Nicolas Sarkozy et l’UMP déclarent la Guerre à la Grève

Nicolas Sarkozy et l'UMP déclarent la Guerre à la Grève

La fermeture de la gare Saint-Lazare mardi 13 janvier à cause d’un mouvement social spontané a créé une onde de choc au sein de la majorité présidentielle, qui entend reprendre l’offensive afin de régler de façon plus contraignante l’exercice du droit de grève, alors que les syndicats ont annoncé une journée nationale de mobilisation le 29 janvier.

L’occasion du chef de l’État pour former ses vœux aux partenaires sociaux a été saisie par les syndicats pour formuler leur désaccord avec la politique du pouvoir en place : une journée de grève a été annoncée pour la semaine prochaine, dans tous les secteurs du service public. Mais à 10 jours de cette journée de mobilisation nationale, Nicolas Sarkozy a surtout salué l’esprit de responsabilité des syndicats sur des dossiers comme la réforme de la représentativité syndicale, une des grandes réformes du quinquennat, ou encore celui de la formation professionnelle.

Une manière sans doute de calmer le jeu après sa violente sortie de la semaine dernière à l’endroit de Sud-Rail, qualifié d’irresponsable. Mais la menace formulée par le président de la République au sujet du service minimum a été saisie au vol par le parti majoritaire, dont plusieurs responsables ont reconnu lundi qu’ils sentaient nécessaire un nouveau tour de vis pour restreindre l’exercice du droit de grève, afin qu’il ne pénalise plus les usagers du service public.

Le premier, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP et proche du président de la République, a estimé que pour des syndicalistes qui n’appliquent pas la loi, il va falloir qu’ils rendent des comptes à la justice, exactement comme quand des élus ne la respectent pas, ils sont déclarés inéligibles, a expliqué, lundi, le député des Hauts-de-Seine à la télévision : moi je serais assez favorable à ce que des syndicalistes qui ne respectent pas la loi se retrouvent interdits de responsabilités syndicales, a-t-il ajouté.

Il a été rejoint par Brice Hortefeux, le nouveau ministre du travail, qui s’est déclaré ouvert à tout, et notamment aux propositions des partenaires sociaux, du monde syndical, des élus et de la SNCF, en vue d’une éventuelle révision de la loi sur le service minimum, dans la concertation. Enfin, Xavier Darcos a brandi le spectre d’une rupture du service public dans les écoles à l’occasion de la journée de grève de jeudi 29 janvier dans l’Éducation nationale : évitons que les écoles soient des petites gares Saint-Lazare partout, a-t-il lancé, en référence au conflit qui a entraîné la fermeture mardi de cette grande gare parisienne par la direction de la SNCF.


Frédéric Lefebvre veut punir l’abus de grève

En cela, ils ont parfaitement enregistré le message de Nicolas Sarkozy lors de ses vœux aux forces économiques : s’il y a des faiblesses dans la loi, nous la changerons, a-t-il déclaré, ajoutant et la loi sera respectée y compris par ceux-là, après avoir fustigé une organisation syndicale qui casse le service public, en fermant la deuxième gare de France sans prévenir personne et en se moquant des usagers qui se sont trouvés devant des grilles fermées. S’exprimant ainsi, le chef de l’État a fort opportunément éludé que la décision de fermer la gare aux voyageurs incombait à la direction de la SNCF.

Les pouvoirs publics se défendent pour autant de porter atteinte à un droit constitutionnel, et pourquoi ne pas leur laisser le bénéfice du doute, en dépit de ce qu’en disent les partis de gauche ? Ils communiquent régulièrement sur les résultats d’un dialogue social qui leur a permis de réduire les nuisances et les journées de grève, mais il faut bien reconnaître que l’héritage de l’après-guerre a déséquilibré l’influence des syndicats dans le tissu économique au profit d’un puissant ancrage au sein des entreprises et des services publics. Les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de le circonscrire, de le réduire, avant de l’étrangler complètement. Rappelons qu’il était interdit de se mettre en grève dans la fonction publique avant 1945.

L’action syndicale en France, se réfère par tradition à la Charte d’Amiens, adoptée en octobre 1906 par la Confédération Générale du Travail (CGT), qui groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat, selon son article 2. Le vote pour cette motion rédigée par Victor Griffuelhes et Émile Pouget marque la victoire du courant syndicaliste révolutionnaire dans le mouvement ouvrier de l’époque en France, et cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe, qui oppose sur le terrain économique les travailleurs en révolte contre les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par les capitalistes contre la classe ouvrière.

Au-delà des succès enregistrés par les grèves générales de 1936 et de 1968, le mythe a vécu. Les conflits sociaux d’une manière générale, éclatent à cause de l’incapacité des partenaires sociaux à s’asseoir autour de la table des négociations, pour régler un différent d’ordre salarial ou lié aux conditions de travail. C’est uniquement à l’intérieur de l’appareil d’État qu’ils prennent quoi qu’on en dise, toute leur dimension politique. La 2ème guerre mondiale à travers les réseaux de Résistance, a favorisé l’implantation syndicale dans les services publics, lesquels deviennent déterminants pour la reconstruction, puis le développement de l’appareil de production national. Mais le secteur privé, malgré la croissance, résiste bien aux syndicats, et trente ans plus tard, les jours de grève n’ont plus d’impact macro-économique dans le secteur marchand.

D’une manière pratique, la grève a évolué vers des revendications catégorielles, qui ont fini par brouiller le message révolutionnaire dont ses promoteurs étaient porteurs. C’est pourquoi l’un de ses inspirateurs, Georges Sorel, a considéré la grève comme un acte de guerre, événement mobilisateur propre à susciter un contexte révolutionnaire. La tendance réformiste et social-démocrate ayant finalement triomphé au sein du mouvement ouvrier, les éléments les plus radicaux se sont tournés vers le léninisme ou le fascisme, d’une manière convergente et contradictoire parfois, comme ce fut le cas de Georges Sorel !

Pourtant, né d’un père négociant en huiles et eaux gazeuses, dont les affaires périclitèrent, et d’une mère très pieuse, cousin de l’historien Albert Sorel, ce moraliste rigoureux et inspirateur de l’anarcho-syndicalisme aurait très bien pu prendre sa carte à l’UMP s’il avait vécu à notre époque. Polytechnicien, membre du corps prestigieux des Ponts-et-Chaussées, il démissionne de son poste d’ingénieur en chef à Perpignan à l’âge de 45 ans et s’installe à Paris, puis à Boulogne-sur-Seine avec une ouvrière illettrée qu’il n’épouse cependant pas parce que sa mère s’y est toujours opposée. Il nous aurait ainsi bien diverti en donnant la réplique à Frédéric Lefebvre.

 

 


Le droit de grève est-il franchement mis en cause ?
C’est fort probable, à voir brandir les deux acteurs
Sociaux dans leurs conflits les tours de gladiateurs
Quand tous les usagers sont pris dans la psychose !

Les passagers n’ont pas voulu vivre en kolkhoze,
Mais de rentrer à l’heure en fonction des facteurs
Dont ils n’ont cure et dont ils sont tous créditeurs,
La grève est pour leur part cancer ou bien mycose.

Comment être un otage, un pion dans les transports
Pour se faire un passage en force, au corps à corps ?
Quand tout va bien, ce n’est vraiment pas si facile…

La grève est devenue un droit sauf quand son front
S’exprime à tout le moins dans un sens imbécile :
Un tel acte est sans cesse un signe et tout l’affront !