Ce Rallye qui ne part plus de Paris et ne va pas à Dakar

Ce Rallye qui ne part plus de Paris et ne va pas à Dakar

Des 530 équipages concurrents qui patientent à Buenos-Aires, combien n’ont pas un petit regret de ne pas mettre leurs roues dans celles de leurs prédécesseurs ? Dunes, fesh-fesh, pistes à perte de vue, montagnes, nous promet l’organisation du Paris-Dakar, à la recherche d’un deuxième ou d’un troisième souffle après 30 ans d’une équipée sauvage à travers les sables.

L’actualité africaine est malheureusement terriblement dramatique, concède Étienne Lavigne à L’Équipe : le Dakar allait partout (Algérie, Niger, Libye, Tchad, Centrafrique...) et année après année, le territoire d’expression du Dakar s’est réduit. Au point qu’il est permis de lui demander si le nom du rallye signifie encore quelque chose… Après des décennies de polémiques et un arrêt brutal aux stands avant le départ en 2007, le rallye s’est délocalisé en Argentine et au Chili, dans des contrées plus sûres d’un point de vue du maintien de l’ordre, mais tout aussi fragiles de celui de la préservation des sites naturels.

L’annulation du Paris-Dakar à Lisbonne quelques jours après le décès de 4 touristes assassinés dans une attaque attribuée à des proches de la Branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, le 24 décembre 2007, a coûté 15 millions d’euros à la filiale du groupe Amaury. Plus question de faire de gaffes ! L’Argentine est en plus la patrie de Juan Manuel Fangio, et les populations latino-américaines ont toujours eu un a priori favorable envers le sport automobile.

De nombreux rallye-raids sont organisés en Amérique latine et les autorités locales ont une longue et célèbre tradition du maintien de l’ordre. Hormis dans le triangle formé par le Pérou, la Bolovie et la Colombie, la subversion armée fait désormais partie de l’histoire ancienne, et si les territoires ont gardé une réputation où la beauté le dispute au danger, ils font à présent plutôt partie du domaine des faits-divers que du terrorisme. Avec 5.650 Km de spéciales, le Dakar en Argentine et au Chili donnent la possibilité de conserver la posture d’aventurier qui a toujours caractérisé cet événement.

Pour autant, les accidents de toute sorte ne sont pas exclus de la prochaine édition. Rappelons qu’en dépit des menaces subies ou reçues par l’organisation en Afrique saharienne, et qui ont donné lieu à des reports ou des contournements, 32 concurrents, 7 journalistes et 9 enfants ont perdu la vie en 30 ans de course. Thierry Sabine et Daniel Balavoine ont également payé cher leur passion pour le sport automobile et l’aventure africaine, le 14 janvier 1986 dans la chute de l’hélicoptère qui surveillait le parcours.

De tels drames ne sauraient être évités par un changement de climat politique ou de continent. Les villes de Buenos-Aires ou Valparaiso n’ont rien à voir avec les pistes du Sahara, ce sont de grandes conurbations à la dimension de l’Amérique, où des milliers de passionnés de sport vivent moins blasés que sous nos latitudes. Au-delà, les paysages sont forcément beaucoup moins denses, et parfois très reculés. Certes, la ville de Cordoba, qui clôt la 13ème étape, abrite la coupe du monde de rallye, et voit passer de nombreux bolides chaque année, mais d’autres territoires aussi ont besoin d’être préservés.

C’est pourquoi l’organisation a prévu de placer le public dans des zones sécurisées, sur les conseils des forces de l’ordre, qui assureront par ailleurs des patrouilles de sécurité routière à proximité, comme sur l’ensemble du parcours. 25 chaînes de télévisions étrangères sont invitées à tourner des images du rallye… 125 journalistes accrédités participent au relais de l’événements, renforcés par 38 photographes présents sur l’intégralité du rallye. Amaury Sport Organisation (ASO) attend 800 journalistes locaux sur l’ensemble du parcours.

Le Paris-Dakar à Buenos-Aires entend préserver son image et rentabiliser l’investissement. Hubert Auriol, quadruple vainqueur de la course et directeur de l’épreuve au sein d’ASO pendant 9 ans, a décidé de reprendre le Paris-Dakar là où il s’est arrêté : il a organisé une compétition qui se déroule en ce moment même au Maroc. Il est cependant en plein démêlés judiciaires avec les tenants légitimes de la course… Paris-Dakar a quitté l’Afrique avec armes et bagages, et n’a pas l’intention de laisser quoi que ce soit de son fonds de commerce. Politique de la terre brûlée ?

Les organisateurs ont trouvé des interlocuteurs compétents et dignes d’intérêt pour la nouvelle édition du Paris-Dakar. Mais que reste-t-il de cette course qui n’a plus grand-chose à voir avec le désir d’aventure et de découverte empreint d’empathie pour le continent noir ? À l’heure actuelle se déroule entre Marseille et Dakar l’Africa Race, qui trace un sillon hésitant dans les traces de son imposant prédécesseur qui a choisi l’émigration pour ne pas renoncer à l’aventure… et surtout au fric.

 

 


Là : c’est un petit coin bien vert du paradis
Parcouru en tout sens l’été par les voitures,
Et nous suivons sur un écran les aventures
De fous de la vitesse avec leurs bras hardis.

Les meilleurs ne sont pas ici plus dégourdis,
Car ils présenteront de plus grosses factures
À l’arrivée, après des retards, des fractures,
Et toi qui viens de la cité, n’y vas pas, dis !

Toi qui te vois partir libre avec un gros cube,
Ne sois pas dans la vie à ton tour un succube,
Ton avenir est en tes mains, aussi chez toi.

Ils ont toujours rêvé les gamins du même âge
D’ailleurs inconsistants, aussi sans savoir quoi,
Ils n’auront plus les yeux fixés sur le chômage !