L’improbable Remaniement ministériel de Nicolas Sarkozy

L'improbable Remaniement ministériel de Nicolas Sarkozy

Les rumeurs vont bon train quant à un nouveau jeu de chaises musicales au gouvernement. La nomination de Bruno Le Maire aux Affaires européennes confirme la volonté de Nicolas Sarkozy de l’ouvrir à d’autres tendances de l’échiquier politique, voire de poursuivre la grande opération de déstabilisation qu’il a montée avec l’ouverture. De fait, les ministères bruissent de prétentions nouvelles et la presse en fait ses choux gras. La hâte de certains montre que les promotions le sont dans un temps limité, d’autant plus que les élus possibles apparaissent de plus en plus nombreux. En exclusivité, voici la liste complète du gouvernement Fillon IV, telle que le chef de l’État pourrait l’imaginer :

Patrick Devedjian : a déjà pris ses fonctions de ministre de la Relance économique dans la précipitation le 5 décembre.

Xavier Darcos : remplace Michèle Alliot-Marie à l’Intérieur. Le porte-parole du ministère Gérard Gachet a dressé le bilan de la ministre au cours d’une conférence de presse vendredi. Le Parisien s’est étonné de la mise en équation de 2 périodes sans véritable équivalence, mais portant chacune sur 12 mois. Pour mieux faire valoir ses doutes, il l’a cité affirmant que Michèle Alliot-Marie ne craint pas un remaniement ministériel… Elle devrait prendre en charge la direction de France Télévision en remplacement de Patrick de Carolis, Xavier Darcos poursuivant tranquillement la réforme de la sécurité intérieure à laquelle Nicolas Sarkozy tient énormément, avant d’engager avec le talent qu’on lui connaît celle de la loi de 1905.

Alain Marleix : conserve ses fonctions sous la tutelle de Xavier Darcos, toujours occupé à la réforme électorale qu’il est depuis son entrée au gouvernement…

Bernard Kouchner : reste aux Affaires étrangères à la demande de François Fillon d’une part, pour soigner sa sciatique, et parce qu’il a bien servi le président d’autre part. Le splendide exercice d’intoxication des médias auquel le précédemment secrétaire d’État chargé de l’Action humanitaire de Michel Rocard s’est livré pour écarter l’idée d’une telle fonction est l’exemple le plus récent de son allégeance.

Bruno Le Maire : remplace auprès du chef de la diplomatie française Jean-Pierre Jouyet, une des personnalités de gauche entrées au gouvernement dans le cadre de la politique d’ouverture de Nicolas Sarkozy. Ses compétences en matière économique et financière, les fonctions qui ont été les siennes dans le passé tant au sein de l’administration française que du secteur privé, ainsi que sa grande expérience internationale le mettront à même d’exercer au mieux ces nouvelles fonctions, assure l’Élysée dans un communiqué. Avec le départ de Michèle Alliot-Marie, la fidélité chiraquienne que Dominique de Villepin essaie de perpétuer explose en vol, tandis que son héraut tutélaire voit s’approcher le jour où il sera pendu à un croc de boucher. Le mandat de Michel Prada à la présidence de l’Autorité des Marchés financiers (AMF) devant s’achever le 21 novembre prochain, Jean-Pierre Jouyet en assurera lui-même l’intérim.

Rama Yade : est pressentie pour remplacer Stanislas de Laboulaye à l’ambassade de France à Moscou, alors qu’il est attendu depuis plusieurs mois à la légation française auprès du Saint-Siège au terme de négociations difficiles avec la papauté. Ça lui apprendra la vie, aurait dit Nicolas Sarkozy à l’endroit de Rama Yade, furieux qu’elle lui ait fait faux bond pour les prochaines échéances électorales… Bernard Kouchner lui donne le mercredi 10 décembre le coup de pied de l’âne dans Le Parisien : il y a contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un État, même en France. Cette contradiction peut être féconde mais fallait-il lui donner un caractère gouvernemental en créant ce secrétariat d’État ? Je ne le crois plus et c’est une erreur de ma part de l’avoir proposé au président. J’avais refusé ce ministère dans le premier gouvernement de Michel Rocard ! Cela dit Rama Yade a fait, avec talent, ce qu’elle a pu. Mais la pauvre fille a peut-être trouvé in extremis un autre point de chute à New-York, au siège des Nations-Unies où elle doit mettre sur pied une initiative appelant à la dépénalisation universelle de l’homosexualité dans le monde. Rama Yade se rendra à New York le 18 décembre et co-présidera avec Maxime Verhagen, ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, un événement en marge de l’Assemblée générale, auquel ont décidé de s’associer plusieurs pays.

Alain Joyandet : conserve la Coopération et la Francophonie.

Ingrid Betancourt : prend en charge le ministère de l’Immigration et Identité nationale dont Nicolas Sarkozy a proposé la création à grands bruits pendant sa campagne électorale au printemps 2007. Brice Hortefeux ne lui a pas donné le relief qu’il souhaitait. Figure emblématique de la société civile et symbole des Droits de l’Homme bafoués dans le monde, otage pendant 5 ans de la guérilla colombienne, Ingrid Betancourt est également proche de Dominique de Villepin. C’est une surprise, d’autant plus qu’elle a formé le projet d’une fondation internationale pour lutter contre les prises d’otage, mais elle a admis lors d’une interview radiophonique vendredi que cette initiative de ne la prendrait pas à temps plein. Son charisme et sa forte personnalité pourraient donner un élan populaire et plus consensuel à un ministère controversée.

Fadela Amara : doit lui prêter main-forte en passant sous la tutelle du ministère de l’Immigration et l’Identité nationale. Elle crée un secrétariat d’État couvrant le volet identité nationale et dont l’intitulé reste à définir.

Pierre Bédier : député des Yvelines et conseiller général, maire de Mantes-la-Jolie, il se préparait à de nouvelles fonctions au ministère depuis le 15 octobre dernier. Spécialiste des questions de justice au point d’avoir été lui-même inquiété pour abus de biens sociaux, il a bénéficié d’un non-lieu en 2002. Il était chargé du programme immobilier de la Justice dans le gouvernement Raffarin II, et devrait s’occuper du volet immigration de ce ministère qui prend finalement corps.

Christine Lagarde : conserve son poste et Anne-Marie Idrac, comme Laurent Wauquiez et Hervé Novelli… Elle prend en plus Éric Besson sous son aile pour assurer le développement de l’Économie numérique. Ce dernier sera aussi en relation avec Patrick Devedjian qui doit faire l’interface avec Christine Lagarde et le ministère du Budget et des Comptes publics.

Jean-François Copé : doit s’occuper des comptes de la nation pour faire bisquer Xavier Bertrand, et parce qu’on ne peut pas les voir ensemble sur les bancs de l’Assemblée. Mais au vu des ambitions mutuelles, c’est peut-être un échange standard ! Le Budget, il connaît déjà pour s’y être formé dans le gouvernement Raffarin III. Jean-François Copé formerait un tandem détonnant avec Christine Lagarde, mais Nicolas Sarkozy apprécie les antagonismes.

Brice Hortefeux : passe à l’Éducation nationale. C’est le changement dans la continuité, mais il aura du pain sur la planche et les préavis de grève sont déjà sur son agenda. En revanche, on lui reconnaît un excellent entregent et des qualités de négociateur. Plus terne que son prédécesseur, Nicolas Sarkozy compte sur lui pour endormir les syndicats d’enseignants.

Valérie Pécresse : sort du gouvernement pour préparer les régionales de façon intensive. Elle brigue avec Roger Karoutchi la présidence du conseil régional d’Ile-de-France, et ce n’est pas gagné, puisque la région est aux mains des socialistes depuis 1998.

Claude Allègre : remplace Valérie Pécresse à la Réforme universitaire et à la Recherche. Le principe de l’ouverture à gauche se poursuit et l’ancien ministre du gouvernement Jospin a conduit une mission qui a plu au président de la République. Sur Canal + aux assises de l’Innovation le 10 décembre, un court passage montre Bernard Kouchner demander à Claude Allègre : est-ce qu’il va te filer quelque chose à toi ? parlant selon toute probabilité de Nicolas Sarkozy. Puis d’enfoncer le clou : tu demandes rien d’autant plus qu’il va te le donner. Que peut-on rêver de mieux pour noël ?

Roger Karoutchi : mène une campagne ébouriffante de son côté, mais conserve son poste au Secrétariat d’État aux Relations avec le Parlement.

Éric Woerth : passe à la Justice pour réparer les dégâts causés par Rachida Dati et remettre un peu d’ordre dans le budget du ministère.

Rachida Dati : échange son poste avec celui de la Santé. Juste avant d’accoucher en janvier, elle doit poursuivre le plan initié par Roselyne Bachelot pour la restructuration hospitalière. Elle aura l’occasion de fréquenter plus Bernard Laporte aux Sports et à la Jeunesse, lui qui a fermement démenti toute relation. Son maintien au gouvernement fait déjà couler de l’encre avant même d’être effectif. Le Point écrit dans sa dernière livraison que des âmes charitables affirment qu’à l’heure de la curée Rachida Dati, qui connaît les histoires de famille et du département des Hauts-de-Seine pour s’être occupée pendant quelque temps, en 2005, du secteur sensible des marchés publics, saura, le cas échéant se rappeler aux boins soins de son protecteur. Rachida Dati s’est déclarée choquée par cet article, et a écrit à son auteur Denis Demonpion vendredi : vous insinuez que je serais en mesure de faire un usage déloyal d’informations en lien avec mes fonctions de directrice générale adjointe des services au conseil général des Hauts-de-Seine. Ceci est totalement faux ! En la conservant dans son équipe, Nicolas Sarkozy s’ôte une éventuelle épine dans le pied.

Roselyne Bachelot-Narquin : passe au ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, qu’elle connaît à merveille pour y avoir défrayé la chronique dans les gouvernements Raffarin. De toute façon, la priorité est à la reprise économique, plus qu’à l’écologie ! Conséquence : Jean-Louis Borloo se met au vert pour de bon, car il aurait souhaité prendre un peu de champs par rapport à la vie politique nationale.

Nathalie Kosciusko-Morizet : devient ministre délégué à l’Écologie et prend de ce fait un galon. Surtout, elle aura mission de déminer le terrain sur lequel Roselyne Bachelot devrait exercer…

Christian Blanc : conserve son secrétariat d’État au Développement de la Région capitale.

Hubert Falco : conserve ses fonctions à l’Aménagement du Territoire, mais prend le titre de ministre et Dominique Bussereau sous sa tutelle, qui conserve le secrétariat d’État aux Transports. En plus de Roselyne Bachelot et Christine Lagarde sur le dos, il aura le plaisir d’exécuter les ordres de Patrick Devedjian.

Geoffroy Roux de Bézieux : sarkozyste et personnalité de la société civile, il met les pieds au ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité à la place de Xavier Bertrand. S’il prône le dialogue social et un franc-parler sympathique, tout le monde aimerait le voir à l’œuvre. Il superviserait la réforme du Pôle Emploi et quitte la présidence de l’Unedic où il a pu prendre toute la mesure du problème. Le Revenu de Solidarité Active adopté, Martin Hirsch deviendrait secrétaire d’État à la Solidarité. Nadine Morano prendrait directement les relations sociales en charge, et donc les négociations avec les partenaires sociaux. Valérie Létard quitte le gouvernement pour préparer les élections européennes, où elle devrait conduire une liste dans le Nord-Ouest.

François Hollande : remplace Christine Boutin au Logement. De toute façon, le PS j’en ai plus rien à foutre, aurait-il confié à des proches… Un passage au gouvernement, ce qu’il n’a jamais connu, lui donnerait enfin une stature présidentiable. Le problème, c’est qu’il s’agit d’un sacré reniement !

Nicolas Perruchot, député du Loir-et-Cher (Nouveau Centre), ancien maire de Blois, remplace Fadela Amara à la Politique de la Ville. Sa défaite aux dernières élections municipales lui ont fermé les portes du gouvernement lors du précédent remaniement.

Luc Chatel : obtient l’Agriculture et la Pêche à la place de Michel Barnier, future tête de liste dans le Sud-Est.

Hervé Morin : conserve la Défense.

Jean-Marie Bockel : garde son secrétariat d’État aux Anciens Combattants.

Frédéric Lefebvre : prend la Culture et la Communication à la place de Christine Albanel. Il doit mettre en œuvre la réforme de l’audiovisuel public et il a déjà beaucoup travaillé là-dessus sur les bancs de l’Assemblée… Mais il aura fort à faire avec Michèle Alliot-Marie. Il aura en plus le délicat travail de mettre en musique les mesures préconisées par les États Généraux de la Presse avec les journalistes.

Jack Lang : n’a rien eu ! Il a été trop gourmand. Mais avec François Hollande et Ingrid Betancourt, Nicolas Sarkozy a fait carton plein sur l’ouverture… Jack Lang va pouvoir ressasser sa rancune en asticotant les parlementaires socialistes… C’est toujours ça de pris. Et depuis la guerre entre les deux roses, inutile d’en faire plus !

 

 


Il faut du temps pour faire un beau gouvernement,
Le prendre est impossible alors que naît l’urgence
Quand les gens pour œuvrer en bonne intelligence
Nous ont toujours manqués malgré notre agrément.

Sans du sang-froid, un rien de poigne et du piment,
Rien ne vient, ni n’arrive à moins d’intransigeance,
Tout reste à prendre au pis-aller, tout d’indulgence,
Mais le solde est compté bien cher et bruyamment !

Il en faut du doigté pour mettre ensemble un groupe
Et dans les faits, sans cesse au mur, porter sa croupe
Quand face au front de nos mépris, il prend le vent…

Nous lui dirons sur l’œuvre et le poids des épreuves
Si l’air qu’il souffle en trop n’est pas plus éprouvant
Qu’à petits pas menus, car nous voulons les preuves.