Guy Darol : « FRANK ZAPPA / ONE SIZE FITS ALL Cosmogonie du Sofa »,

Guy Darol : « FRANK ZAPPA / ONE SIZE FITS ALL Cosmogonie du Sofa »,

Une fois de plus, Guy Darol nous interprète le rôle du mariol avec son brio habituel et nous conte il était une fois l’album de Frank Zappa « One Size Fits All » (réalisé en 1975), la tête dans les étoiles musicales et les fesses calées dans le sofa sidéral. Histoire aussi d’entendre la zizique par delà la pochette et entreprendre la complicité explicite entre le chef d’orchestre et le graphiste Calvin Schenkel.

Guy Darol, le spécialiste es qualité et qualifié de Frank Zappa en France, nous revient avec son nouvel opus édité chez un petit éditeur marseillais « Le mot et le reste » qui a de la suite dans le idées et une oreille exercée, puisque à l’écoute de son lectorat si j’en crois les différentes manifestations avec et autour de ses auteur(e)s au quatre coins du globe hexagonal. Le concept de cette collection « Solo » s’articule autour des sensations éprouvées lors d’un concert, l’écoute d’un disque ou à la vision d’une pochette qui marquera à tout jamais notre existence.

A la genèse de l’âge du lycée, Guy nous narre cet obscur objet du désir tel que consiste en actes divers et chargés le cérémonial du décorum Paris go et l’approche à plusieurs de l’univers zappaien. S’en suit immédiatement pour la compagnie « Un état dans lequel toute la musique de Zappa filtre par une seule note, produisant la sensation indescriptible d’avoir découvert, par les oreilles et non par les yeux, la réalité de la transmutation, le vil métal devenu élixir » (page 13).
Les vieilles de la veille et les vieux de la rampe se rappellent sans doute encore le dépucelage ardent du disque sous cellophane avec l’or dans les doigts au moment de toucher la galette et l’excitation à son comble. La danse du Guy nous égrène les différents morceaux de l’album et nous jette des pistes à la figure, toutes plus documentées et argumentées les unes que les autres. J’ai particulièrement apprécié celle du Zappa génie visionnaire : « Can’t Afford No Shoes », chanson réaliste. Récession, dépression sont les mots de la fin qui réduisent les tentatives d’évasion dans le monde des soucoupes volantes à un traquenard pour petits rêveurs. Zappa prévoit la trajectoire d’effondrement du capitalisme, la mort du petit cheval ailé qui portait le message de la fortune pour tous » (page 24).

Quant à « Evelyn, A Modified Dog », j’en étais restée à la verve communicative de Boris Vian, avec la demoiselle à la fin de sa chanson qui changeait de sexe suite à la découverte de son amour immodéré pour un maître nageur. « Ce qui est tout à fait parisien », ce cher Boris achevait notre trouble avec l’humour immodéré de son époque, qu’on lui connaissait ! Avec l’autre zigue de Frank, j’étais méfiante, du style des faux amis et autres tromperies sur la marchandise avec la langue dans le palais qui jacte engliche. Comme de bien entendu, j’avais tout faux ! « Evelyn est un chien ayant subi une modification exceptionnelle. Il peut entendre, voir et sentir. C’est un chien mutant, instinctif, capable de décoder des domaines hautement ambiants » (page 30).
« Sofa 2 » qui achève l’album « est une vaccination de rappel. Et Zappa ne cessera tout au long de son parcours de mettre en garde contre les entrecroisements de la religion et du commerce, du spirituel et du bizness, du rêve avec le requin aux longs crocs. Il sait qu’il n’y a que la musique comme valeur impeccable. Tout le reste ne serait que volonté d’asservissement, système de dépendance, loi du plus fort » (page 34).
Je vous laisse le soin de découvrir à votre tour les 6 autres morceaux de l’album torchés avec amour et saveur par le Darol. Vous ne serez pas en reste de jouir de votre étonnement au son chatoyant de la langue du Guy qui en connaît un rayon sur la question Grand partageur généreux, il aime échanger offrir leur envol à ses lectrices et lecteurs. « Il y avait des images comme des tapis volant, et l’on supposait que Zappa nous faisait voyager à travers les zones du réel. Le réel : Dieu et les choses, des routes incas et des pyjamas de flanelle, un chien nommé Evelyn, une prison dans le Mojave, le stupide Andy. La musique surtout nous fuselait. On pouvait croiser des astéroïdes, de minuscules tas de pierres suspendus entre nulle part et ici. Quelque chose poussait vers le haut, une impulsion de module lunaire avec bouclier thermique et parachute. Quelque chose comme un changement de planète sans effort, un déplacement vertigineux. Et on n’avait pas peur. Pas mal. On suivait la courbe des étoiles. C’était vraiment soleilleux » (page 38) .
Cette invitation au voyage, au pays de nulle part au départ de la pochette, on la doigt ciselée à Monsieur Schenkel, l’illustre art / œuvre. « Autant dire qu’il est le mieux placé pour inscrire sur le revers de « One Size Fits All » la constellation des affinités, les relation stellaires entre un lieu du ciel et une figure amie » (page 72).

Alors, album de la démesure ? En tout cas rien à voir avec les chiures de son époque qui n’ont laissé que fadeur et bassesse du moule à fric dans la sphère des esgourdes sourdes à la musique de Zappa. Ce virtuose, on ne pourra jamais l’emprisonner dans la case d’un genre. C’est aussi pourquoi, il est de ces auteurs à toujours redécouvrir. Un grand merci à Guy Darol de nous aider à percer à jour l’œuvre et le mystère de l’univers riche subversif et foisonnant de Zappa aux confluences de toutes les galaxies musicales et inventives, puisque… « Sans doute est-ce cette balance nécessaire entre le goût du divertissement et l’exercice de la pensée, que décrit l’œuvre de Zappa. Deux plateaux portant l’éphémère et le durable, l’innocence des joies et cette constance sphérique dans nos têtes où nous tournons en rond en refusant la nuit » (page 80).

Guy Darol : « Franck Zappa / One Size Fits All Cosmogonie du Sofa », éditions Le mot et le Reste, 87 pages, 7 euros dans un format fort agréable qui peut se glisser dans toutes les poches.

Les veinard(e)s en Bretagne pourront rencontrer Guy Darol à la librairie Dialogues (rue de Siam) de Brest, le vendredi 31 octobre à 18 heures.
Retrouvez les aventures culturelles en actions sur le blog de Guy Darol, agitateur conseil

Guy Darol : « FRANK ZAPPA / ONE SIZE FITS ALL Cosmogonie du Sofa », éditions Le mot et le reste (septembre 2008)