La femme est l’avenir de l’homme. Ah bon ?

La femme est l'avenir de l'homme. Ah bon ?

La femme, avenir de l’homme ? On nous l’a dit. Aragon l’a même écrit. Mais nous aurions dû être plus méfiant. Dès le départ. Cela sentait un peu le faisandé. Qu’un stalinien¹ parle d’avenir aurait d’ailleurs du suffire à nous faire frémir. Il suffisait de repenser aux caves de la Loubianka. Mais l’homme n’a vraiment pas de mémoire ! Les seules balles dont il se souvienne sont celles avec lesquelles il joue au tennis…

La femme était donc l’avenir de l’homme. C’était promis, juré, craché ! Si l’homme n’a guère de mémoire, il dispose, en revanche, d’une réserve inépuisable de naïveté. Il y a donc cru. L’égalité était, enfin, en route et l’émancipation de la femme se profilait là bas, loin, très loin, tout au bout de l’horizon. Sous un ciel bleu d’usine dont le silence était déchiré de loin en loin par le bruit des canons. Ou celui des camions. Mais quoi ! Les faits étaient là : le statut de la femme évoluait avec la couleur kaki des parquas et les marches cadencées en rangers.

Mais oui. Ce fut ainsi que commença l’émancipation féminine. Telle, du moins, que la conçoit notre époque. Israël, en particulier, montra la voie, la femme y prouvant qu’elle pouvait « assurer », aussi bien dans le rôle de para que dans celui de flic. Le deuxième sexe portait assurément la tenue léopard avec autant de prestance que les andouilles de sexe mâle. Et le PM ou la matraque ne nuisaient nullement à sa féminité. C’était dit : la femme était l’avenir du militaire. La ressemblance était parfaite jusque dans les moindres détails ! Au point que même l’instinct de carnassier, tous les bons vieux réflexes du prédateur qui s’amuse avec sa proie, ne lui étaient pas inconnus. On a pu le voir, il n’y a pas si longtemps, en Irak… Il n’y a pas à revenir sur ce point. La femme s’est montrée, dans ce domaine, l’égale de l’homme. Même dans l’art, pourtant ô combien subtil, des sévices et des tortures... Elle n’a vraiment plus rien à prouver quand à sa capacité à porter l’uniforme et à s’adonner aux joies du crapahutage. Faites l’amour… et aussi la guerre !
Mais il n’en va malheureusement pas de même dans le domaine politique, du moins en France. Les réticences des hommes sont encore bien trop nombreuses. Triste réalité ! Les mâles ne veulent absolument pas partager la burlesque comédie du pouvoir.

Pourtant, plus il y aura de folles, en plus des fous, plus on aura l’occasion de rire. Ce serait bien appréciable vu la tristesse des temps !

Femmes d’impouvoir ?

« Or sont ainsi les femmes diffamées/Par moultes gens et à grand tort blâmées » Christine de Pisan

Ce n’est, bien évidemment, pas pour une question de compétence que les femmes ne trouvent pas leur place dans l’arène politique. De Golda Meir à Indira Gandhi, de Margaret Thatcher à Condoleeza Rice, elles ont maintes fois apporté la preuve qu’elles les avaient. Et même plutôt deux fois qu’une ! Elles savent être aussi cyniques, voire se montrer encore plus brutales que les hommes. Peu de ces derniers d’ailleurs, du moins dans un pays dit démocratique, auraient osé aller aussi loin que ne le fit Margaret Thatcher. Cette dernière fit preuve d’une énergie admirable. Et elle ne fut pas la seule. Messieurs, soyez beaux joueurs ! Reconnaissez qu’elles ne sont pas du tout rouillées les dames de fer ! Si elles ne connaissent généralement pas la carotte, elles manient fort bien l’art du bâton.

D’autant que tout ceci n’a rien à voir avec l’éternel féminin, tel du moins que l’a chanté le poète. Les dames de fer sont totalement imprégnées de valeurs dites masculines (celles, bien évidemment, du CAC 40, de l’indice Nikkei et du Dow Jones) Aussi fascinent-elles les mâles (en même temps, d’ailleurs, qu’elles leur servent d’alibis). L’histoire est pleine de ces rendez-vous manqués ! Il ne fait en effet aucun doute que, si les femmes au pouvoir avaient gouverné autrement que les hommes, le monde en aurait tremblé sur ses bases. Heureusement, pour le Capital (et malheureusement pour l’humanité !), il n’en fut rien. Ce n’est, bien évidemment, pas Angela Merkel qui changera un tel état des choses. Le même phénomène se retrouve d’ailleurs dans le monde de l’entreprise, avec la revendication de l’égalité des femmes, en particulier pour les postes de direction. La femme entrepreneuse existe ! Il y eut haro donc sur les conseils d’administrations sexistes au cri de « Parité, Egalité, Sororité »…

On ne peut bien évidemment qu’être d’accord. Mais il ne faut pas se leurrer. Le dire arrangeait tout le monde, même les pires machos. En effet, on occultait ainsi le problème de fond. L’émancipation de la femme passe t-elle vraiment par l’imitation de l’homo aeconomicus dans ses plus lamentables travers ? Dans les années 68 et suivantes, la question fut d’ailleurs maintes fois posée…. Mais si Mai 68 est est bien loin, Laurence Parisot est toute proche. Tout le monde feignant donc d’être d’accord, on cria alors (on crie toujours et on risque de crier encore bien longtemps !) au scandale devant l’inégalité des femmes dans le monde du travail. Scandale évidemment parfaitement réel, surtout en France ! Car, si la France ose prétendre être le pays des droits de l’homme, pour ce qui est des droits de la femme… Au secours ! Ce n’est pas pour rien que les Françaises ont obtenu le droit de vote une dizaine d’années… après les femmes turques (et trois quarts de siècle après les habitantes de la Bohême…) ! Il n’a d’ailleurs jamais fait vraiment bon « au pays d’Voltaire et d’Hugo, Lili » de vouloir défendre le droit des femmes. Ni même le droit tout court (surtout si l’on était une femme…). Olympe de Gouges et Manon Roland de la Platière finirent guillotinées. Théroigne de Méricourt fut internée à la Salpêtrière jusqu’à la fin de ses jours. Jeanne Deroin (la fondatrice de l’Opinion des Femmes en août 1848) fut emprisonnée. Louise Michel, après avoir été déportée en Nouvelle-Calédonie à la suite de l’écrasement de la Commune, fut à nouveau emprisonnée - de très nombreuses fois. Sans même évoquer toutes les malheureuses « faiseuses d’anges » condamnées, voire comme Marie-Louise Giraud guillotinée, uniquement pour avoir pratiqué des avortements…

Nous pourrions continuer mais la liste complète serait longue. La place de la femme en France a longtemps été celle de la maman ou de la putain. La nourrice d’un côté, la « Païva » (« Qui paye y va » en disait Théophile Gautier) de l’autre.

Marianne n’aime toujours guère les femmes

« La femme cherche aussi à être émancipée de l’homme, ne vous y trompez pas. Parce que dans beaucoup de ses rapports avec la femme l’homme représente le sacrifice du droit à la force, la loi de contrainte, la loi de nécessité »
L’Opinion des Femmes (1848/1849) en réponse à un article du journal socialiste Le Peuple

Il ne faut pas réécrire l’histoire ! Même si le prurit de cette dernière commence à sérieusement gratter les hommes politiques. La femme a bel et bien, et pendant longtemps, été considérée comme persona non grata par la classe politique française dans son ensemble. Il suffit de rappeler comment se passa le vote de la loi Neuwirth le 1er juillet 1967 (il s’agissait tout simplement d’autoriser la pilule contraceptive). Les débats à l’assemblée furent autant révélateurs que consternants, le docteur mosellan Jean Coumaros (UNR, l’ancêtre de l’UMP) allant jusqu’à proclamer que « les femmes détiendront seules le pouvoir absolu d’avoir ou de ne pas avoir des enfants », et que « les hommes perdront la fierté de leur virilité féconde. »

On n’en est plus là en 2008 ? Peut-être pour ce qui est de la pilule. Mais certainement pas pour ce qui est de l’emploi. Selon le rapport 2003 de l’INSEE sur la parité, près de 80% des travailleurs pauvres (moins de 600 euros par mois) seraient ainsi des femmes ! Le Monde des 17 et 18 octobre 2004 faisait ainsi le portrait de Marie-Laure qui élevait, seule, ses deux enfants avec 400 euros par mois…
Mais de ces réalités là, tout le monde se fout, l’important étant que chacun puisse y aller de son petit couplet démocratique et paritaire. Du moins en ce qui concerne les élites. Car il faut être réaliste. Qui s’intéresse, sauf évidemment à l’approche des élections, au « petit peuple » ?

Alors, de même que, depuis quelques temps, on fait semblant de s’apercevoir qu’il vaut mieux se nommer Jean-Marie Le Pénible et être blanc, en bonne santé et hétérosexuel plutôt que de s’appeler Abderrahim Diop (du moins si l’on veut faire carrière dans une entreprise !), de même on se met à jouer les ingénus, tout étonnés d’apprendre que les salaires, tout comme les chances, de promotion, seront loin, très loin même, d’être égaux selon que l’on sera issu d’un chromosome x ou y. Le ridicule, heureusement pour certains, ne tue pas. L’hypocrisie non plus. Cela dit, le problème subsiste. Le capitalisme n’a pas de frontières ; il ne devrait pas non plus avoir de sexe ! Surtout à notre époque. Dans le fond, pourquoi les femmes n’auraient-elles pas le droit de mordre tout autant que les hommes ? Il est certain qu’elles ont les canines autant aiguisées que ces derniers. Et que leur voracité n’est pas moindre ! Cela suffirait, en soi, à leur donner les compétences nécessaires pour être de bonnes « managers » (les bons managers, dans l’acception contemporaine, sont ceux qui font le bonheur des émules des fonds de pensions).

Il semblerait d’ailleurs que les femmes soient plus efficaces. Elles obtiendraient de meilleurs résultats, que leurs homologues masculins. Leurs entreprises seraient ainsi jusqu’à deux fois plus productives. Quant à la rentabilité sur capitaux propres, des entreprises dirigées par des femmes, elle serait même supérieure de 34% aux entreprises dites « masculines ». Mazette !

Evidemment, si l’on se place sur le plan de cet autre futur, que certains rêveurs incorrigibles continuent à espérer, une telle vision de l’égalité féminine est plutôt tristounette et même décourageante… Que préférez-vous ? Que votre usine soit délocalisée par une femme, par un homme ou par un hermaphrodite ?

Femmes d’ici et d’ailleurs...

« Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe, Ta force ? Tes talents ? (…) parcours la nature dans toute sa grandeur (…) et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. »
Olympe de Gouges

L’émancipation de la femme, ce serait donc ça ? Trois siècles de combats, de fusillades, de guillotinades et de polémiques pour qu’elles puissent devenir à leur tour flicardes, militaires, tortionnaires, journalistes au Figaro, voire diriger les transnationales et les Etats…La déception, pour certains, fut à la hauteur de leurs illusions premières. Mais il faut reconnaître que de tels idéalistes avaient tort ! Le sexisme inversé reste du sexisme. Pourquoi la femme serait-elle, par nature, meilleure que l’homme ? Qui peut vraiment croire au bla-bla-bla que « La femme étant dans la vie réelle et devant s’occuper de ses enfants et de sa maison, est de ce fait plus réaliste, plus courageuse, plus à l’écoute des autres, plus humaine »…

Soyons sérieux. Plus courageuse et plus réaliste ? Peut-être. Sans doute même. Mais le reste… Comme eut l’honnêteté de le reconnaître dans une interview à l’Express, Nicole Rosa, la fondatrice de la société d’assurances Compagnie des femmes « Dans les affaires comme en politique, les femmes ne font pas montre de plus grandes qualités humaines que les hommes. Elles doivent manifester les mêmes travers, la même absence de scrupules. »

La femme, parce que justement elle est bien ancrée dans la vie réelle, n’est d’ailleurs généralement pas dupe de telles sottises ! D’ailleurs, la franchise a toujours été, chez certaines féministes, de mise. Ni putes ni soumises n’a jamais hésité à frayer avec toutes sortes de personnages de bien mauvais aloi, qu’ils soient ministres ou ministrables, avant même que Fadela Amara ne devienne elle-même ministre...
Toutes ces tempêtes dans un verre d’eau ont une utilité certaine. Elles détournent l’attention des problèmes essentiels. Car il y a vraiment du travail, beaucoup de travail même, pour permettre sinon l’égalité des femmes, tout au moins l’établissement de conditions élémentaires pour leur survie ! En effet, pendant que l’on discute quotas et parité autour d’un verre de champ’ et de petits fours, les femmes crèvent.
Le rapport 2005 du Fonds des Nations unis pour la population (UNFPA) estime ainsi qu’il y a encore 600 millions de femmes analphabètes dans le monde (deux fois plus que les hommes !). D’autres chiffres sont tout autant accablants. Il y aurait ainsi 600 000 morts, à la suite de grossesses, par an (plus de 99% se produisant dans les pays pauvres…) et cinq millions d’avortements clandestins pratiqués sur des adolescentes. Plus localement, en Afrique de l’ouest par exemple, on peut estimer de 16 à 18 heures le travail quotidien des femmes (source : ENDA Tiers-Monde).

Toujours en Afrique de l’ouest, 30% des ménages – et ce sont bien évidemment, pour leur écrasante majorité, les plus pauvres ! – sont dirigées par des femmes seules. Dans d’autres pays d’Afrique, parmi les plus pauvres, les femmes perçoivent moins de 10% des crédits alloués aux petits propriétaires – et même moins de 1% dans le domaine agricole…

Globalement, sur l’ensemble de la planète, on estime que les femmes représentent la moitié de l’humanité mais qu’elles accomplissent les deux tiers du travail, gagnent 10% des revenus… et possèdent 1% des biens !

Evidemment, tout cela est beaucoup moins médiatique que les états d’âme de M.A.M, la grossesse de Rachida Dati ou des luttes de pouvoir de Martine Aubry et de Ségolène Royale. Qui en parle de ces femmes là ? Qui s’en soucie ? La femme des pays pauvres n’est l’avenir de personne.

¹C’est bien lui qui écrivit, en 1953, que la France devait à Staline… « son existence de nation » !