France Télévisions n’a pas géré la Fin des Écrans publicitaires

France Télévisions n'a pas géré la Fin des Écrans publicitaires

C’est un véritable Tsunami. La rupture initiée par Nicolas Sarkozy n’a pas eu de suite en ce qui concerne le pouvoir d’achat des Français, mais elle est en passe de créer une révolution dans l’organisation de leurs soirées. Les chaînes de télévision sont perplexes sur les conséquences de l’explosion de l’Access Prime Time et France Télévisions n’a pas saisi sa chance de leur reprendre des points d’Audimat.

Chérie, dépêche-toi de débarrasser la table, ça va commencer ! La ménagère de moins de 50 ans a du souci à ce faire à 20 heures 35 minutes et 1 seconde, et l’objectif de cet article sans prétention est seulement d’attirer son attention sur la nécessité de bien préparer le timing de sa soirée. En effet, tous les experts, les directeurs des programmes sont formels : rien ne permet de dire ce qui va se passer à la fin du journal télévisé !

Programmes de télévision bouleversés, annonceurs désorientés, transfert des recettes publicitaires du service public vers les nouvelles chaînes du câble ou de la TNT, vente éventuelle de France Télévisions par appartements, les motifs d’inquiétude ne se sont pas taris malgré 7 mois de réflexion à propos de la suppression de la publicité sur le service public de l’audiovisuel.

Le gouvernement a bien géré le transfert d’une partie du chiffre d’affaires de France Télévisions vers TF1 et M6, avec un décret daté du 19 décembre, en vue d’augmenter de 6 à 9 minutes par heure la durée des écrans publicitaires des grandes chaînes privées, bientôt également autorisées à introduire une deuxième coupure publicitaire dans les films et œuvres de fiction. Mais les poids lourds de l’audiovisuel ne sont pas à la fête, car ce sont les nouvelles chaînes gratuites de la TNT qui profiteront en priorité de ce marché élargi. Ce décret leur accorde en effet 12 minutes de publicité par heure.

TF1 a décidé de ne pas modifier ses programmes, attendant de voir et suspendue au projet de M6 d’ouvrir une page d’actualités à 20 heures. Cette dernière cependant, a décidé d’avancer son Prime Time de 10 minutes. Il commence à 20H45 dès le 5 janvier. Forte de sa forte identité, ainsi que d’un réseau d’abonnés fidèles, Canal+ a choisi, comme TF1, de ne pas bouger : toute la question est de savoir si les gens vont modifier leurs modes de vie, analyse Rodolphe Belmer, directeur général.

Sur le service public, c’est bien évidemment la foire d’empoigne. 2 journées de grève sont prévues dans l’audiovisuel cette semaine. 7 syndicats de France3 ont déposé un préavis pour une grève de 24 heures lundi. Les syndicats, tout comme les créateurs de programmes, craignent que l’absence de recettes publicitaires plonge l’audiovisuel public dans la plus grande précarité financière. La chaîne propose à 20H35 une version spécial juniors de son jeu quotidien Questions pour un Champion.

Les syndicats de France2 ont également déposé un préavis de grève de 24 heures, mais pour mercredi, date du début de l’examen du projet de loi sur l’audiovisuel public par les sénateurs. Ils réclament notamment un financement pérenne de France Télévisions et la garantie de l’indépendance politique, éditoriale et stratégique de France2. Pour lundi soir est programmé un documentaire consacré à la découverte des Dogons du Mali aux côtés du comédien Édouard Baer.

Pas de quoi se damner, donc ! Alors que Jacques Peskine, Délégué général de l’Union syndicale de la Production audiovisuelle (USPA), assure que les unités de production des chaînes publiques ont vu leurs autorisations d’engagement diminuer de 20 à 30% depuis mars, on comprend que Patrick de Carolis a géré sa boutique en bon père de famille plutôt qu’en saltimbanque… Plutôt que de profiter du temps d’avance octroyé par l’absence de plage publicité, il a préféré s’en tenir à des émissions ringardes et sans relief.

Le budget de 2009 de France Télévision n’est pourtant pas entamé cette année. La suppression partielle de la publicité est compensée par les 450 millions d’euros versés par le gouvernement au budget du service public. Mais il en plus décidé de faire l’impasse sur les minables tunnels d’autopromotion qui comblent d’ordinaire les écrans publicitaires. Non seulement le président de France Télévisions ne joue pas son atout maître en mettant l’accent sur des programmes fédérateurs et culturels comme en a souvent eu l’idée le service public de l’audiovisuel, mais il s’est livré pieds et poings liés à ses concurrents.

Dans une interview accordée à un quotidien vespéral, le cinéaste Pascal Thomas considère que le pire triomphe de la publicité est d’avoir perverti les esprits et surtout imposé la dictature de l’Audimat, au point que chacun pense ne pas pouvoir s’en passer, avant d’observer que Le problème de la télévision, ce n’est pas seulement ce problème de la publicité, c’est une pratique de travail, dans des cadres élaborés par des directeurs de production et des syndicats — le moins qu’on puisse dire, après Jean Cocteau, c’est que "l’heure du syndicat est rarement celle de la poésie" !

 

 


Nos écrans ne vont plus fournir leur réceptacle
Aux propos alléchants tenus par les marchands,
Ils devront assouvir ailleurs de noirs penchants
Pour régler nos achats sur le goût du spectacle !

Les regards d’un public ne sont plus l’habitacle
Des instincts les plus vains à devenir méchants,
Et les désirs humains sont des soleils couchants,
Ce qui nous appartient se doit d’y faire obstacle.

Assaillis du matin jusqu’au soir de grands soins,
Leur objectif n’est pas de combler nos besoins,
Et la réclame est née au temps de notre enfance.

Nous n’avons pas senti qu’ils ont gâté nos sens,
De les pouvoir mettre en éveil leur fait offense,
Mais ils nous en voudront d’aller à contresens !