l’interview de Bruno Loth le dessinateur, l’éditeur de Libre d’Images et l’auteur d’Ermo

l'interview de Bruno Loth le dessinateur, l'éditeur de Libre d'Images et l'auteur d'Ermo

J’avais rencontré la première fois Bruno Loth au salon de la BD à Montalivet. J’étais accro des trois tomes d’Ermo sa BD qui conte les aventures d’un jeune garçon durant la guerre civile espagnole. J’ai voulu connaître d’un peu plus près le bonhomme du Médoc chevillé à son art. Ses propos valaient le déplacement, pardi ! Je vous y convie avec appétit.

La Singette : Est-ce que toi aussi, tu t’es vu signifier : « Vous ne serez jamais Médocain », sauf qu’en ce qui me concerne, je m’en tape les cacahuètes bique ose, je garde ma tête dans les étoiles, en revanche toi comment as-tu été reçu et accueilli au pays ?

Bruno Loth : Mon arrivée dans le Médoc eu lieu il y a 16 ans et je fus de suite reçu comme un enfant du pays, accueilli par une famille plus chaleureusement que dans ma propre famille, si tu contais me faire dire le contraire avec tout ce que cela comporte de clichés sur les gens du Médoc, c’est raté.

La Singette : Bisque bisque rage (rires).Venons-en à ton parcours de dessinateur / éditeur. De la maternelle à l’âge adulte, de quelle manière as-tu travaillé ton don et quel est ton parcours ? Mais aussi, pourquoi es-tu devenu éditeur ?

Bruno Loth : J’ai toujours dessiné, le dessin est un réflexe pour moi, voila tout, J’en ai d’abord fait mon métier, dans la pub, puis je suis devenu éditeur pour être maître de mon destin.

La Singette : Tu nous contes l’histoire d’Ermo, un gamin très éveillé qui nous propose à partager trois tomes de sa tranche de vie durant la guerre d’Espagne. Pourquoi as-tu choisi cette période de l’histoire à la fois riche fraternelle et ensanglantée qui fait dire à Ermo : « Tu sais Ana, la guerre, c’est pas du jeu ! »

Bruno Loth : C’est une histoire de famille, je ne suis pas né Espagnol, mais ma compagne est une pure fille d’Aragon, et c’est a travers les récits de son père (qui a fait la guerre d’Espagne) que je me suis senti investi, non pas d’une mission, mais d’un désir de passer le relais. Et Ermo est apparu, pour donner une idée de ce qu’avait été la révolution Espagnole à mes enfants.

La Singette : Il y a aussi une part de fantastique dans les aventures d’Ermo qui m’a beaucoup touchée. A chaque fois qu’il est confronté à des situations de mise en danger extrême, son père ou sa mère apparaisse en filigrane dans sa tête pour le délivrer et lui donner la faculté de vivre pleinement son existence en nous ouvrant d’autres pistes. Je suppose que ce n’est pas un hasard si tu l’as choisi comme ton héro principal. Il se situe à la fois aux confluences de l’enfance et ses métamorphoses imaginatives en confrontation directe avec la réalité, qui ne laisse pas place aux rêves. Et pourtant… !
Franchement, chapeau l’artiste, comment as-tu cogité ce choix narratif ?

Bruno Loth : La réponse est dans la question et merci pour le chapeau !

La Singette : Tu dessines en rouge et noir le personnage de Lecha. Ce géant dégingandé prête main forte à la CNT et Durruti en chair et en images apparaît dans ton œuvre. Tu peux nous expliquer la corrélation entre tous ces éléments et ce que pouvait représenter cet idéal anarchiste, que tu racontes selon la riche palette et la générosité du partage en actes de ces femmes et ces hommes libres à cette époque ?

Bruno Loth : Lecha, Durruti et La CNT sont des éléments qui ont existé même si Lecha, ce géant, parait fantastique. Ce sont souvent, dans mon récit, les choses les plus extravagantes qui sont véridiques. Lecha a réellement participé à la contre offensive dans les rues de Barcelone en juillet 36, Abel Paz en parle dans « Barcelona 1936 ». C’est un livre à lire justement pour comprendre cet idéal anarchiste, et aussi hommage à la Catalogne de G. Orwell. Orwell qui dit en parlant des villages collectivisés : « Chacun travaillait le temps qu’il jugeait nécessaire, se servait dans le magasin communautaire ce dont il avait juste besoin, et les champs n’avaient jamais autant donnés. (…) C’était partout une impression de bonheur, mais tout cela fonctionnait si bien car nous n’avions rien ».

La Singette : Je sais aussi, que tu apprécies particulièrement la rencontre auprès de tes lectrices et lecteurs. Comment justement, perçoivent-ils ton travail, d’autant que si j’ai bonne souvenance, lors du salon de la BD à Montalivet où l’on s’est rencontré, de nombreuses personnes qui s’étaient déjà procurées les deux premiers tomes étaient avides de découvrir le dernier en date. Tu dédicaçais à temps plein, avec tes superbes dessins. Autrement dit, où et quand peut-on avoir l’immense plaisir de te rencontrer ?

Bruno Loth : En principe je tiens à jour un calendrier de mes dédicaces avec les divers Salons de la BD qui me reçoivent, sur mon site : www.libredimages.com pour les intéressés

La Singette : Dans ce monde absurde où les livres sont considérés comme de vulgaires marchandises, toi qui est devenu éditeur comment tu te situes et quels sont tes objectifs culturels ?

Bruno Loth : Je ne me situe nulle part, c’est bien ça le problème. Je n’ai pas vraiment d’objectifs et c’est mieux. Il serait bien prétentieux d’avoir un but culturel. Chacun peut venir prendre selon son envie ou son besoin. Et si la petite goutte d’eau posée là, peut faire, plus tard partie d’un torrent…

La Singette : Enfin, un thème qui m’est cher, concerne le naturisme. J’ai eu le bonheur de rencontrer Vladimir, véritable encyclopédie vivante à lui tout seul. Il était issu d’une famille anarchiste dont le père fut l’un des créateurs de la première plage naturiste à Barcelone lors de la révolution espagnole. Il me disait l’importance que représentait pour ces personnes, le fait de se défaire des vêtements. Ces véritables carcans dont Elysée Reclus a fait part dans certains de ses écrits. Leurs pelures les engonçaient sous le poids des dictats de la domination et l’obscurantisme du clergé. Ils étaient soumis dans leur corps et leur esprit à un ordre patriarcal. Tu peux nous en dire deux mots et nous donner ton point de vue sur la question ?

Bruno Loth : Bien sûr les habits… ce ne sont pas toujours des carcans mais souvent les révélateurs des clichés des classes sociales. Les enlever ne résout rien, j’ai constaté que souvent étant nus les clivages sociaux revenaient par la parole. On repère tout de suite le cadre, le commerçant, l’employé de bureau, l’ouvrier. Malheureusement l’habit ne suffit pas, il faut aussi abolir l’argent et la propriété.

La Singette : Quels sont tes projets à venir ? Je te laisse la libre parole pour finir, c’est bien le minimum que je puisse t’offrir en toute fraternité.

Bruno Loth : Des tas de projets, des BD, mais pas que ça, des illustrations pour le cinéma avec un projet de documentaire sur les camps de concentration, une BD illustrative sur les chansons d’un spectacle sur le Voyage… et Ermo aussi qui continue !

La Singette : Ho, hé bien voilà un homme très occupé, des projets plein la tête et les doigts qui fourmillent ses personnages fraternels. A suivre de près, j’espère toujours avec plaisir un Bruno Loth éditeur de Libre d’Images qui porte bien son nom et un auteur dessinateur de BD. Dessine-moi une Singette guillerette et je te conterai fleurette mon potos.

Ermo tome 1 : Le magicien
« Juillet 1936, dans le Sud de l’Espagne, Ermo enfant des rues se cache dans la roulotte d’un magicien ambulant. Il veut voyager et découvrir le monde. Commence alors un périple à travers une Espagne meurtrie par la bêtise humaine, la haine et le profit. Pour Ermo, le rêve va bientôt tourner au cauchemar… Ce qui est en train de naître, débouchera sur trois ans de guerre civile et trente-six années de dictature. » in le quatrième de couverture
Ermo tome 2 : Barricades
Ermo tome 3 : Une nuit en Aragon
Editions Libre d’Images