MICHAEL MOORE : Un show à l’américaine !

MICHAEL MOORE : Un show à l'américaine !

Moore était le 14 novembre dernier à Brixton, dans le sud de Londres, pour la promo de son dernier bouquin ; "Dude, qu’as-tu fais de mon pays ?". Quatre jours avant la visite de Bush.
Le premier livre de Moore s’appelait : "Stupid White Man", traduit en France par -accrochez-vous !- : "Mike contre-attaque". On pourrait penser qu’un imbécile était chargé des traductions mais là, on peut en douter. "Stupide homme blanc" n’est tout simplement pas possible en France. L’autocensure est une spécialité du cru.

La « Théorie de la Conspiration Internationale » n’est pas mon dada et je vous le prouve : rappelez-vous, le « Woody et les martiens » pour un film de Woody Allen qui, évidemment n’a pas eu grand succès en France. Là, oui, c’était franchement un con qui avait traduit.

Mais, revenons à Moore et à son show. Foule en délire (vraiment), Attendu comme une star. Fêté comme un héros !
Peut-être 3000 personnes dans la salle. La scène, immense - Madonna y a joué l’année dernière-, ne va cependant pas être utilisée. Le rideau est tiré. Devant, sur l’avant-scène, un pupitre avec deux micro, style meeting politique.
Il arrive à l’heure et commence sur les chapeaux de roue ! Ca rigole tant et plus pendant les dix premières minutes. Moore, champion de l’autocritique s’en donne à coeur joie ; des stats qui nous bibonnent :
85% des Américains ne peuvent situer l’Irak sur une carte !
60% ne peuvent situer le Royaume Uni. Les rires freinent un peu. Et Moore saisit l’occasion au vol : « Blair a léché le cul des Américains pour rien ».
11% des Américains ne peuvent situer les Etats-Unis sur une carte. Rire général !

Et puis, un silence de mort s’installe : « Qu’est-ce que vous foutez les Anglais ? Pourquoi ne manifestez-vous pas ? Pourquoi n’avez-vous strictement rien fait quand vos journaux ont dit que les missiles de Saddam étaient à 45 minutes de Big Ben ? Vous saviez que c’était un mensonge !! Vous le saviez ! Pourquoi n’avez-vous rien dit ? ».
C’est vrai que les anglais n’ont pas réagi. Avant la grande manifestation contre la guerre, qui avait réuni plus d’un million de personnes, 1,5 millions s’étaient manifestées contre la prohibition de la chasse au renard !

Le silence s’épaissit. Moore freine un peu. Il est surpris. Ils sont comme des gosses. L’autocritique n’est pas leur tasse de thé ? Quelle surprise ! Il y va alors de plus belle ! Il creuse la même idée : peuple conformiste et confortable qui préfère la bière et le football ! Il mime et ridiculise les supporters de l’Arsenal !
Silence de mort. Personne ne comprend plus. Pourquoi attaque-t-il le football ? Quel rapport avec tout le reste ? ont-ils l’air de se demander. Moore continue de plus belle et le public se met à le huer ! Incroyable !!!! Oui, à le huer !
En bon professionnel, il va rectifier le tir et sauver son show mais il est ébaubi...

Tous les comiques vous le diront ; quand plus de 50 % d’une salle est contre vous, l’entêtement est la pire des choses. Rappelez-vous le "Castigat ridendo mores" de Molière !
C’est ce que fit Michaël Moore, en bon professionnel. Il vira de cap ; les esprits se calmèrent et il put reprendre sa longue diatribe contre Bush et compagnie.

Voilà maintenant la raison pour laquelle j’ai intitulé cette chronique « Le business du Stop the War », titre croc-en-jambe qui se voudrait d’une indépendance telle qu’elle finirait par faire le jeu de l’opposition libérale. Et bien, il n’en est rien ! Et voici pourquoi .
Avant le début du spectacle, dans le hall de « l’ Empire » de Brixton, les livres de Moore étaient en vente sur un étalage. Le prix, 18 livres, me parut exorbitant mais je n’y accordai pas l’importance qui, plus tard dans la salle, me frappa jusqu’à la stupeur.

J’avais en face de moi un artiste qui était en tournée promotionnelle -bien qu’il n’ait jamais formulé cela comme tel- et que j’avais vu quelques mois auparavant gagner un Oscar. Son premier livre s’était vendu à des millions d’exemplaires, son film oscarisé -très bon reportage- lui avait rapporté une autre fortune, le prochain -en préparation- allait être un énorme succès et, pour finir, les ventes estimées de son derniers livres dépassaient de loin celles du premier. J’avais donc en face de moi un milliardaire américain qui, d’où ma stupeur, se mit à parler en termes plutôt flatteurs du général américain Wesley.Clark, candidat aux prochaines élections présidentielles américaines. Je mens ; il fit une véritable dithyrambe du soldat, fort de 34 ans de service dans l’armée U.S.

Je vous avais laissé avec un milliardaire faisant l’apologie d’un autre milliardaire. Le comique révérant le militaire… Impayable ! oserais-je dire. Comment ne pas penser à Pétrone et à son Satiricon…

Moore appuyé sur son estrade de meeting électoral, agitant l’index et énumérant les vertus du général ! Un homme qui, pendant la guerre des Balcans, s’était opposé aux bombardements des zones civiles ! Un homme honnête qui, de par ses origines (l’armée), pouvait apporter un regard neuf sur la politique de son pays ! etc. Un homme qui -cela, il s’est bien gardé de le dire-, de 1996 à 1997 fut à la tête du U.S. Southern Command, dont le QG est situé au Panama. Au Panama !!! Un commandant en chef qui supervisait les activités des USA en Amérique Latine et dans les Caraïbes ! Je n’invente rien !

La salle qui, quelques minutes auparavant, huait celui qui osait ridiculiser son football resta muette cette fois-ci. Et moi, je revoyais les piles du livre sur l’étalage installé dans le hall. 18 pounds ! Je confondais cette image avec le visage souriant du présidentiable général Clark sur badges et affiches. Combien de cet argent allait remplir la cagnotte de Wesley pour sa campagne ? Parce que je n’avais plus aucun doute là-dessus.

Et puis vint le tour des questions. Oui. Le public put poser des questions. Le show proprement dit avait duré à peine une heure.

Je passerai rapidement sur l’infamante pauvreté des préoccupations du public et je m’attarderai sur le mode de sélection des participants. Des types avec des micros circulaient dans la salle, les gens levaient la main et Moore décidait qui devait parler… Evidemment, les interventions « spontannées » ne furent jamais soutenues par Moore, à l’exception d’une seule. De taille, il est vrai. Il parlait avec solennité des soldats américains morts pendant le conflit, lorsqu’une voix à l’accent arabe gueula littéralement : « Et qu’est-ce que tu dis des milliers de morts irakiens ! On se fout pas mal des salauds d’Américains ! ».

Rires et approbations fusèrent de partout. Moore stoppa net les effusions et se lança dans une brillante explication (je n’ironise pas) qui expliquait que les soldats hispanos, noirs et blancs pauvres (White trash) qui formaient le gros des troupes US se faisaient tuer pour ceux-là mêmes qui étaient responsables de leur vie misérable dans le civil.
Donc, à boire et à manger chez Michaël Moore.

En effet, qui ne se méfient pas des milliardaires voués corps et âme à la libération du peuple opprimé ?

Et bien, vous serez étonnés, tout un tas de gens en Angleterre trouve cela très normal.

La France serait-elle épargnée par cette nouvelle conception de la pluralité (pas si nouvelle, en fait) ? Cette France défenseur des faibles dans le monde, cette France sagace, porteuse et exporteuse des valeurs démocratiques dans ce pauvre monde ?

Réponses chez Michel Drucker, Karl Zéro, Thierry Ardisson, etc.

Réponses chez Michel Drucker, Karl Zéro, Thierry Ardisson, etc.