La Prison est un Enfer pour les VIP

La Prison est un Enfer pour les VIP

Yldune Lévy sort de prison, Samy Naceri va y aller à nouveau. La première a connu la célébrité en cellule et le second va y retrouver l’ombre. Son éditeur jure que le report de la sortie du livre de la star n’a rien à voir avec son retour à la case prison. Mais c’est ainsi que ça se passe dans le grand Monopoly de la vie.

Ils sont en fait assez nombreux en prison, ces people qui sourient en couverture des magazines. Le temps de purger leur peine, ils disparaissent de la chronique des spectacles et de la rubrique mondaine, et prennent le temps de revenir sur leurs déboires en couchant leurs souvenirs sur le papier. Durant toute ma détention, j’ai écrit, j’ai réfléchi à ce qu’il me faudrait expliquer, devait nous raconter Samy Nacery : j’avais tout : j’étais célèbre, j’ai eu une Palme d’or, un métier de rêve... Et pourtant j’ai failli tout gâcher, tout planter. Alors j’ai voulu vous dire comment c’est arrivé, sans me chercher d’excuses, sans faire le repenti, sans barrières. Mais l’acteur ne fera pas parler de lui pendant sa détention provisoire, avant le procès qui ne manquera pas de connaître une instruction difficile malgré la simplicité des faits.

Ceux-ci ont d’ailleurs été immédiatement requalifiés pour lui éviter un procès aux Assises et un jugement par le jury populaire. Il n’est pas sûr que cette décision soit réellement une faveur accordée à la célébrité. La pratique de la correctionnalisation y est sans doute pour beaucoup, une manière de garder la justice dans les mains expertes des professionnels. Et si cette dérive implique une moins grande sévérité à l’égard de l’inculpé, la perspective de retourner à l’ombre n’a jamais enchanté personne. C’est peut-être la raison pour laquelle Samy Naceri a passé sa garde-à-vue à l’hôpital de l’Hôtel Dieu pour soigner son foie, ce qui l’a dispensé de répondre aux questions des enquêteurs.

Car privilégié ou pas, la prison demeure un enfer et les VIP la fréquentent autant que le commun des mortels. Et ils sont également la proie de la récidive. Seuls deux établissements de la région parisienne, dotés d’un secteur VIP, répondent aux critères d’incarcération d’une personnalité. Le premier, Fresnes, où se trouve par exemple en ce moment Yvan Colonna, l’assassin présumé du préfet Erignac, et la Santé. Pourtant, il n’y a pas de régime quatre étoiles à la Santé, n’en déplaise à certains. Certes, chacun bénéficie d’une cellule double pour lui seul. Mais la prison reste la prison. Et la solitude peut être très dure à supporter, surtout lorsqu’il s’agit d’une première expérience, dément le directeur de l’établissement.

Dans cette quinzaine de cellules, le mobilier se résume à un lit, une table, quelques étagères, un lavabo et des toilettes. A l’entrée du couloir, les détenus disposent également de trois douches, très propres, d’une salle d’activités et d’une cour d’environ 200 m² pour la promenade. La vraie épreuve vient avec la nuit. Car, en prison, le sommeil est un luxe. Passé la ronde de 18 heures, lorsque la porte de la cellule claque pour la dernière fois de la journée, le détenu, VIP ou non, se retrouve tout seul face à sa détresse. Alors, on se raccroche au tube de Lexomil, on se dit qu’on se lèvera plus tôt le lendemain pour être bien sûr d’être fatigué le soir, on pense à ses proches, on essaie d’oublier les cris des punis du mitard, d’où le terroriste Carlos appelait souvent à l’aide en hurlant : je suis Carlos. Y a-t-il quelqu’un pour parler avec moi ?

J’ai vécu l’expérience psychologique la plus éprouvante de ma vie, confesse Jean-Christophe Mitterrand, en passe lui aussi d’y refaire un séjour. Quand il s’agit de gens connus, il vaut mieux ne pas les traiter trop mal. Mais leur souffrance est la même que celle des autres, explique Véronique Vasseur, l’ancien médecin-chef de la prison, dont le témoignage a secoué l’administration pénitentiaire en 2006 (Médecin-chef à la Santé, éd. Le Cherche-Midi). Discrimination, oui ! Les VIP sont privés de toutes les activités collectives, comme les cours d’informatique, fulmine Pierre Botton : à Grasse, on m’a mis à l’isolement pendant sept mois. Certains ministres redoutaient que je ne les implique, du coup on m’a imposé une pression sans relâche au parloir. On a même rendu publique ma tentative de suicide. C’est en lisant les journaux que ma mère l’a apprise.

La prison est-elle aussi dure pour les gens célèbres que pour les autres ? Le fossé séparant les VIP des autres prisonniers dépasse pourtant le simple confort matériel. Quel contraste avec les cellules crasseuses et surpeuplées des bâtiments plus anciens, comme le bloc D ! D’un côté, des cellules individuelles d’environ 14 m² et des douches impeccables accessibles tous les jours. Les douches — quatre pour cinquante détenus — et les sanitaires manquent aux normes d’hygiène. Les pannes d’électricité sont monnaie courante. De l’autre, des cellules de la même superficie, abandonnées aux courants d’air et où s’entassent souvent trois détenus. Les murs sont tellement écaillés qu’on n’en distingue plus la couleur.

C’est pourquoi les gazettes ont beau jeu de relayer les menus privilèges dont jouissent les célébrités incarcérées. Lorsqu’il s’agit de faire état de la misère qui sévit en prison, c’est toujours sur le sort des gens simples qu’elles s’apitoient. 63.619 personnes sont détenues et il n’y a que 50.963 places, soit un des taux les plus élevés d’Europe. Les concessions qui sont faites aux VIP entrent forcément en résonance avec une densité carcérale plus grande encore. L’encellulement individuel est aujourd’hui inapplicable dans les maisons d’arrêt surpeuplées, qui renferment les prévenus et condamnés à de courtes peines. L’expérience la plus difficile à vivre reste l’isolement. Et pour tous en prison comme l’a écrit Guillaume Apollinaire, le plus célèbre d’entre eux : mes amis m’ont enfin avoué leur mépris !

 

 


La prison reste un monde à part du nôtre, et fort
Pour ceux qui sont dedans et parfois pour la vie,
Ils y sont pour un rien quand rien ne donne envie
De mûrir bien ou pour souffrir le moindre effort.

Ils y sont juste au frais dans un grand coffre-fort,
Avec la haine au poing quand la soupe est servie
Pour attester qu’au moins la peine est bien suivie
Et témoigner qu’on voit l’enfer dans l’inconfort…

Je me suis vu ailleurs comme ils sont en cellule,
Mais sais qu’ils n’ont pas peur d’avaler la pilule
Tout est gris maintenant que nul n’est innocent !

Comme au ciel grillagé manque une illusion folle
Pour le remords de ceux qui en ont au moins cent,
Mieux vaut pour eux ce noir futur qui nous affole.