Crise d’Angoisse aux Urgences après la Mort d’un Enfant

Crise d'Angoisse aux Urgences après la Mort d'un Enfant

Le jour de Noël, la garde-à-vue d’une infirmière responsable de la mort d’un enfant à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris a donné lieu à une levée de boucliers de la part des autorités autant que des syndicats de personnels de santé. Tandis que le Parquet envisage des poursuites à son encontre pour homicide involontaire, les représentants du personnel, par ailleurs en grève depuis le 1er décembre, dénoncent la tentative du gouvernement pour exploiter l’affaire au profit du démantèlement de l’hôpital public.

Le décès de l’enfant de 3 ans est dû à une erreur humaine aux urgences de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, un établissement qui avait déjà défrayé la chronique en août 2005 après la découverte de 450 foetus dans sa chambre mortuaire, et jette une nouvelle fois les feux des projecteurs sur une profession constamment en conflit avec les services gestionnaires et l’administration centrale.

Peu de mystère cependant autour d’une affaire qui aurait pu être ordinaire si elle n’avait eu des conséquences fatales. Une infirmière surmenée la veille du jour de Noël, des parents inquiets pour la santé de leur enfant qui tournent en rond dans la salle d’attente du service, des médecins préoccupés par le nombre de cas et des collègues au four et au moulin qui ne prêtent pas suffisamment d’attention à ce qui se passe dans leur entourage, et c’est l’erreur funeste : une perfusion est administrée pour une angine, avec la dose prescrite, mais pas le bon produit… Le garçonnet décède.

Dans les colonnes du quotidien Le Parisien, le père s’enflamme : quand les infirmiers sont arrivés, ils m’ont dit : "arrêtez de vous affoler, il n’a rien". Ils m’ont affirmé qu’il avait des somnolences. J’ai vu que mon fils était en train de mourir… C’est moi qui lui faisais des réanimations ! Tandis que la ministre de la Santé Roselyne Bachelot s’emploie à banaliser son rôle en invoquant la procédure normale dans ce cas, les syndicalistes dénoncent des mesures disproportionnées à l’encontre de leur confrère : c’est normal qu’elle soit auditionnée par la police et qu’ensuite la justice fasse son travail, mais de là à la mettre en garde à vue

Ces médecins urgentistes avaient pourtant donné l’alerte avant les fêtes : ça craque de partout. On va voir comment vont se passer les fêtes, déclarait le Dr Christophe Prudhomme le matin même dans les colonnes de L’Humanité… En période de vacances, de nombreux lits d’hospitalisation sont fermés et les médecins généralistes sont en congés. Déjà, la semaine précédente, un grand nombre de services étaient sous pression. Dans la nuit du 15 au 16 décembre, les urgences des hôpitaux de Vichy (Allier) et celles de Bourgoin-Jallieu (Isère) ont dû déclencher des plans de secours : le dispositif permet de réquisitionner des lits dans d’autres services de l’hôpital et d’envoyer certains patients vers d’autres établissements afin de désengorger un service arrivé à saturation.

Depuis début décembre, les services d’urgence hospitalière tournent en surcapacité, tandis que les personnels sont en grève. On met le moins de personnel possible. Quand vous êtes plusieurs infirmières, vous avez le temps de prendre votre produit. Quand vous êtes sollicitée de partout, ce n’est plus possible, explique une infirmière à Libération… Bien entendu, le problème est toujours le même, et date de la réforme des 35 heures. Les services de santé publique ont dû faire face à de nouvelles exigences à satisfaire avec une enveloppe budgétaire identique. Martine Aubry eût été mieux inspirée de proposer 35 heures payées par semaine et quel que soit le travail fourni ! Parce qu’en gros, c’est ce qui se passe aux urgences dans les hôpitaux. On est loin de la série télévisée où un médecin charmeur fait des miracles dans une ambiance de stress épatante pour le téléspectateur.

L’aubaine d’un faits divers tragique a permis aux pouvoirs publics d’accentuer la pression exercée au lendemain de Noël sur les personnels urgentistes. La précédente fois qu’on a vu un ministre pratiquer la politique de l’autruche et du "tout va bien", cela s’est traduit par 15.000 morts, laissait entendre l’incontournable Patrick Pelloux à L’Humanité… Mais cette fois, le ministre a saisi la balle au bond et fait flèche de tout bois. Alors que les faits ne font plus l’ombre d’un doute, aucune conclusion médicale ne peut être établie, fait-on savoir, et un bouc émissaire a été trouvé.

L’assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a annoncé qu’elle allait lancer un audit interne pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame, ce qui rappelle sans doute au personnel de Saint-Vincent-de-Paul la sinistre affaire des fœtus, classée sans suite l’année suivante pour n’avoir pas révélée d’infraction pénale. En revanche, elle a permis de légitimer le regroupement de la maternité et de la néonatalogie avec les services de même nature à Port-Royal, pour constituer un pôle de référence de périnatalogie. Les services de pédiatrie ont rejoint ceux de l’hôpital Necker-Enfants Malades pour former le centre d’excellence de pédiatrie de l’Ouest parisien. Où devront se délocaliser les services d’urgence à présent ?

 

 


Rien de sordide et pas d’émeute or, un enfant
Est mort sous le sapin lumineux des urgences,
D’après certains, c’est à l’effet de négligences
Que ce malheur est pour le moins ébouriffant !

Dans un jour terne, on fait sonner de l’olifant :
Telle erreur est terrible au regard des agences,
Mais on le dit dans le mépris des contingences
Quand l’air de l’hôpital est toujours étouffant.

As-tu vu dans l’urgence une action bien menée
Quand l’attention aux soins n’est pas assassinée
Avec la main qui tremble et le sang-froid perdu ?

Non ! Mais l’expérience a montré la puissance
D’un praticien sans âme à qui tout n’est pas dû
Pour porter son patient vers sa convalescence…