Les Chaînes de Télé privées lorgnent vers la Redevance

Les Chaînes de Télé privées lorgnent vers la Redevance

Nicolas Sarkozy peut être fier de lui : la suppression de la publicité sur le service public de l’audiovisuel va mettre les télévisions privées sur la paille ! Le seul secteur en France qui ne soit pas aidé est la télévision privée, a jugé le patron de M6, Nicolas de Tavernost, en annonçant mercredi que son groupe, ainsi que TF1 et Canal+, réfléchissent de concert à un plan d’aide public qu’ils vont demander pour la télévision privée.

Quoi de plus normal. Les banques, la presse écrite et le secteur de l’industrie automobile ont eu droit à leurs états généraux, pourquoi la télévision en serait-elle exclue ? C’est d’autant plus normal que le groupe Métropole Télévision (M6) a été très affecté par la baisse de ses recettes publicitaires. Rien qu’au dernier trimestre, elles ont chuté de 6,6% à 176,3 millions d’euros. Sur l’ensemble de l’année 2008, le groupe de médias a réussi à maintenir un chiffre d’affaires stable par rapport à l’an dernier (-0,1%), à 1,35 milliard d’euros.

À propos de France Télévisions, pour laquelle l’État a garanti 450 millions d’euros jusqu’en 2011 afin de compenser l’arrêt de la publicité, il a estimé surréaliste d’avoir des recettes garanties dans une période de crise économique intense. Son groupe est parvenu à gommer ce recul grâce aux très bonnes performances des chaînes numériques. Au 4ème trimestre 2008, le chiffre d’affaires global de M6 a même enregistré une petite progression de 0,3% à 169,1 millions d’euros, tandis que celui des chaînes numériques bondissait de 29,5% à 29,2 millions d’euros (+25 sur l’exercice à 125 millions d’euros de chiffre d’affaires). Si l’on prend en compte la chaîne M6, les chaînes numériques et les autres supports, au final, on obtient un chiffre d’affaires en progression de 1,3% sur l’année 2008, à 752,9 millions d’euros.

Comment ne pas compatir à la saine analyse de Nicolas de Tavernost, alors que la concurrence de l’audiovisuel public se fait dans la pagaille et la gabegie, son intersyndicale ayant appelé mercredi dans un communiqué les salariés du secteur à une nouvelle grève de 24 heures le 29 janvier, dans le cadre d’une journée d’action interprofessionnelle lancée par 8 confédérations syndicales. En préalable, ils refusent tout plan social à Radio France Internationale (RFI). La direction de la station a annoncé la semaine dernière la suppression de 206 postes sur un millier dans le cadre d’un plan de modernisation.

Comment faire face à une concurrence déloyale et tout exclusivement supportée par les téléspectateurs qui payent la redevance à seule fin d’avoir le droit de regarder les programmes tellement plus pertinents que diffuse la petite chaîne qui monte ? En mai 2008, les 3 groupes de télévision TF1, M6 et Canal+ ont créé l’association des chaînes privées pour défendre leurs intérêts face à la télévision publique sans publicité. Ils ont mené un lobbying intense auprès des parlementaires réunis dans la commission présidée par Jean-François Copé, mais les uns comme l’autre ont dû satisfaire à l’oukaze sarkozyen.

D’autant plus que la mainmise de l’Élysée n’est pas arrivée à terme. Le président de la République entend désormais nommer celui de France Télévisions, sans doute contre l’avis de la Commission européenne, dont les directives sont toutes écrites dans le sens d’une indépendance garantie des médias audiovisuels par rapport aux pouvoirs publics, mais aussi renforcer son influence auprès de l’autorité de régulation en la matière, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Nicolas Sarkozy doit en effet nommer avant vendredi, comme Gérard Larcher et Bernard Accoyer, respectivement présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, les 3 membres sortants du CSA dont les mandats arrivent à expiration : Agnès Vincent-Deray, Élizabeth Flüry-Hérard, et Christian Duthoit.

Bien entendu, nous signale Ugo Palheta sur le site Internet Acrimed, les 4 personnalités pressenties pour intégrer cette autorité administrative indépendante (comme disent à l’unisson le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel) évoluent toutes dans le giron de l’UMP. Le Figaro du 12 janvier indiquait les noms de Françoise Miquel, Dominique Richard et Emmanuel Gabla, tandis que le Bulletin Quotidien mentionnait le 14 janvier celui de Dominique Paillé. Bon. Cela ne nous changera guère à l’avenir, puisque les membres de ce cénacle sont des personnes de droite, tout comme le reste de son organigramme est composé de gens de droite.

Preuve de la grande indépendance d’esprit du CSA, l’algarade qui a récemment eu lieu entre l’autorité et son ministre de tutelle, Christine Albanel, agissant sur les conseils des représentants de l’American Jewish Committee. Devant l’impossibilité de faire taire les images dénonciatrices d’Al Jazeera, ce groupe de pression a sollicité la France et son autorité de régulation, le CSA, pour interdire la diffusion d’images documentaires d’origine arabe depuis la bande de Gaza par la chaîne satellitaire Al Aqsa TV parce qu’elle est pilotée par le Hamas. Mais le CSA ne s’est pas fait tirer l’oreille longtemps : 48 heures.

Pour Nicolas de Tavernost, le reflux publicitaire qui touche M6 (2,6% en 2008) atteindra l’Internet en 2009. Le groupe, qui dispose d’une cinquantaine de sites, a ainsi développé une activité en ligne qui ne repose pas uniquement sur la publicité, et représente 50% de ses revenus sur le réseau mondial. Un projet de casino en ligne est également dans les tuyaux courant 2009. Un virage supplémentaire et surtout une nouvelle source de revenus substantiels. Quant aux craintes de voir une érosion de ses recettes publicitaires sur Internet, elles sont toutes relatives à en lire les récentes études. Ainsi les analystes ont-ils anticipé une croissance de 14% du marché publicitaire sur Internet en 2009 à 2,3 milliards d’euros et ce, malgré la récession économique.

Mais le problème, c’est que tout le monde a investi le réseau mondial, à tel point que Google va mettre fin à son offre de commercialisation de publicités dans la presse écrite en raison des faibles revenus tirés de cette activité alors que le groupe cherche à étendre ses services au-delà d’Internet. D’autre part, YouTube s’exporte sur la télévision, après avoir expérimenté une version pour les consoles de jeux PS3 et Wii. Mais c’est promis : grâce à la vigilance de nos sénateurs, le CSA ne touchera pas à la Toile !

 

 


Chacun se dit content des changements d’horaire
Ponctuel et moins tardif pour un programme égal
En valeur comme en gamme où tout lien conjugal
S’en trouve exhorté plus s’il n’est plus téméraire !

Mais nous n’aurons pas plus d’émission littéraire
Que la veille et tant mieux car pour un vrai régal
Dans nos sens mal tournés par un commun frugal,
Il nous faut plus de rêve à voir pour nous distraire.

Quand les professionnels ont compris tout le mal
De la réforme au soir d’un premier jour normal,
Ils se sont vus privés aussi pour leurs sommaires.

Le drame, à les entendre, est plus qu’un cas banal
Car leur crise est un fait produit par des chimères
Dont les gens vont s’en faire ailleurs tout l’arsenal !