et la grande majorité des lecteurs comprennent bien cela.

3 - Ton roman est construit chronologiquement, mais dans le désordre. On fait des allers-retours entre les années 60 et les années 80. Cela pourrait être fouillis, mais cela ne l’est pas, bien au contraire. Comment est née cette construction littéraire captivante, comment as-tu procédé ?

Je suis un homme visuel. J’ai conçu ce roman comme un film. J’ai cherché d’abord à accrocher le lecteur, à garder son attention jusqu’au bout et à le surprendre. Un récit chronologique aurait permis d’anticiper plus facilement la suite des événements, d’une part. D’autre part, certaines informations, se seraient perdues dans la tête du lecteur. Par exemple, un roman chronologique vous aurait d’abord présenté l’enfance de Roger, puis celle de Pierre et enfin celle de Marc, avant d’aller dans le cœur de l’action, sans vraiment savoir à quoi cela mène. Je crois que d’amener ces détails à des moments clés est plus logique.

J’ai beaucoup travaillé les personnages. J’ai des cahiers sur chacun avec tous les détails de leur vie. J’ai également passé beaucoup de temps à fabriquer les lieux ou à bien les circonscrire s’il s’agit de lieux connus. Et j’ai beaucoup fignolé le scénario. J’étais en plein contrôle et en pleine connaissance de mes éléments et cela m’a permis de me promener plus facilement dans le temps.

3 - Evidemment, derrière les histoires de sexe se cachent des histoires d’amour : amour intransigeant, parfois violent et dominateur, amour avec ou sans concession, amour bestial ou câlin. Quel est l’amour idéal pour toi ?

Quelle question ! Si j’étais un citoyen des États-Unis, j’invoquerai le 5ième amendement. Sérieusement, je suis très secret au sujet de ma vie privée. Mon orientation sexuelle est bien connue certes mais c’est tout ce que je permets aux gens de savoir. Tout ce que je peux dire c’est que l’amour est important dans ma vie.

4 - Quelle est la part d’autobiographie présente dans Manigances ?

Une très petite part. La vie troublante de mes personnages a été inventée de toutes pièces à partir de transposition d’événements et du quotidien que j’ai observés. Rien, absolument rien, dans mon roman ne m’est arrivé dans la vraie vie. Je suis désolé de vous décevoir, mais c’est ainsi. Ma vie est loin d’être aussi mouvementée que celles de Pierre, Marc ou Roger.

À la rigueur, mes personnages me ressemblent tous un peu puisque je l’ai créés. Ils ont tous un peu de moi, mais justement, un peu, juste un peu.

5 - « Dans la jungle de Manigances, il ne chasse pas. Il n’est qu’une proie, une proie difficile à attraper mais une fois qu’on met la main sur lui, il se soumet. Toutefois, sa soumission n’est que sexuelle. Il ne donne que son cul, jamais son numéro de téléphone. On le fourre une nuit, peut-être deux, mais jamais trois. » Ces quelques lignes tirées du roman étaient encore impensables il y a quelques années où la société considérait l’homosexualité comme un travers bizarroïde et une déviance pathologique. Les mentalités ont changé et ont permis à la communauté homosexuelle de sortir de son ghetto, de se montrer. Le combat n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de la libéralisation de la femme. OK avec cette vision ?

Il y a certainement des similarités entre les deux combats. Et dans les deux cas, on a fait du chemin depuis 30 ans, mais il ne faut certainement pas s’asseoir sur son cul, parce que tout est encore fragile et il reste beaucoup à accomplir.

6 - La sueur, corollaire dans ton livre du désir, de l’envie et véritable excitant sexuel, est omniprésente au fil des pages « chaudes » du roman. Faut-il y voir l’une de tes « friandises préférées » ?

Ce n’est qu’une image, un motif, dans mon roman.

7 - En quoi peut-on différencier ton roman des écrits de Guillaume Dustan ?

Je ne suis pas assez familier avec l’œuvre de Guillaume Dustan pour la comparer à ce que j’écris. En fait, je suis très mal-à-l’aise de comparer mon roman à d’autres auteurs et surtout des auteurs établis.

8 A la base, tu es un journaliste-reporter télé très connu au Canada, comment ton roman a-t-il été accueilli là-bas ?

Très connu ! Vous me flattez ! Je ne suis certainement pas une grande vedette de l’information télévisée ici. Comme m’a déjà dit un patron dans le passé, je suis un bon soldat de l’information, mais un soldat inconnu !

Donc, mon emploi de journaliste n’a eu aucun impact sur la popularité de mon roman. Mon emploi et mon roman sont deux aspects de me vie bien différents que je ne mêle pas.

Mon roman a été plus ou moins bien reçu au Québec. Les journalistes culturels et les critiques littéraires du Québec, surtout ceux de la presse générale, ne sont pas très ouverts aux publications à compte d’auteur et pas plus aux romans comme le mien qui sortent des sentiers battus. Malgré les nombreux services de presse et les appels téléphoniques, Manigances n’a eu absolument aucune couverture médiatique dans la presse généraliste, sauf L’express de Toronto qui a d’ailleurs publié une recension très profonde.

La presse gaie, évidemment, a fait un excellent travail. Et en général, elle a bien aimé.

9 - Ta définition du sexe ?

Je ne peux pas répondre à cette question. C’est beaucoup trop personnel. Désolé.

10 - Ton phantasme inassouvi ?

Je ne peux pas non plus répondre à cette question pour la même raison que précédemment. Mon roman est très ouvert sur la sexualité, mais cela ne veut pas dire pour autant que je le suis moi-même. Je suis en fait très fermé sur cette question. Je ne discute pas des détails de ma sexualité. Désolé encore.

11 - L’anecdote disant que tu fais parler des chaussettes pour mimer l’action et pour ensuite l’écrire est-elle vraie ? :)

Très vrai. Je suis très visuel dans ma façon d’écrire. J’ai besoin de voir les situations dans ma tête et de les entendre. Alors j’ai souvent écrit les dialogues après les avoir joués avec des vielles chaussettes qui me servent de marionnettes pour jouer les personnages.

12 - Pourquoi réfutes-tu absolument le qualificatif de « gay » à ton roman ?

Je n’aime pas l’idée que mon roman ne soit que pour les gais. Les thèmes de mon roman sont universels et ce n’est pas parce qu’ils sont appliqués à des hommes gais que cela ne devrait pas intéresser les lecteurs hétéros.

13 - Si tu avais à écrire ton épitaphe, quelle serait-elle ?

Je n’ai jamais pensé à cela parce que je serai incinéré et on jettera mes cendres dans l’océan. À la rigueur, je n’avais même pensé à plus que mon nom et la date de naissance et celle de ma mort. J’aimerais qu’on triche sur la date de naissance, pour que les gens puissent dire : « Mon Dieu, il est mort trop jeune ! »

14 - Quelles sont les raisons qui t’ont conduit à opter pour l’auto-édition ? Pas de succès auprès des éditeurs en place ?

En général les Québécois ne lisent pas beaucoup et quand ils lisent, ce ne sont pas nécessairement des romans. Les éditeurs ne prennent donc pas trop de risques avec les romans, encore moins avec un roman bien différent d’un nouvel auteur, inconnu par surcroît. Après avoir frappé à plusieurs portes pendant trois ans, j’ai abandonné l’idée de me trouver un éditeur et j’ai décidé, parce que j’y croyais, d’éditer à compte d’auteur. Mais c’est très onéreux. Je ne rentrerai pas dans tous les détails, mais j’ai essuyé des pertes très importantes.

15 - Peux-tu nous donner des infos sur les suites prévues à ce premier roman ? Combien y en aura-t-il ? Que s’y passera-t-il ?

Je n’ai pas pris de décision encore quant à la publication de Pénitence, la suite de Manigances, parce que présentement, je n’ai pas les moyens de le publier.

Pénitence est déjà écrit depuis longtemps. L’action se situe à la fin des années 80 jusqu’au milieu des années 90. Et on voyage tout autant géographiquement que dans le temps. Les thèmes de l’amour impossible, de la loyauté et des apparences trompeuses reviennent. J’y ajoute l’apparence du SIDA.

Un troisième tome s’ajoutera à cette série, encore une fois, si je réussis à le publier. Il s’intitule Innocence. L’action de ce roman se situe en plein cœur des grands événements des dernières années mais je n’en dis pas plus.

Rien d’autre n’est prévu pour le moment, sauf de traduire Manigances en anglais.

16 - Ton livre n’est malheureusement que peu distribué en France. Comment peut on se le procurer ?

Il est disponible à Paris aux librairies suivante : Les Mots à la Bouche et Bluebookparis. Autrement on peut se le procurer sur Internet à www.priape.com ou www.renaud-bray.com ou www.archambault.ca, ou www.librairiepantoute.com.

Vous pouvez le commander directement de moi pour 22 € plus les frais d’envoi à bochagri@ns.sympatico.ca. J’ai un site web à www3.ns.sympatico.ca/bochagri.

17 - Nul doute d’ailleurs que ce roman aurait largement sa place dans toutes les librairies françaises… As tu pour projet de le présenter à des éditeurs ?

J’ai des projets en cours.

18 - Un dernier mot ?

Merci beaucoup de vous intéresser à mon roman. J’espère que vos lecteurs auront autant de plaisir à le lire que moi j’en ai eu à l’écrire.