Théâtre : ACTE…

Théâtre : ACTE…

Pièce écrite en 2001 par l’auteur suédois Lars Norén, ACTE s’inspire
librement des « années de plomb » marquées par les actes militants et
terroristes de la Bande à Baader. En une mise en scène efficace, le
metteur en scène Christophe Perton nous propose une curieuse histoire
où le tragique côtoie le quotidien dans toute sa noirceur.

Une pièce résolument couleur nuit… Second volet d’une trilogie sur la
mort, ACTE nous plonge dans les soubresauts blafards de l’isolement
carcéral, de l’angoisse et de la folie. De quoi s’agit-il ? d’une
simple visite médicale de routine, prétexte à un étrange dialogue de
deux personnages, l’un médecin – bon père de famille, abonné à la
concision et aux bonnes manières - ; l’autre, une prisonnière ,
épuisée et révoltée, condamnée à perpétuité pour un acte de terrorisme.

Cette étouffante rencontre – interprétée par les excellents
comédiens Vincent Garanger et Hélène Viviès - permet l’expression
des sentiments sur l’identité, le désir, l’appartenance politique, la
cellule familiale… Autant d’éléments séparant ces deux êtres
constamment sur la défensive. Christophe Perton nous prévient : « Au
fur et à mesure qu’avance l’affrontement, on est pris au vif, comme
dans un tourbillon et jamais l’on ne peut se détacher de cette
emprise. »

La mise en scène, sobre, s’attache à sculpter les visages nimbés de
lumière, parfois les défigure. A deux brefs instants l’effroi
similaire des deux visages nous évoque le célèbre Cri de Munch.
Perton sait bien faire parler les corps, offrant là au verbe de Norén
une puissante symbiose. Un verbe d’ailleurs sinueux et plutôt fuyant
 : face au désarroi du médecin, les réponses de la prisonnière, floues
et à peine provocantes, semblent surtout exprimer les ravages causés
par la punition d’une lumière aveuglante jour et nuit. Les personnages
de ACTE parlent beaucoup à eux-mêmes : l’autre n’étant qu’un objet de
répulsion et unilatéralement de fascination.

Des vidéos à l’esthétique violente et futuriste nous signalent par
images interposées l’incessant roulement des véhicules sur autoroute et
l’apparition fantomatique de la prisonnière coincée entre néons et
corridors. Mouvement/immobilité : reflets du nihilisme des deux
personnages de ACTE ?

Cette visite médicale d’une heure - par son réalisme absurde -
réserve bien des surprises . Norén semble prendre un malin plaisir à
faire fusionner – malgré eux – juste le temps d’une heure (une
éternité pour les protagonistes) deux êtres que tout oppose : sexe,
éducation, milieu, affinités…

Tout sauf peut-être la petite pulsion de mort nihiste du médecin qui à
tout instant ne demande qu’à se réveiller. Mort d’ailleurs (libération
 ?) omniprésente dans ACTE, ironiquement garantie par le
médecin/garant de vie à la rebelle désaxée aux jours comptés.

Finalement, ACTE s’avère une pièce des plus ouvertes. On peut
l’appréhender sur de multiples angles : politique, psychologique,
philosophique , sexuel…
Assurément, ce moment fort de théâtre vaut le déplacement !

durée : 1 h

ACTE de Lars Norén

Mise en scène et scénographie de Christophe Perton

Théâtre de l’Est parisien – 159, avenue Gambetta Paris XXe
Métro : Pelleport - Gambetta

15 janvier - 7 février 2009

www.theatre-estparisien.net