Bienvenue à Terre Yann Eliès notre Marin le plus Cher au Monde

Bienvenue à Terre Yann Eliès notre Marin le plus Cher au Monde

Le skipper du voilier Generali l’a échappé belle, et doit la vie sauve à la marine australienne, qui a dépêché une frégate sur zone et a pu le récupérer samedi gisant à bord de son bateau, à ses adversaires du Vendée Globe qui se sont déroutés pour lui prêter assistance, mais aussi à beaucoup de chance, pour n’être tout simplement passé par-dessus bord par des vents de 25 nœuds et une mer formée. Selon le médecin qui lui a prodigué les premiers soins, Yann Eliès serait probablement mort en mer si les secours n’étaient arrivés à temps !

C’est hélas le lot de tant de marins, d’où la solidarité des gens de mer face aux éléments naturels incontrôlables et tellement plus puissants que les splendides voiliers dont ils assurent la manœuvre… Les amateurs conservent en mémoire la disparition de Gerry Roufs au cours de l’édition 1996-97 du Vendée Globe Challenge, et dont l’épave du bateau ne fut repérée, quille en l’air, que le 16 juillet 1997, près de 6 mois après son dernier message radio, le 7 janvier… et plusieurs mois aussi après la fin de la course !

D’importants moyens logistiques avaient alors été mis en œuvre pour retrouver le marin : 4 des concurrents ont abandonné la course afin de sillonner la zone où Gerry Roufs aurait pu errer, des cargos sont déroutés à sa recherche, un satellite d’observation est consacré à l’opération de sauvetage, sans résultat… Yann Eliès a eu plus de chance, mais il s’en est fallu de peu ! Le Dr McIllroy a trouvé le blessé sur la couchette de son bateau samedi, il a raconté qu’il n’avait plus qu’une bouteille de boisson sucrée à moitié pleine : vous ne pouvez pas tenir très longtemps avec 30 centilitres d’eau sucrée ; s’il n’avait pu être secouru, il serait mort en mer dans les deux jours ! Le marin était au bout du rouleau : il ne pouvait pas atteindre sa trousse de survie, qui était à deux mètres de lui, ni sa nourriture.

Yann Eliès a été secouru 2 jours après s’être fracturé jeudi le fémur gauche et des côtes alors qu’il manoeuvrait à l’avant de son bateau, à 800 milles au sud des côtes australiennes. Il s’en est fallu de peu pour qu’il passe au-dessus du balcon, alors qu’il était occupé à une réparation par un vent fort, mais habituel sous les fameux 40èmes Rugissants, et une mer houleuse. Marc Guillemot, le concurrent le plus proche, est arrivé vendredi matin à quelques encablures du bateau de son rival, mais n’a pas pu l’aborder à cause d’une mer trop forte. Mike Golding, Jean-Pierre Dick et Davies Samantha s’étaient également déroutés pour prêter assistance au marin blessé.

Pour beaucoup, les moyens déployés pour ce genre d’opération sont sujets à controverse. Le coût horaire d’un bâtiment de guerre de la classe de l’Arunta est de l’ordre de 1.875 €/h… Les secours en mer, quels que soient les moyens parfois ahurissants mis en œuvre, sont gratuits, pour les skippers du Vendée Globe, comme pour les marins de la marine marchande ou les plaisanciers, mais ils peuvent s’élever au-delà du raisonnable. Une vedette de la Société nationale de Sauvetage en Mer (SNSM) coûte entre 110 et 260 €/h et un canot tout temps entre 275 et 395 €/h. Sans compter que les sauveteurs mettent également leur vie en danger par gros temps !

Il arrive également qu’il soit nécessaire d’envoyer un hélicoptère sur les lieux du naufrage afin d’évacuer les marins. La Marine Nationale dispose de Super-Frelon dont la mise en disponibilité est en baisse, car ils commencent à dater. Ils devraient être remplacés par les fameux Caracal, qui coûtent 16 millions d’euros pièce, et sont notamment utilisés par les forces françaises en Afghanistan. C’est un appareil de transport tactique longue distance, aussi bien que pour des missions de transport sanitaire, de soutien logistique, et pouvant être adapté aux missions navales.

L’inflation de moyens dont la destination finale est strictement mercantile

Les naufrages sont hélas un risque inhérent à la navigation en mer : dimanche a chaviré l’Hydroptère au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône, où il tentait de battre le record de vitesse absolue à la voile. Causée par la houle puis une rafale de vent, l’avarie s’est produite alors que le bateau atteignait 55 nœuds. Stabilisée sur 500 mètres, cette vitesse aurait constitué le record du monde à la voile. Le sport admet forcément le dépassement des capacités humaines, mais jusqu’où et à quel prix ?

Le budget du Vendée Globe atteint 7,3 millions d’euros pour l’édition 2008-09 : le Conseil général de Vendée participe à l’opération à hauteur de 2,8 millions, la ville des Sables d’Olonnes pour 1 million, la Chambre de Commerce a mis 250.000 euros sur la table. La société Sodeb’O, spécialiste des pizzas et sandwiches au rayon frais des supermarchés, est le principal sponsor de cette course à la voile, avec 2,65 millions d’euros, mais à ces contributions financières s’ajoutent la vente de produits dérivés et la participation des fournisseurs, évaluées à 600.000 euros.

Si cette confrontation des moyens et des ambitions attire les entreprises, c’est avant tout grâce à sa couverture médiatique : 276 heures de retransmission télévision et 196 heures de radio pour la précédente édition, 12.500 articles de presse, 135 millions de pages Web. Elles comptent évidemment pour valoriser leur image sur autant de sauvetages spectaculaires, de naufrages… d’héroïsme en somme ! Le retour sur investissement est garanti avec, en prime, une image valorisée par le partage de valeurs humaines : simplicité, courage, goût du risque, obstination.

Les bateaux sont désormais des monstres de technologie. Revers de la médaille, les budgets répartis sur 4 ans ont évolué en conséquence : de 1,85 million d’euros à 10 millions d’euros, voire beaucoup plus pour les grandes écuries. Cette année, 17 petites et moyennes entreprises ont cassé leur tirelire pour prendre la mer. 10 françaises : Delta Dore, Paprec, Virbac, VM Matériaux, Groupe Bel, Foncia, Akena Vérandas, Cheminées Poujoulat, Maisonneuve, PRB, et 7 étrangères. Face à elles, des navires sont financés par de grandes entreprises aux budgets conséquents : Veolia Environnement, Generali, Safran, Air France, British Telecom, Aviva, groupe Rothschild.

Ainsi, Marc Guillemot a-t-il obtenu près de 2 millions d’euros pour finalement porter secours à Yann Eliès, alors que Sébastien Josse confiait avant le départ qu’un budget Vendée Globe demandait à présent 2,2 millions d’euros pour la construction du bateau neuf et entre 750.000 et 1,250 million par an de fonctionnement, selon le programme de courses. Autant de chiffres qui font rêver par temps de crise et auprès desquels la vie d’un homme pèse bien peu.

 

 


Ils font la course au large à bord de vrais bolides
Tout en donnant le plus de toile au vent puissant,
Qu’importe ! Il faut aller plus vite en se blessant,
Au fond, les gens de mer ne sont pas tous valides.

Ces bateaux, malgré tout, ne sont pas très solides,
Et s’ils vont vite, un homme a sur le pont glissant
Le plus grand risque à craindre ici en se dressant
Sur des paquets de mer qui sont vraiment livides !

Qu’on salue à bon droit leur courage et tout l’art
Pour faire autant de nœuds parfaits sur un prélart,
Mais combien de marins, combien de capitaines…

Se sont perdus sans faire un pas de plus au moins
Avec leur arrogance au cours d’actions lointaines,
Combien de marins seuls se sont tus sans témoins ?