L’Heure d’Hiver nous ramène au Temps de l’Occupation allemande

L'Heure d'Hiver nous ramène au Temps de l'Occupation allemande

Les habitudes ont la vie dure en France, et à nouveau, ses habitants ne vont pas fermer l’œil dans la nuit de samedi à dimanche, de peur d’avoir mal réglé leur réveil. Instauré en 1976 en France, le système de double horaire a été mis en place pour faire des économies d’énergie, en faisant coïncider les horaires d’activité avec les horaires d’ensoleillement pour limiter les besoins en éclairage. Éléonore Gabarain se bat au sein de l’Association contre l’Heure d’Été double (ACHED) pour que les pouvoirs publics abandonnent un décalage horaire perturbant pour les rythmes biologiques :

Le MAGue : Allons-nous à nouveau reculer nos montres dimanche ?

Éléonore Gabarain : En effet, c’est une étonnante innovation française, issue du corps des Mines, auquel appartient son inventeur, Jean Syrota. Cela fait 25 ans que nous tentons en vain de faire valoir l’ineptie de cette mesure destinée à économiser l’énergie après le 1er choc pétrolier, en vain ! L’intérêt pour l’écologie et l’interdiction en 2010 des lampes à filament comble largement cette économie d’éclairage et nous pourrions retrouver un rythme plus conforme à celui du soleil. Rendez-vous compte qu’en été, nous sommes en avance de 2 heures sur l’heure de notre fuseau géographique — celui de Greenwich, et alignés en période hivernale sur le fuseau horaire de Berlin, que les Allemands nous ont imposé pendant l’Occupation. Mais il semble que les hauts fonctionnaires du ministère de l’Industrie ont oublié tous les désagréments que ce système a impliqué à l’époque... Il serait bien mieux de rester dans l’esprit de l’heure sans trop s’en éloigner. Si le soleil culmine en même temps à Pau et au Mans, situés sur notre méridien de référence, il y a un décalage d’une demi-heure avec Strasbourg et environ 10 minutes avec Brest. La convention des fuseaux horaires est faite pour unifier le temps à l’intérieur de chaque fuseau, un intervalle de 15 minutes de longitude ; c´est une concession à la modernité que nous ne souhaitons pas remettre en cause, mais il ne faut pas exagérer au-delà !

Le MAGue : Que reprochez-vous au changement d’heure ?

Éléonore Gabarain : L’homme a besoin de repères par rapport au soleil. Les agriculteurs le savent bien, et ce sont d’ailleurs les premiers à s’en plaindre. Le matin par exemple, la rosée les empêche de travailler dans de bonnes conditions. Le changement d’heure perturbe notre rapport à la lumière et à l’obscurité, ce qui est très important en ce qui concerne le rythme du sommeil. Il est réglé par une hormone, la mélatonine, et celle-ci est bloquée par la lumière. C’est pourquoi vous fermez les volets pour le sommeil nocturne, et que si l’obscurité naturelle n’est pas encore installée en été, il faut bien 2 heures pour que cette hormone se répande dans l’organisme. Avancer l’heure provoque un retard de l’endormissement naturel ; or, nous sommes en France les champions du monde pour la consommation de psychotropes de toute sorte, dont les somnifères. Cela entraîne évidemment des coûts importants pour la Sécurité Sociale, sans compter l’enchaînement des problèmes de santé... Le sommeil, la température et l’alimentation sont essentiels pour l’équilibre physiologique. Le changement d’heure entraîne également des variations de hauteur du soleil, donc l’éclairement dont nous bénéficions pendant la journée. En France, on a toujours tendance à avancer l’heure... Deux heures d’avance, c’est trop, en particulier pour les matinées, devenues souvent trop fraîches, même en été ! Nous serions d’accord pour avancer l’horloge d’une heure en été, pourvu qu’on nous remette à l’heure du méridien de Greenwich, ce qui est somme toute assez logique. Cependant, changer constamment d’heure implique une désynchronisation répétée et une dysharmonie de notre horloge biologique, d’où la préférence pour une heure d’avance toute l’année, sans changement, à défaut d’avoir toute l’année l’heure de notre fuseau de Greenwich.

Le MAGue : Sommes-nous les seuls à nous obstiner dans ces changements ?

Éléonore Gabarain : Oui, des pays européens se rendent compte de cette erreur et reviennent les uns après les autres à un système plus conforme à la nature. Le Royaume-Uni a toujours refusé de s’aligner sur la France, en partie parce que Greenwich, qui définit le temps universel, est situé non loin de Londres, et correspond à une institution. Toutefois, les Anglais avancent d’une heure en été. Nous aimerions faire de même. Les pays baltes, l’Ukraine, la Moldavie et même la Russie sont revenus d’un système analogue au nôtre. Ils ont reconnu qu’une année, ils avaient simplement oublié de retarder les horloges à l’automne, d’où un avancement de 2 heures qu’ils ont finalement perçu comme excessif. Dans nos sondages, nous constatons que 18% des personnes interrogées réalisent qu’il y a un problème avec leur sommeil. Ce sont d’ailleurs le plus souvent de jeunes adultes, plus préoccupés par leur travail et par leurs enfants. Le changement d’heure a un retentissement sur le rythme scolaire. Le Portugal a conservé pendant 4 ans l’heure d’été double et les Portugais ont constaté des problèmes identiques, plus durement encore. Rendez-vous compte que leur situation géographique, très occidentale, fait que lorsqu’il est 12 heures à la montre, il est à peine 9 heures et demie au soleil. Les gens n’ont pas envie d’aller à la plage aussi tôt, et l’activité touristique s’en ressent. L’Espagne est toujours alignée sur la position française, mais l’an dernier, les journaux ont à nouveau posé la question en Galice, car la situation des habitants de cette région est comparable à celle des Portugais. Il est probable qu’une plus grande autonomie accordée aux provinces invite les gens à choisir l’heure qui convient le mieux à leur propre situation.

 

 


Une heure en plus et pour quoi faire ? Allons au lit
Plus tard ou mieux, faisons l’amour plus tôt encore
Afin que, plus longtemps, sur ta peau, je picore
Ces grains que la beauté a faits comme un délit !


Savons-nous bien quels sont les chemins qu’il élit ?
Le soleil tend nos sens quand la côte est accore,
Mais nous fuit dès qu’un rêve attend qu’il le décore,
Les rideaux bien tirés sur l’œuvre et la chienlit…


Une heure a fui bien vite et mon âme est perdue
Dans ton regard qui mord la fleur qui nous est due,
Prenons le temps enfin, tant il nous est compté !


Le soleil suit sa course en se moquant du monde,
Car il n’a pas pour ses saisons fait dans l’été
Nos cheveux gris que le souci de l’heure émonde.