Internet a rendu le Droit d’Auteur complètement Périmé

Internet a rendu le Droit d'Auteur complètement Périmé

Pour réglementer l’utilisation des contenus sur le réseau mondial, tous les ministres de la Culture, les uns après les autres, voient leurs projets de loi battus en brèche. Celui de Christine Albanel, mis en débat mercredi au Palais du Luxembourg, a été mis en pièces, malgré le consensus trouvé après la remise du rapport de Denis Olivennes à l’Élysée le 23 novembre 2007. La question de la protection de la propriété intellectuelle est plus que jamais remise en question par un formidable réseau d’échange qui bouleverse les idées reçues depuis l’invention de l’imprimerie.

27 amendements ont été déposés en commission des Affaires économiques du Sénat, dénaturant complètement l’esprit du projet de loi Création et Internet de Christine Albanel. Les mesures répressives envisagées par la ministre de la Culture ont été considérablement adoucies, et les pouvoirs de coercition de l’autorité de réglementation (HADOPI) revus à la baisse. La question n’a toutefois pas été examinée au fond, et le système des droits d’auteur est pérennisé. Il y a tout lieu de penser que l’affaire aura lieu d’être remise sur le tapis : l’échange et le partage, fruits de l’outil révolutionnaire qu’est Internet, n’ayant jamais été réellement pris en compte par les législateurs.


Le droit d’auteur n’a pas toujours existé, explique Me Matthieu Cordelier, avocat spécialiste du droit d’auteur et des nouvelles technologies de l’information et de la communication : il a été précédé par celui de la propriété industrielle, et ce n’est qu’à partir du XVIIIème siècle, avec la diffusion des ouvrages imprimés, qu’il s’est trouvé le besoin de trouver un système de rémunération pour les auteurs. Nous savons à présent que Molière a emprunté à Corneille une bonne part de sa maîtrise de la prosodie, sans qu’aucun document n’atteste un échange de bons procédés…


Philippe Cohen, rédacteur en chef de Vendredi, publie chaque semaine les meilleures nouvelles parues sur le Web, mais sur un papier journal. L’hebdomadaire a passé une convention pécuniaire avec un certain nombre de sites, et négocie avec d’autres blogueurs au coup le coup un prix forfaitaire de repasse… Préserver le droit d’auteur est pour lui très important : je suis auteur et une bonne partie de mes revenus vient des droits d’auteur, plus que ceux que je tire du journalisme, alors je suis bien sûr attaché à cette formule, confie-t-il au journal Le MAGue.


En revanche, Frédéric Vignale ne rémunère personne, car nos revenus publicitaires sont trop faibles, malgré plus de 5.000 articles en ligne et 2.000 brèves. Pour lui, Le MAGue est un système à part, qui n’a pas vocation à payer des pigistes sauf en cas de développement extraordinaire, ce qui n’est pas exclu dans les mois à venir… Le problème que rencontrent bon nombre de blogueurs est le décalage entre les recettes publicitaires et le travail fourni. Les auteurs doivent certes être rémunérés, mais par d’autres systèmes que ces droits archaïques, qu’il faut à présent imaginer, poursuit-il.


Le juste prix du travail n’est pas un problème nouveau. L’adéquation entre l’offre et la demande, sur laquelle repose un système libéral, ne se situe pas forcément au point où toutes les parties sont satisfaites. Claude Aubert a lutté pendant près de 15 ans au sein du Calcre contre l’édition à compte d’auteur et plusieurs margoulins se sont vus condamnés par les tribunaux grâce au travail de cette association aujourd’hui disparue… Rien n’a vraiment changé depuis, se désole-t-il : des éditeurs sérieux, comme L’Harmatan, se mettent au compte d’auteur parce que l’édition est en perte de vitesse, à cause de l’effondrement des ventes ces dernières années… Il a relevé de nouvelles formules pour gruger les écrivains, en leur demandant de participer aux frais de maquette, par exemple. Claude Aubert poursuit à présent son sacerdoce dans une maison d’édition, L’Oie Plate, qui reprend la parution des annuaires très appréciés par les auteurs en quête d’éditeur.


En fait, le Web tout a changé ! Je suis avant tout pour la gratuité du contenu et la liberté d’exploitation des créations sur la Toile, qui reste une vitrine admirable, plaide Frédéric Vignale. C’est assurément l’avis de la plupart des internautes, qui, à force de pétitions et d’actions revendicatives, parfois à la limite de la légalité, ont jusqu’à présent réussi à faire plier toutes les tentatives de coercition de la part des pouvoirs publics. Il convient de souligner que tous les acteurs ne sont pas sur la même longueur d’onde sur ce marché. Nous militons et réclamons également depuis quatre ans auprès des grandes maisons de disque l’abandon des DRM qui sont un frein à la musique légale plutôt qu’un frein au piratage, a déclaré mardi Christophe Cuvillier, le nouveau P-DG de la Fnac, lors d’une conférence de presse !


On ne peut pas adapter le système ancestral de la SACEM aux arts d’aujourd’hui, car elle est née avant le Web, avance Frédéric Vignale. Problème de concordance des temps ? Je crois plus à l’association des talents qui ont les mêmes finalités, buts et envies pour créer un nouveau système de rémunération, ajoute Frédéric Vignale en imaginant un autre phalanstère : je rêve d’une grande coopérative des créations innovantes des internautes dans un avenir proche, mais je suis contre un système étatique fort. Ce serait la mort de nos métiers, qui jouissent encore de leur liberté de création !

 

 


Combien se sont lancés dans une œuvre artistique ?
Hélas, beaucoup n’ont rien touché en droits d’auteur
Avec le temps, leur compte est cent fois débiteur :
Le prix du Beau fait maigre et n’a rien d’esthétique.


Humains, voyez combien l’artiste est pathétique :
Peintre ou sculpteur, acteur, photographe amateur,
Nos gens de plume ont beau pleurer chez l’éditeur,
Tous ont choisi de vivre un grand rêve ascétique !


Laissons aux commerçants le soin de prendre à cœur
Ces destins qui sont veufs de tout calcul vainqueur,
Nous saurons si le temps qui suit leur rendra grâce.


Aux auteurs laissons donc de tout l’or les lambeaux,
Car pour leur désespoir l’herbe est bien assez grasse,
Leurs chants désespérés sont vraiment les plus beaux !

 


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