La Crise des Marchés pourrait amener les Bourses à fermer

La Crise des Marchés pourrait amener les Bourses à fermer

Aucun des plans de sauvetage n’ayant permis d’enrayer le désastre financier — malgré quelque 4.000 milliards de dollars consentis de par le monde aux banques pour se redresser, les gouvernements des principaux pays développés, États-Unis en tête, pourraient prendre la décision de fermer provisoirement leurs places financières pendant une dizaine de jours, avec l’espoir d’assainir les marchés.

La fierté de Wall Street est de n’avoir dû fermer que 4 jours après les attentats du 11 septembre 2001… Suspendre les cours est une décision politiquement lourde : elle revient à priver les investisseurs de leur liberté d’arbitrer leurs avoirs. Il y a quinze jours, la Fédération mondiale des Bourses avait mis en garde contre une telle éventualité, envisagée à Londres et Rome pour se donner le temps de mettre en place leurs plans de sauvetage bancaire. Le Figaro s’en est pourtant fait l’écho le 24 octobre, jour anniversaire du krach de 1929.


Les marchés sont tous orientés à la baisse, et l’indice Dow Jones a cédé 22,8% depuis le 1er octobre, le S&P 500 24,7%, et le NASDAQ 25,8%, en passe de connaître leur plus mauvais mois depuis le krach d’octobre 1987. Dans le cas du S&P, ce pourrait être le pire mois depuis la 2ème guerre mondiale. La semaine est aussi marquée par une série d’indicateurs économiques américains, de l’immobilier au moral des ménages, et par des résultats d’entreprises qui pourraient confirmer les craintes des marchés par rapport situation économique toujours plus dégradée.


Sur le front des résultats d’entreprises, les investisseurs vont se concentrer sur les chiffres trimestriels de géants de l’énergie comme Exxon Mobil jeudi et Chevron, vendredi. Les marchés devraient rester tendus jusqu’à ce que la Réserve fédérale américaine donne son verdict sur l’économie des États-Unis mercredi, à l’issue de sa réunion de deux jours de politique monétaire et jusqu’à la publication, jeudi, de l’estimation du PIB, attendu en repli de 0,5% à peu près. Ils se concentreront aussi sur le tableau de l’économie dressé par la banque centrale, ne sachant plus ces derniers temps sur quelles perspectives tabler.


Enfin, tout le monde a l’œil fixé sur les places financières asiatiques, en régression constante. La Bourse de Tokyo a encore perdu 9,6% vendredi. Le ministre japonais de l’Économie a déclaré dimanche que le gouvernement devrait renforcer son plan de sauvetage des banques et le porter à 10.000 milliards de yens, contre 2.000 milliards de yens prévus pour l’instant. La Corée du Sud, dont les marchés actions et la devise ont aussi été touchés par la tempête sur les marchés financiers, a estimé nécessaires des mesures d’urgence pour soutenir son économie. Certains analystes tablent sur une baisse de taux d’intérêt de la banque centrale de Séoul lundi.


Un autre danger guette les marchés : le mouvement boursier que l’on observe actuellement résulte très probablement d’un mouvement profond de "deleveraging", a estimé Christine Lagarde vendredi devant la presse, désignant un processus de ventes de titres par des acteurs contraints de se désendetter. Les fonds spéculatifs, appréciés pour leur talent à faire gonfler les placements de leurs clients en recourant à l’endettement à grand volume, sont désormais clairement désignés comme les responsables de la chute continue des marchés boursiers en dépit de la succession de plans gouvernementaux.


Dans cette politique de la terre brûlée, le secteur des hedge funds, symbole de la finance dérégulée, vient de connaître le pire trimestre de son histoire. Les investisseurs en ont retiré plus de 31 milliards de dollars, d’après les chiffres de la société spécialisée Hedge Fund Research (HFR). Au total, le secteur a fondu de plus de 10%, perdant 210 milliards de dollars au troisième trimestre, sous l’effet combiné des mauvaises performances de leurs investissements et de la fuite de leurs clients. Désormais leurs actifs au niveau mondial s’élèvent à 1.720 milliards de dollars.


La crise financière, conséquence par ricochet de l’effondrement du marché des subprimes devrait pousser de nombreux fonds, souvent de petite taille, à mettre la clef sous la porte. Après 350 liquidations au premier semestre, l’année 2008 pourrait voir la disparition d’environ 7% de la dizaine de milliers de fonds qui existe, selon HFR, mais certains s’attendent à un raz-de-marée bien plus conséquent. Tout comme en 1929, c’est l’écume de la vague qui paraît déterminer le mouvement de fond. L’ancien président de la Réserve fédérale a admis jeudi que la crise actuelle remettait en cause un système auquel il avait toujours cru : j’ai fait une erreur en croyant que le sens de leurs propres intérêts, notamment chez les banquiers, était la meilleure protection qui soit, a reconnu Alan Greenspan devant la commission de contrôle de l’action gouvernementale du Congrès américain.


Le reflux amorcé par les hedge funds fait perdre les pédales à tout le système, et place les établissements bancaires en accusation : les patrons des banques savaient parfaitement qu’ils ne respectaient pas la réglementation de base, qui oblige les banques à garder au moins un douzième des crédits qu’elles font, affirme Ségolène Royal à la radio dimanche soir… Elles ont contourné la réglementation bancaire, elles n’ont pas respecté les règles prudentielles, elles ont continué à rémunérer les "traders" en les avantageant quand ils gagnaient de l’argent sur la spéculation mais ils ne perdaient rien quand ils faisaient perdre les institutions bancaires, tout cela est parfaitement connu ! Le phénomène initié par Jérôme Kerviel apparaît désormais parfaitement identifié, alors que les réponses à donner pour prémunir le commun des mortels de ses conséquences manquent encore à venir.


La fermeture provisoire des marchés, pour brutale qu’elle soit, pourrait en devenir une. Au mois de septembre la SEC, qui contrôle les échanges boursiers américains, avait suspendu certains flux spéculatifs. Elle a réitéré cette interdiction vendredi à propos des futures. L’économiste américain Nouriel Roubini, très écouté pour avoir mis en garde contre une crise dès l’hiver 2006, n’a-t-il pas déclaré : ne soyez pas surpris si les autorités devaient, dans les jours à venir, fermer les marchés pour une semaine ou deux !

 

 


C’est la peur qui domine au bord de la corbeille,
Et tout l’argent du monde est si peu par rapport
Au gouffre énorme ouvert ainsi par tout l’apport
De vide atroce et dû aux prêts, plus rien ne paye !


On se rend compte après que l’émoi de la veille
Est moins fort que celui qu’on attend du rapport
Sinistre et noir : on sort un corps de l’eau du port,
Crédits dont ils ont fait le miel, mais sans abeille.


Tous les efforts ont fait long feu depuis deux mois,
Mais l’on s’étonne à la façon des chats siamois :
C’est infernal ! Fait-on avec des cris d’orfraies…


Cambiste, on te demande un peu de foi, au moins
Ne dis plus rien, ne fais plus rien, car tu l’effrayes,
Ce brave homme endetté qui veut fuir les témoins.