Putain de crise

Putain de crise

En vieillissant, je deviens fainéant. Je voulais écrire un papier sur la crise financière et voilà qu’il me tombe ce matin tout cuit dans les mains. Jean-Pierre Levaray a signé un papier qui résume ma pensée dans le dernier Monde libertaire. Le voici.

Nous connaissons bien Jean-Pierre Levaray sur Le Mague. La plupart de ses livres, dont le célèbre Putain d’usine (version originale ou version BD) ont été présentés sur notre webzine préféré. Notre ami prolo-écrivain sévit régulièrement dans les colonnes du Monde libertaire et c’est dans l’édition du 9 octobre 2008 qu’il a publié le papier qui nous intéresse.

Nos braves dirigeants le répètent à longueur de journée : « La crise financière mondiale ne touchera pas la France ». Ce refrain nous rappelle curieusement le nuage radioactif de Tchernobyl. Vous savez celui qui, selon les politiciens et les scientifiques à leur botte, ne traverserait jamais les frontières françaises. On connaît la suite.

Allons nous toujours nous laisser tondre sans broncher ? « Le peuple n’obtient que ce qu’il prend », disait la bonne Louise Michel. Qu’est-ce qu’on attend pour reprendre ce qu’on nous vole. Rien n’appartient aux bandits capitalistes. Tout est à nous…

Le texte de Jean-Pierre Levaray (publié avec son autorisation) :

« Hé bien ça y est, on est dedans. L’économie mondiale est entrée dans une nouvelle phase de crise. Et celle là, ça a l’air d’être du lourd.

La crise américaine dite des subprimes a déclenché une crise financière globale. Il s’agit d’une crise de crédits immobiliers qui a touché les bailleurs comme les banques. Mais ce n’est que la partie visible. Cette crise financière couvait depuis la fin des années 60, avec ces pics et ses creux. Là il semble qu’on soit au cœur d’une tempête car cette crise immobilière et financière s’ajoute à l’inflation qui touche les matières premières, à une épargne qui s’est placée sur les placements financiers plutôt que sur les investissements productifs, à la mondialisation, à la stratégie de fuite des capitaux des pays développés vers les pays sous développés, etc.

Bref, vous voyez le genre et je ne vois pas trop pourquoi je vous parle de ça, parce que les actions, le fric, tout ça, c’est pas franchement notre monde. Que des banques coulent, on s’en fout ; que des traders soient virés par centaines, qu’ils aillent s’installer dans une ferme à la campagne et qu’ils passent à autre chose ; que des banquiers sautent par la fenêtre de leurs immeubles, on n’a pas encore vu, mais on attend avec impatience.

On pourrait même souhaiter que le monde s’enfonce vraiment dans la crise et que… ça provoque une révolte des pauvres, mais… le problème de cette crise financière c’est que ce sont toujours les mêmes qui trinquent. Ce sont encore les pauvres qui vont morfler et les moins pauvres qui vont le devenir un peu plus. Les Latino-américains et les Africains ont déjà subi depuis des années les conséquences de ces investissements, et ça va continuer. Le chômage va s’accentuer, les petits propriétaires vont connaître les problèmes de crédit et les salariés et les allocataires (RMI, retraité-e-s …) vont voir leur pouvoir d’achat baisser en même temps que l’inflation va grimper.

Bref, tout le monde va subir cette crise. Et comme si ça ne suffisait pas, les ultra-libéraux de tous poils demandent l’aide des états pour sortir de la crise (comme à chaque fois). Les gouvernements US et Européens nationalisent donc les banques en difficultés. Ils nationalisent les pertes pour mieux privatiser les bénéfices demain et prouvent par là même qu’ils sont les serviteurs zélés du capital. Bush, Obama et Mc Cain s’étaient mis d’accord sur le Plan Paulson de 700 milliards de dollars pour racheter les actifs douteux des banques en difficulté, mais la chambre des représentants a rejeté ce plan. C’est peut-être ça qui a entraîné la crise vers l’Europe. Et là, même réflexe des gouvernants. Sarkozy, tout en affirmant que la crise s’arrêtera à nos frontières (personne n’y croit plus) dit vouloir « moraliser » le capitalisme (on ne rit pas) et va sortir de l’argent pour aider les banquiers. Nos ministres disent à longueur de médias qu’il n’y a plus de fric dans les caisses et qu’il faut réduire le nombre de fonctionnaires, que la Sécu est en difficulté, et que les retraites coûtent cher, etc., mais pour aider les banquiers et les patrons, là il y a du fric.

Face à cette crise, pas de réaction syndicale ni politique. À croire que tout le monde fait le dos rond en attendant le pire. Pourtant c’est sur nous que ça va tomber. Des boîtes vont licencier, le travail va s’intensifier pour des salaires de misère, le gouvernement va utiliser la crise à toutes les sauces pour nous faire accepter tout un tas de mesures antisociales et on resterait sans réagir ?
Le moment est venu de passer à l’attaque. Dans le camp d’en face, ils le savent qu’on devrait se révolter contre eux, ils en parlent dans tous leurs séminaires. Le gouvernement américain vient même de déployer une unité militaire de combat d’active pour une utilisation à plein temps à l’intérieur du pays en cas de troubles civils. Ce qui veut bien dire ce que ça veut dire.

À nous de trouver la ou les ripostes, pas seulement pour nous défendre mais aussi pour changer le monde (bon d’accord la tâche est lourde, mais elle reste enthousiasmante et la seule viable). »

Photo : Isabelle Seckinger-Juswin