TWO LOVERS…

 TWO LOVERS…

Avec « Two Lovers »,le réalisateur américain James Gray, né en 1969, signe peut-être là sa plus belle œuvre. Après trois thrillers (« Little Odessa » (1994), « The Yards » (2000) et « La nuit nous appartient » (2007), Gray nous offre un drame à la fois poétique, puissant et sarcastique.

Avec « Two Lovers », juste un an après « La nuit nous appartient » James Gray nous surprend dans un nouveau registre tenant à la fois de la comédie et de la tragédie classique. Drame sentimental, son « Two Lovers » s’avère un film funambulesque des plus curieux, une œuvre délicatement ciselée aux confins de la folie. Le cinéaste de 39 ans, inspiré d’une nouvelle de Dostoïevski (« Les Nuits blanches »), développe un style personnel fort séduisant pour un film dont l’histoire a priori semble des plus banales : celle de Leonard (Joaquin Phoenix) un trentenaire mal dans sa peau, programmé pour reprendre le commerce de ses parents, qui doit se marier avec Sandra (Vinessa Shaw), la fille du repreneur du fonds. La rencontre de Michelle (Gwyneth Paltrow), une voisine, va quelque peu perturber ses projets…

Film à la forme épurée et stylisée, le réalisme intimiste de « Two Lovers » donne le ton, nous plongeant dans les méandres de deux solitudes : celle de Leonard, faux calme à la fois lunatique et protecteur et celle de Michelle, une blonde exubérante, instable et déboussolée. Par chance, le réalisme du cinéaste est ouvert au mystère, à la poésie et à la fantaisie. Gray semble même prendre un malin plaisir à fausser les pistes : scènes conviviales de repas dans le petit appartement familial de Brooklyn, encombré de bibelots et de photos surannées, cérémonies festives avec enfants endimanchés…

Car derrière ces oripeaux de façade perce une violence latente, celle de deux êtres dans la tourmente. A la suite d’une rupture amoureuse, Leonard a été interné – la première scène du film débute par son suicide raté - l’antihéros apparaissant bougon sortant de l’eau ; le personnage de Michelle nous apparaît tout aussi tiraillé par des sentiments contradictoires. Elle semble flotter en une douloureuse attente, cherchant plus un père (protecteur) qu’un amant (volage), comblant son vide par des pilules d’ectasy. La violence latente et explosive des sentiments peut laisser présager un scénario de type « Liaison fatale ».

Pourtant, il n’en est rien. Au contraire Gray privilégie une esthétique froide et distante, qui apprivoise le suspense.
Il plonge ses personnages dans un langoureux hiver - cœur palpitant et mélancolique - servant de décor symbolique à l’histoire de « Two Lovers » : eau noire et glacée de la première scène, ciel plombé au-dessus du toit de l’immeuble, étirements pailletés des nuits de réveillon.

Habilement, il juxtapose des lieux différents, synonymes de modes de vie non interchangeables : celui du New York by night, avec ses restaurants huppés, ses savants cocktails et ses boîtes de nuit euphorisantes et celui des quartiers populaires de Brooklyn avec ses commerces pauvres et ses monotones alignements d’immeubles de briques.

« Two Lovers » est une œuvre accomplie. Et l’on songe parfois à des cinéastes aussi différents que Cassavetes, Hitchcock ou Sirk… Avec des parfums de « Fenêtre sur cour » et de « Demain est un autre jour »… D’ailleurs Gray, lui-même, truffe son film d’allusions cinématographiques. Le personnage de Sandra, la fiancée de Leonard, ne jure que par « La Mélodie du bonheur » ; un poster de « 2001 : l’odyssée de l’espace » orne les murs de la chambre de Leonard. Le dance floor, peuplé de créatures survitaminées, nous ramène à l’imagerie flashy de « Saturday Night Fever » . Et les silhouettes, dissimulées derrière portes et fenêtres, nous renvoient à quelques-uns des plus fameux classiques de Mr Hitch.

La fin de « Two Lovers », sujette à plusieurs interprétations, séduit par son ironie glacée.
Un film à découvrir !

TWO LOVERS

De James Gray

Actuellement en salles

Date de sortie : 2008
Réalisé par James Gray
Avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow, Vinessa Shaw, Isabella Rossellini
Film américain.
Genre : Drame
Durée : 1h 50
Année de production : 2008
Distribué par Wild Bunch Distribution