Cachez ces seins que La Poste ne saurait voir

Cachez ces seins que La Poste ne saurait voir

Au nom de la loi, Philippe Pissier, un artiste de Castelnau-Montratier (Lot) pourrait écoper de trois ans emprisonnement pour « trouble à l’ordre public ». Son crime ? L’envoi de cartes postales montrant des seins nus.

Philippe Pissier est un adepte du mail-art (objets, cartes et enveloppes artistiques envoyés par le réseau postal). Pour participer à un salon d’art érotique en Allemagne, il avait posté cet été quatre cartes de sa composition : des collages montrant des seins nus avec des pinces à linge placées au bout des tétons. Pas de quoi faire sonner les trompettes de l’apocalypse.

Les cartes n’ont pas circulé longtemps. « Un agent du centre de tri de Cahors a signalé, comme son devoir l’y oblige, l’envoi de ces cartes postales jugées choquantes », a déclaré aujourd’hui la direction régionale Midi-Pyrénées de La Poste à l’Agence France Presse. La Poste, qui précise que « les agents doivent alerter leurs responsables hiérarchiques de tout pli ou carte postale qui porterait manifestement atteinte aux bonnes mœurs, comme la pornographie ou le racisme », n’a pas porté plainte.

L’affaire aurait donc pu en rester là, mais c’était compter sans l’extrême diligence du substitut du procureur de la République de Cahors qui a ordonné une enquête. Philippe Pissier a eu droit au grand jeu. Perquisition de son domicile par des gendarmes, saisie de son ordinateur portable et d’œuvres « susceptibles de troubler l’ordre public ». Dans son édition du 24 juillet, le journal La Dépêche du Midi expliquait que « l’article 227-24 du nouveau Code pénal prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende à l’auteur, si l’œuvre est susceptible d’être vue par un mineur ». En attendant, l’enquête suit son cours.

Les péripéties de Philippe Pissier peuvent faire rire. Mais pas tant que ça. Vers quoi allons-nous au nom de la « protection des mineurs » ? La brigade des mœurs va-t-elle faire une descente dans les musées pour décrocher les toiles de maîtres subitement classées X ? Des escouades de curés vont-elles déferler dans les parcs et jardins publics pour mettre des culottes et des soutiens-gorge aux statues trop déshabillées ? Faudra-t-il extrader la première dame de France parce qu’elle a souvent posé en tenue d’Ève pour des photographes ?

On se souvient de l’irruption de gendarmes dans une librairie de Besançon où était vendu Adorations perpétuelles, un livre de Jacques Henric, qui avait repris en couverture L’Origine du monde du camarade Gustave Courbet (illustration). Quand les pandores s’intéressent à l’art en lorgnant sur le Code pénal, on peut craindre le pire.