Concert de l’Hostel Dieu de Lyon à Metz : chansons d’automne

Concert de l'Hostel Dieu de Lyon à Metz : chansons d'automne

« Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone » : ainsi pourrait se résumer la somptueuse conclusion du Festival des Voix Sacrées. Le temps d’une soirée, les Poèmes Saturniens de Verlaine caressent la virtuosité et la finesse du timbre des Chœurs du concert de l’Hostel Dieu de Lyon dirigés par l’éminent Franck Emmanuel Comte.

A Metz, non loin de la Cathédrale Saint-Etienne, en face des Trinitaires, les anges ont rejoint la nef de l’église Sainte Ségolène située Place Jeanne d’Arc. Des voix célestes s’élèvent et atteignent le firmament grégorien. Nous voici revenus aux prémices du baroque, lorsque les hommes désiraient se hisser aux côtés de Dieu, là où les étoiles de Grégorio Allegri, de Jan Dismas Zelenka ou de Johann Adolf Hasse scintillent à jamais à la postérité.

Miserere : trois versions, trois nationalités (tchèque, romaine, allemande). Ces transcriptions sont composées chacune à des époques différentes, mais elles ont toutes pour unique objectif de célébrer les torpeurs de l’âme humaine dans toute leur tragédie au travers des chants sacrés. Tantôt véritable chant du cygne en do mineur, tantôt un hymne au pardon ou à la victoire de la lumière sur les ténèbres, la pureté des interprétations vous transporte malgré vous dans un univers dont vous seul détenez la clé.

Ô temps suspend ton vol ! L’éternité soudain remplace les turpitudes d’un présent ô combien tourmenté ! Véritables louanges du Christ tout puissant, ces psaumes tiennent leur réputation tant de part leur qualité musicale que du mystère entourant ces joyaux lyriques. Entre les intrigues papales et mozartiennes autour de la transposition d’Allegri, le secret reste entier… Pourtant, malgré la prohibition de tout accompagnement instrumental, la sobriété du répertoire vaticanais encourage la limpidité des contrepoints vocaux à capella. Un bijou qui reste à redécouvrir sous des exégèses personnelles, diverses et variées.

Après une courte pause, les solistes puis l’ensemble rendent ensuite hommage en deuxième partie au superbe Miserere de Johann Hasse, exceptionnelle ode, issue d’une fête religieuse vénitienne mais retranscrite à Dresde, la « Florence de l’Elbe » et fondée au temps de Bach, Haendel ou autres compositeurs illustres. Cette variante a été conçue pour orchestre et chœurs féminins dans un premier temps en 1730, puis mixtes environ dix années plus tard. Un morceau solennel, cérémonial, où les cordes se marient avec justesse et harmonie aux voix raisonnantes des sopranos, altos, barytons ou mezzo soprano, où les chœurs s’opposent aux solistes, où les sons graves/aiguës se contrastent.

Le Concert de l’Hostel Dieu a, une fois n’est pas coutume, fait figure de leader dans sa constante redécouverte et relecture des musiques anciennes des XVI, XVII et XVIIIème siècles, des ornements merveilleux mais hélas méconnus du grand public. Franck Emmanuel Comte a réussi d’une part à susciter la curiosité de son public et d’autre part à réveiller des émotions fortes durant ce magique et court - trop court ! - instant.

Dans une époque aussi contrastée que la nôtre, source d’interrogations et de questionnement sur la condition humaine, le baroque pourrait bien devenir la réponse apaisante à ce troisième millénaire tumultueux. Dans une civilisation menacée où la barbarie l’emporte sur les valeurs profondes de l’Humanité, où le moi sensible est perçu comme une faiblesse, la musique lyrique en général et le mouvement baroque en particulier semblent rester les derniers remparts contre les vicissitudes sociétales actuelles.

En d’autres termes, comme le disait Platon, « la musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. »