Le Diable noir aurait pu être le Barack Obama français

Le Diable noir aurait pu être le Barack Obama français

Cette nuit, quelque part dans un entrepôt de banlieue, des manutentionnaires blasés vont charger des cartons dans des camions. Dans ces cartons, il y a un livre. J’en suis l’auteur et ce livre est pour vous. C’est le neuvième ouvrage que je signe et il est loin de moi, le temps des illusions.

La seule chose que j’ai apprise, c’est que l’écriture est un combat, toute œuvre une guerre. Les mots se payent. Parfois un prix exorbitant. Livre après livre, chapitre après chapitre, page après page, ligne après ligne, j’ai appris la modestie, l’indifférence aux insultes et à la calomnie (qui pourtant me blesse), la résistance à l’injustice. La pire des injustices, c’est de voir un livre important passer inaperçu. Important, ce livre l’est plus que tout autre parce que je l’ai écrit pour un autre, un ami, mort depuis bien longtemps et pour lequel je me bats depuis bientôt sept ans. Cet ami, c’est un soldat oublié, le général Dumas, tellement important pour nous aujourd’hui. Il était vaillant, il était indestructible, mais les injustices l’ont mis à genoux et le chagrin l’a tué.

Il avait eu le malheur de naître esclave à Jérémie en 1762. Certains journalistes qui ne parleront pas de ce livre et mettent une majuscule au mot noir diront que c’en était un. Peut-être. Pour moi, c’était un grand Français. J’ai tenté de raconter son histoire voici six ans déjà. C’était mon second livre : Alexandre Dumas le dragon de la Reine. Vous fûtes quelques milliers à le lire. Il est épuisé. Je m’efforce de ne pas l’être. Car depuis, j’ai appris tant de choses sur mon ami le général Dumas qu’il fallait un autre ouvrage. Et voici Le Diable noir. Le général avait trois compagnons qui deviendront, dans la littérature, Athos, Porthos, Aramis. J’ai voulu en dire plus sur eux aussi. Ils s’appelaient Espagne le Creusois, Beaumont le Picard, Piston le Lyonnais. L’un est mort au combat, l’autre des suites de ses campagnes, le troisième dans son lit, misanthrope.

Si vous passez un jour sous l’Arc de triomphe, vous lirez le nom de Dumas, d’Espagne et de Beaumont. J’ai eu beaucoup de chance. Un ami m’a révélé le journal de captivité du général Dumas dans les geôles du roi de Naples. Un texte inouï qui a inspiré La Chartreuse de Parme et Le comte de Monte Cristo. J’explique pourquoi et je retranscris ce texte inédit en annexe de l’ouvrage. La providence m’a mis sur le chemin des descendants des compagnons du général et ils m’ont ouvert leurs archives. Des lettres. Tout ce que je devinais. J’en ai nourri le récit du Diable noir, qui me semble être un des livres les plus importants que j’aie jamais écrits. J’ai compris que 213 ans avant Barack Obama, un Français né esclave, vendu pour un billet de bateau, était bel et bien sur le chemin des honneurs suprêmes. Le hasard et la méchanceté lui ont barré la route. Les honneurs, ils ne les a pas eu. L’honneur, il en est l’illustration.

Bien sûr, la grande presse, comme d’habitude, ne parlera de ce livre que si c’est un succès. Je compte sur vous pour que Le Diable noir en soit un. Non pas par vanité d’auteur. Mais parce que depuis 1806, date de la mort du général Dumas, il n’y a eu que trois ouvrages écrits sur lui et publiés en France. Sur ces trois livres, j’en aurai rédigé deux. Le troisième date de 1897 et fut signé par Ernest d’Hauterive, époux de l’arrière petite-fille du général. La petite nièce d’Ernest d’Hauterive, que je remercie, m’a adressé une lettre inédite qui révèle le racisme dont le héros fut l’objet, en pleine Révolution, mais dont il ne se plaignit jamais. Et puis je voulais rendre hommage à la femme du général Dumas, la blonde aux yeux saphir de Villers-Cotterêts, qui s’est tant battue pour son mari, bien au-delà de sa mort, qu’on a fini par dire d’elle que c’était une "femme de couleur".

Impressionnant. Quelle folle histoire d’amour qui vaut tous les romans. Elle l’a bien vengé, son Dumas, son Diable noir, en lui donnant un fils qui est l’écrivain français le plus lu dans le monde. Aujourd’hui, je te salue Alexandre ! L’heure du triomphe et de la vengeance de ton père a enfin sonné. Depuis le Panthéon où tu reposes, regarde un peu ce que nous allons faire ! Toi qui as connu le racisme mais aussi la gloire, regarde comme nous nous battons à mains nues contre la bêtise d’un siècle parfois encore plus bête que le tien. Mais il ne fait que commencer.

La sortie de cet ouvrage est le premier signe d’un immense rassemblement qui va nous faire converger à la fin du mois prochain, avec une très grande fierté, vers une place de Paris, la place du général-Catroux (17e). Certains viendront de très loin et qui, sait, d’Amérique… Nous serons des milliers, des dizaines de milliers peut-être. Pas que des nègres. des descendants d’indigènes et d’esclaves, enfin au coude à coude. Une journée historique dont cet ouvrage est le prélude. Des Français de toutes couleurs, de toutes opinions. des Picards, des Savoyards et même des Vendéens qui se souviennent : si Dumas avait obéi aux ordres pour génocider leurs ancêtres, il ne seraient pas là aujourd’hui. Car il fut aussi commandant en chef de l’armée de l’Ouest et au lieu de se venger de l’esclavage sur les Nantais, qui avaient peut-être chargé ses grands-parents sur un bateau de traite, il les épargna et démissionna au péril de sa vie, lui l’officier bleu, l’officier noir, pour ne pas obéir à des ordres indignes. Quelle leçon !

Sur cette place de Paris, s’élèvera un monument au général Dumas pour remplacer celui que les nazis ont détruit en 1943. D’immenses chaînes d’esclave brisées qui s’élèveront vers le ciel. Merci à toi Driss sans Arcidet, ami dont je ne connais toujours pas la couleur de la peau, toi qui forges l’oeuvre à Caen tout en lisant mon livre. La mairie de Paris a financé ce monument géant, qu’on pourra difficilement ignorer en passant dans Paris, mais il a fallu se battre six ans. L’Unesco donne à la journée d’inauguration son soutien. Un autre, plus inattendu, est celui de l’armée française qui reconnaît le héros, plus de deux cents ans après sa mort. Moi qui ai dit bien haut ce que je pensais de Napoléon, auquel les militaires sont pourtant attachés, j’ai obtenu, sans autre recommandation que ma plume, qu’un détachement de la garde républicaine vienne rendre les honneurs à celui qu’on appelait Monsieur de l’Humanité.

Un hommage officiel, avouons-le, n’est pas banal pour un nègre français, fût il général en chef. Il est urgent que la France reconnaisse tous ses enfants, tous ses héros, tous ses écrivains, sans autre distinction que la vertu et le talent. Le Diable noir sera demain matin, dans (presque) toutes les librairies. Lisez-le, faite le lire. Si votre libraire ne l’a pas, demandez lui gentiment de le commander en quantité illimitée. Le succès ne tient qu’à cela. Et vous, lecteurs de rencontre, sublimes inconnus, qui parfois m’arrêtez dans la rue pour me serrer la main et me dire de continuer, sachez que ce livre vous est dédié. Merci à vous. Merci pour lui.