Amrou Khaled, Ghazi Echamri, Youssef Al Qaradhaoui, Mohammad Hassan et les autres, les nouvelles stars du petit écran algérien

Amrou Khaled, Ghazi Echamri, Youssef Al Qaradhaoui, Mohammad Hassan et les autres, les nouvelles stars du petit écran algérien

D’une chaîne à l’autre, les Algériens cherchent depuis le Ramadan une
émission de Amr Khaled, une fatwa de Gamal Qotb, un discours de Khaled

Al-Guindi, une rencontre avec Sabrine ou Abir Sabri … Que ce soit des
jeunes prédicateurs au look et discours moderne, ou des stars
converties récemment au voile, les foyers algériens sont, décidément,
attirés par l’islam à l’aspect plus contemporain, véhiculé par ces
chaînes satellitaires religieuses moyen-orientales. Des chaînes de
télé, pour qui le savoir des cheikhs et des savants religieux, le
témoignage des stars voilées, l’informatique et les moyens de
communication actuels sont, aujourd’hui, la recette pour faire monter
l’audimat. Force est donc de constater dans ce contexte que l’Algérien
est devenu tellement friand de ces programmes allant même jusqu’ à
envoyer du courrier à ces médias, pour encourager et demander conseils
auprès de leurs cheikhs.

Ainsi, la profusion des chaînes de télévision satellitaires arabes a
donné lieu au phénomène des prédicateurs et autres docteurs en
sciences islamiques, devenus de véritables stars du petit écran. Des
orateurs talentueux mais dont personne ne contrôle l’exactitude de
leur savoir religieux, ni leurs opinions politiques parfois
extrémistes… A chaque mois de Ramadhan, leur audimat fait un bond en
avant. Et comme dans tous les pays arabes, l’Algérie ne fait pas
exception. En effet, les chaînes religieuses telles Iqraa, Al Rissala
ou al Nas TV voient leur influence grandir en Algérie auprès d’un
large public, qu’il s’agisse de personnes âgées ou de jeunes avides de
conseils et d’enseignements religieux.

Selon de nombreux experts des médias arabes, l’avantage de ces chaînes
sur tous les autres médias, c’est que le public trouve ainsi
disponible à toute heure de la journée et de manière gratuite un
contenu moins coûteux et plus facile à consulter que les livres,
chers, ou les CD-rom et les cassettes jusque-là en vogue.
Aussi, l’argument d’attractivité de ces chaînes, en dehors de la
diffusion du Saint Coran et des préceptes de la religion, est de
mettre en avant des prédicateurs qui sont devenus au fil du temps, de
véritables vedettes de l’écran.

Effet de mode
Disposer donc de son prédicateur maison est devenu même un must pour
toutes les chaînes arabes, comme le JT, la météo ou le feuilleton à
l’eau de rose. Même le bouquet Rotana, destiné pourtant au
divertissement, n’y échappe pas. Ciblant un public jeune, ouvert sur
la mode et les nouvelles technologies, Rotana a dû sacrifier à la mode
des émissions religieuses en s’offrant, via sa filiale Rotana Khaleej,
disponible sur Nilsat, que tous les Algériens connaissent désormais,
la star montante de la prédication, le docteur saoudien Ghazi
Echchamri. Son émission fait déjà polémique parce que diffusée à

l’heure du f’tour, entre deux émissions de variétés et de vidéo clip.
Si ce débat n’a pas encore fait tâche d’huile, comme ce fut le cas
pour le feuilleton à l’eau de rose « Noor », il dévoile à quel point les
émissions de prédication religieuses sont devenues un segment
indéniable du marché de l’audimat arabe.

En Algérie, la vedette n°1 en la matière demeure certainement
l’Egyptien Amrou Khaled, 41 ans et déjà au top de sa carrière, en
dominant trois chaînes religieuses et un site Internet, alors que ses
revenus ont été estimés en 2007 à plus de 2 millions de dollars.
Maniant avec dextérité les techniques audiovisuelles, son discours
prônant une pratique religieuse allant au-delà de la prière et de la
zakat, mais un engagement pour le bien de la Oumma, il représente pour
son public, à majorité féminin, le musulman adapté au XXIe siècle. Ce
Ramadhan encore, il présente Qissass el Qor’an sur l’une de ces
chaînes.

Mais il y a aussi les autres. Le cheikh Youssef Al Qaradhaoui demeure
très suivi à travers son émission « Al-Chariaa wal-Hayet », sur
« Al-Jazeera ». L’on peut citer aussi Mohammad Hassan, Houssine Yakoub,
Abdelkafi, Souidan, Wahdan et d’autres encore qui sont de plus en plus
nombreux.

« Je ne vous cache pas que je suis devenu une véritable fan de ces
programmes religieux. Les prédicateurs qui parlent en direct ont un
discours très fascinants. Ils répondent aux interrogations de ma vie
et grâce à eux je réussis à vivre ma vie sans trahir ma foi », témoigne
à cet égard Fouzia, 26 ans, qui nous confie également qu’elle ne cesse
d’inciter ses copines à suivre fidèlement ses prêcheurs « adulés ».
Djamel, 25 ans, lui aussi, est sur la même longueur d’onde que Fouzia.
Pour notre jeune interlocuteur, vêtu d’un kamis immaculé et le visage
barbu, l’islam est glorifié grâce à ces médias. « Ces chaînes de télé
font parfaitement barrage à la pénétration dans le monde musulman de
ces télé occidentales qui veulent pervertir nos mœurs. Les musulmans
grâce à nos Cheikhs sont à chaque écart rappelés à l’ordre et leur
conscience demeure ainsi éveillée pour protéger leur religion »,
argue-t-il tout en déplorant les commentaires de certains titres de la
presse nationale à l’égard de ces chaînes satellitaires.

Pour sa part, Karim, 45 ans, et père de famille, s’inquiète des
proportions que revêt l’influence de ces orateurs religieux sur les
familles et les jeunes surtout. « J’ai une fille qui commençait à
devenir adepte de ces prédicateurs. Par curiosité, j’ai suivi une fois
avec elle un show de sa star préférée. Croyez-moi, j’en ai le cœur
révulsé. Les idées fanatiques distillées par ce personnage m’ont
horripilé. Depuis, j’ai tenté d’expliquer le danger de ces fetwas à ma
fille. Mais, malheureusement, il avait pu imprimer sur son esprit une
empreinte indélébile », raconte-t-il.

Lobbys islamistes et discours intégristes
Il est vrai que l’incapacité de beaucoup d’Algériens à juger le
bien-fondé et la validité de ces prêches en direct inquiète de
nombreux observateurs. A ce propos, pour M. Belkacem Mostefaoui,
sociologue et universitaire spécialiste des médias, l’exposition des
algériens à ces chaînes satellitaires religieuses n’est pas sans
danger sur la conscience commune des algériens. « Ces chaînes de
télévision qui appartiennent à des lobbys islamistes relaient des
discours intégristes et des idéologies fanatiques. Néanmoins, ils
profitent du verrouillage du secteur audiovisuel en Algérie pour
gagner des téléspectateurs lassés par les programmes futiles de
l’ENTV », relève notre interlocuteur qui nous explique plus loin que la
« vacuité » dans l’agenda ramadanesque du temps des Algériens, notamment
celui des femmes au foyer et des jeunes, ajouté au verrouillage du
bouquet français TPS et Canal Sat, fait booster l’audimat de ces
chaînes satellitaires dans notre pays.

« Il faut relever aussi qu’il y a une collusion entre nos pouvoirs
publics et ces chaînes satellitaires. L’ENTV a elle aussi fait
l’effort d’offrir des programmes religieux et des tables rondes dignes
de la propagande islamiste habituant ainsi nos téléspectateurs à ce
genre de programmes. Cette collusion s’est traduite également par la
volonté ferme et incompréhensive de maintenir à tout prix le champ
audiovisuel verrouillé laissant des lors le terrain libre et vierge à
ces médias moyen-orientaux », analyse encore Belkacem Mostefaoui.
Il est clair, enfin, que dans cette conjoncture médiatique, les
idéologies fanatiques relayées par certaines de ces chaînes ,
trouveront toujours un terrain favorable en Algérie pour se renouveler
et imprimer leur trace sur la conscience de nos citoyens.