Lune captive dans un œil mort

Lune captive dans un œil mort

Quand l’heure de la retraite a sonné, certains n’envisagent leur avenir qu’au soleil, dans une région bordée par la mer et à l’abri des ennuis, c’est-à-dire dans une prison dorée. Puisque la paranoïa s’invite aussi chez les seniors, il n’y a pas de raison de croire qu’ils ne succomberaient pas, ici aussi, après les USA, à la manie du tout sécuritaire.
Le dernier livre de Pascal Garnier, sous la forme d’une chronique du pire annoncé, vous fera grincer des dents tout en titillant vos zygomatiques. Du poil à gratter forcément incorrect mais tellement jubilatoire que l’on ne peut que vous en recommander la croustillante lecture.

Tapis dans le maquis provençal, la résidence huppée hyper sécurisée Les Conviviales vous offrira tout le confort dans un cadre idéal : gardien 24h/24h, caméra de surveillance, mur d’enceinte, piscine, club-house avec animations, etc. La prison est belle mais elle demeure une cage. Les maisons sont identiques, ce qui rend difficile toute arrogance affichée et ostentatoire mais les pensionnaires font avec. Enfin, les c’est beaucoup dire car au début – qui sera très vite, aussi, la fin – ils n’étaient que deux. Deux personnes tout d’abord, le premier couple, à venir s’installer. Puis un autre couple, plus clinquant, Mercedes et piano blanc, viendra prendre possession de sa villa. Ils seront suivis par le dernier copropriétaire, une jeune femme seule, dont on apprendra par la suite qu’elle est adepte des plaisirs saphiques, ce qui troublera la bonne mise de Maxime, la coq de service qui se teint les cheveux pour faire vieux beau sur le retour …

Ce petit monde devra s’apprivoiser, faire avec le gardien qui se croit à la tête d’une garnison et supervise le portail d’entrée, lequel n’a même pas de position manuelle, ce qui aura pour effet de créer quelques problèmes lorsqu’il tombera en panne. Après les premiers jours où tout va bien, l’arrivée inopinée de quelques gitans au croisement de la nationale va nourrir la paranoïa, et le mistral parachèvera la catastrophe annoncée dans un brasier digne de l’enfer de Dante.

Construit par strates concentriques, le récit se densifie au fil des pages et impose une galerie des petits travers domestiques agrémentés d’un chat situé au mauvais endroit au mauvais moment, d’un Smith & Wesson un peu trop sensible de la gâchette, d’une Clio pourrie qui ne démarre plus et de tout ce qui fait que les hasards ne sont pas des coïncidences, et le destin une affaire de chance.
Et vous, que ferez-vous quand l’heure des grandes vacances arrivera ?

Pascal Garnier, Lune captive dans un œil mort, Zulma, janvier 2009, 156 p. 16,50 €