Prostitution et dignité

Prostitution et dignité

Doit-on voir dans la prostitution un lieu d’affirmation de soi ou le lieu suprême de l’humiliation ? Est-ce un métier respectable ou une forme moderne d’esclavage ? Et les clients, ne font-il, finalement, rien de mal ; ou, au contraire, doivent-ils faire l’objet de poursuites pénales ? Qui a raison ? Depuis des décennies les pouvoirs publics pataugent. Pour tenter d’y voir plus clair, le point de vue de la philosophie peut être une solution de "sortie de crise", comme l’on entend dire en ce moment …

Ce livre interroge donc la prostitution de la manière la plus radicale possible. Pour cela il remontera jusqu’à ce qui constitue, en quelque sorte, l’essence même du rapport prostitutionnel, mais dans le contexte sexuel uniquement. Et dans le cadre d’un apport spécifiquement philosophique pour tenter de comprendre le phénomène de la prostitution.
Il incombe alors au philosophe de chercher à cristalliser une définition du phénomène dont toutes les autres disciplines tendent à déterminer les causes. En cela ce livre ira dans le sens de la clarification conceptuelle, car toute investigation empirique présuppose un certain découpage conceptuel du réel. Ledit ne se fait pas toujours de manière consciente, ni sans certains à priori … En philosophie, on cherchera donc à articuler de la façon la plus claire et distincte possible ; sans oublier ces fameux à priori qui pourraient l’influencer.
Il faut donc analyser les différents discours et s’arrêter sur certaines notions non empiriques qui les émaillent. Par exemple, ces affirmations péremptoires qui veulent que dans la prostitution les notions de liberté, d’autonomie, de dignité, de moralité soient systématiquement mises en avant. Mais tout ne peut se résumer en une seule phrase. Si certains affirment que personne ne choisit librement de se prostituer, d’autres disent, tout aussi sûrement, que le choix de se prostituer peut être un choix parfaitement libre …

Ce livre ne prétend nullement dire le dernier mot sur la question du caractère moral – ou immoral – de la prostitution ; mais il apporte des arguments qui peuvent convaincre que la prostitution n’est pas moralement condamnable. En alimentant ainsi le débat, Norbert Campagna veut dépassionner le débat. Ce docteur en philosophie, professeur-associé à l’Université du Luxembourg, ne veut nullement légitimer le traitement souvent irrespectueux des personnes prostituées par leurs clients ; mais il veut s’interroger sur l’acte pris isolément.

Pour ce faire, cinq chapitres s’articulent autour de sa pensée. Dans le premier, il tente de clarifier le concept de prostitution pour simplifier ce qu’il implique. Dans le second est abordé la question relative à ce qui peut être vénal et à ce qui ne doit pas le devenir. Le troisième chapitre s’interroge sur l’impact de la sexualité en général et des rapports prostitutionnels en particulier sur la dignité humaine. Dans le quatrième chapitre sont étudiés les différentes manières de comprendre l’affirmation selon laquelle personne ne se prostitue librement. Quant au cinquième et dernier chapitre, il analyse les différentes politiques pouvant être mises en œuvre par une société confrontée à l’existence de rapports prostitutionnels.

Bref, et quoi qu’on en pense, il demeure certaines vérités et certains faits qui ne nous dispensent pas de nous interroger sur la compatibilité éventuelle de la prostitution, de la liberté et du respect de la dignité. C’est à une telle interrogation que ce livre procède ; mais il ne justifie en rien la situation dans laquelle se trouver aujourd’hui de nombreuses prostituées. Il ne fait pas non plus l’apologie de la prostitution … Car elle n’est ni un élément constitutif de la société idéale, ni un élément qui lui serait radicalement antithétique.
L’acte prostitutionnel n’est ni un bien en soi, ni un mal en soi.
La prostitution, la liberté et le respect de la dignité sont compatibles au niveau des concepts. Il dépend des êtres humains de les rendre compatibles également au niveau de la réalité.

Norbert Campagna, Prostitution et dignité, coll. "l’attrape corps", La Musardine, novembre 2008, 275 p. – 16,00 €