Jacqueline Marval , enfin au firmament !

Jacqueline Marval , enfin au firmament !

Vous ignorez que l’art de Jaqueline Marval a joué un rôle prépondérant dans l’évolution de la peinture française du début du vingtième siècle ? Alors plongez vous dans ce livre déroutant qui retrace de manière chronologique la vie et l’œuvre de celle qui fut l’élève de Gustave Moreau et la compagne de Jules Flandrin ; avant de s’éteindre le 28 mai 1932, dans la même chambre de l’hôpital Bichat qu’un autre génie de l’art français : Paul Verlaine.

François Roussier est un passionné raisonnable, mais un passionné tout de même ; si bien, qu’après une première publication en 1987, aux éditions Didier-Richard, la fièvre l’a repris et emmené sur un chemin long de vingt années passées à rechercher documents, photographies et tableaux pour aboutir à cette nouvelle publication. Un volume qui complète le catalogue raisonné de l’œuvre peint (sous la direction de Raphaël Roux) qui verra le jour dans quelques années ; et qui nous permet de l’attendre sereinement.

Ce travail d’enquêteur que mena François Roussier ne fut pas de tout repos : en effet, les archives de Marie-Josephine Vallet, alias Marval ont disparu, et ce n’est qu’au travers de ses rares correspondances ici publiées – mais malheureusement à sens unique – qu’il a pu cerner sa personnalité, et retracer une partie de sa vie.
S’ajoute à cela un brin de chance qui a vu le critique d’art parisien, René-Jean, conserver ; après le décès de l’artiste, un ensemble important de coupures de presse du Lynx, auquel Marval était abonnée ; auquel vient s’ajouter les courriers de Jules Flandrin avec lequel elle mêla intimement sa vie pendant près de trente années …

Ici point d’analyse des tableaux : d’abord parce que la peinture ne peut pas systématiquement s’expliquer ou se résumer à une critique de la raison de peindre – la peinture c’est avant tout émotion –, ensuite parce que l’axe de ce travail est mis sur la biographie. Tous les documents ici réunis et classés – ainsi que le catalogue des expositions – sont la charpente de ce travail. Si le choix d’une biographie, en partie commentée par ses contemporains, impose parfois dans la chronologie que certains extraits de textes, concernant principalement la période grenobloise et ses débuts parisiens, soient à nouveau cités – mais alors in extenso et à date de parution –, cela ne nuit en rien à la fluidité de l’ouvrage.
Voici une bien belle manière – toute aussi valorisante et intéressante que la critique raisonnée – de découvrir la magnificence du travail de Marval, la grandeur de son parcours et l’incroyable réseau d’amis et de relations qu’elle a pu tisser avec les artistes les plus novateurs.
Autodidacte, elle se refusait à subir les influences de quiconque, même de Matisse. Le plus souvent seule en son atelier, elle aimait à s’y enfermer pour travailler. Ses peintures – ses nus, notamment – reflétèrent bien vite son audace et la puissance de sa peinture. D’ailleurs le concert élogieux de la critique, significatif de sa place prépondérante dans le premier tiers du vingtième siècle, et bien là pour le témoigner. Jacqueline Marval était une signature recherchée.

D’autre part, l’engagement de Marval pour la création d’un musée d’Art moderne à Paris reste dans toutes les mémoires. Son apport dans l’art de son époque, avec ce sens inné de la couleur et de la surabondance, des formes et de l’espace si intimement maîtrisé, émeut toujours autant …
Sa vie, intense et tumultueuse, surtout pour l’époque, en a fait un personnage de légende, une de ces amazones dont nous autres français sommes si friands. Et comment mieux la résumer qu’Andry-Farcy qui, en 1913, avouait : "Je crois au cri bleu et clair de Jacqueline Marval qui fait frissonner nos trente ans, exilés parmi les vieillards !"

Un DVD accompagne cette édition, un documentaire de 43 minutes réalisé par Roger Gariod, présenté en deux versions, française et anglaise, qui ponctue de manière ludique et en images, une biographie passionnante d’une artiste encore méconnue du grand public. Mais gageons que cela ne durera pas …

François Roussier, Marval, 235 x 320, relié sous jaquette + 1 DVD, Thalia Edition, septembre 2008, 405 p. – 59,00 €