Ike, Hannah, Katrina : Pourquoi les Cyclones portent tous des Prénoms américains

Ike, Hannah, Katrina : Pourquoi les Cyclones portent tous des Prénoms américains

Ouragans, cyclones, tempêtes tropicales… Le mois de septembre apporte chaque année son lot de désolation sous la forme de perturbations météo monstres. Alors que le monde entier se souvient avec émotion de Katrina qui, en 2005, submergea La Nouvelle-Orléans, une série d’orages perturbe en ce moment la campagne présidentielle américaine. Les calamités ne sont pas terminées : Ike se profile à l’horizon. Il porte le prénom d’un des plus illustres présidents des États-Unis d’Amérique.

Près de 150.000 sinistrés américains ont eu à déplorer les ravages du cyclone Katrina, tandis que George W. Bush a traversé l’une des plus graves crises politiques de ses 2 mandats présidentiels en septembre 2005. 1 million de personnes a été déplacé en catastrophe, et beaucoup d’entre elles n’ont pas retrouvé de foyer aujourd’hui… Alors que les nuages de l’ouragan Gustav se profilent à l’horizon de la Floride en début de semaine dernière, son successeur putatif John McCain ne pouvait l’ignorer. Il a dû écourter la convention qui devait le mener sur les starting blocks de la course à la Maison Blanche, bien que le Minnesota, où elle eut lieu, soit plus près de l’Alaska que des Caraïbes. Il a d’ailleurs demandé publiquement à ses partisans de former à cette occasion une pensée pour les victimes du cyclone.


Ces phénomènes météorologiques sont de véritables bombes à fragmentation, ils pénètrent loin à l’intérieur du sous-continent en remontant le cours du Mississipi, et leurs conséquences dévastatrices se font sentir très au nord de leurs points d’impact. Ainsi, de fortes pluies déversées par la tempête tropicale Hanna ont perturbé le programme des derniers matches de l’US Open de tennis à New York : la finale-dames a été reportée à dimanche soir, et la finale-messieurs à lundi. C’est une première depuis plus de 20 ans !


Mais les cyclones sont loin d’être un phénomène américain. Haïti, l’un des pays les plus pauvres de la planète, est à présent plongé dans une crise humanitaire après avoir été ravagé par trois perturbations majeures en trois semaines, Fay, Gustav et Hanna, qui ont laissé des milliers d’habitants sans abri, manquant d’eau potable et de nourriture. L’ouest de Cuba a été dévasté qui, sans faire officiellement de mort sur l’île, y a détruit ou endommagé plus de 100.000 bâtiments, avec des vents soufflant en moyenne à 240 km/h et des rafales de 340 km/h. Ses dirigeants communistes, qui avaient offert il y a 3 ans, leur aide aux sinistrés de La Nouvelle-Orléans, prient maintenant les États-Unis de revenir sur l’embargo et de permettre aux sociétés américaines d’ouvrir des crédits pour aider les Cubains.


Selon l’Unicef, 650.000 personnes dont 300.000 enfants ont été affectées par les trois perturbations et le mauvais état des systèmes de transport dans les îles rend difficile l’acheminement de l’aide humanitaire. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé samedi qu’il acheminait de la nourriture, de l’eau et de l’aide humanitaire par bateau et par avion. Selon le Bureau de Coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 500 personnes ont été tuées en Haïti par le passage d’Hanna et le bilan augmente d’heure en heure… Il y a 8 jours, Gustav avait déjà fait 77 morts. Si les dommages sont ainsi partagés, pourquoi réserver aux cyclones des noms exclusivement américains ?


Jusqu’au début du XXème siècle, les ouragans qui frappaient les îles espagnoles des Caraïbes étaient nommés selon le saint patron du jour. Ainsi, à Porto Rico par exemple, on perpétue les souvenirs malheureux de Santa Ana le 26 juillet 1825, de San Felipe le 13 septembre 1876, et puis à nouveau d’un autre San Felipe en 1928, celui-là même qui venait de dévaster la veille, le 12 septembre, la Guadeloupe, y faisant au moins 1.200 victimes, et où la population s’en souvient comme étant le Grand Cyclone. Nommer les tempêtes aurait été popularisé par un prévisionniste australien au début du XXème siècle. Il leur aurait donné des noms rappelant ceux des politiciens qu’il n’aimait pas. Clemente Wragge pouvait ainsi publiquement donner un double sens à ses rapports en décrivant les conséquences des phénomènes qu’il avait à observer : la tempête et son homonyme au pouvoir devait alors causer une grande détresse ou divaguer sans but au sujet du Pacifique… Ce qui est certain, c’est que dans ces contrées, le terme de willy-willy, diminutif de William, est généralement attribué à des phénomènes tourbillonnaires, en fait, plutôt à des tornades ou tourbillons terrestres !


C’est aussi à cette époque que les marins de la Flotte américaine, qui sont les véritables initiateurs de l’emploi des prénoms pour les phénomènes naturels, et précisément les cyclones, ont imaginé utiliser l’alphabet phonétique employé dans les services de transmission pour les repérer. Pendant la seconde guerre mondiale, des prénoms féminins ont été donnés aux cyclones par les météorologistes de l’Armée de l’Air et de la Navy pour la prévision cyclonique sur le Pacifique. Ils utilisaient les prénoms de leurs petites amies ou d’actrices de Hollywood.


On décide d’officialiser l’alphabet phonétique dans la vaste zone atlantique en 1949, et 1950 est la première année où sont effectivement baptisés les cyclones de l’Atlantique et des Caraïbes : la liste reprend alors l’alphabet des transmissions en cours dans l’US Army. Naissent alors cette année, Able, Baker, Charlie, Dog, Easy, Fox, George, How, Item, Jig, King et Love. Durant 3 ans, cette liste est reprise et on pense à renouveler cette énumération lassante. Les prénoms féminins sont donc revenus au goût du jour, pour reprendre un usage historique. En 1953, on baptise Alice le 25 mai, puis Barbara, Carol, Dolly, Edna voient le jour ! Si en 1954, on reprend la liste, on imagine ensuite de la renouveler chaque année. De 1950 à 1952, les cyclones tropicaux de l’Atlantique Nord ont été identifiés par l’alphabet phonétique, mais après 1953, le Bureau météorologique américain n’a proposé que des noms de femmes…


Devant la pression féministe, l’OMM et le Service météorologique américain (NWS) ont décidé d’alterner les genres en 1979. 6 listes ont été établies et elles sont reprises tous les 6 ans de façon cyclique. La liste de 2005 est alors la même que celle de 1999 ; celle de 2006 reprend les prénoms de 1994 et 2000. Elle sera de nouveau utilisée en 2012. Toutefois, lorsque, par sa violence, les victimes qu’il a entraînées, les dégâts provoqués, un cyclone a acquis un renom particulier et fâcheux, son nom est retiré de la liste et remplacé par un autre du même genre et débutant par la même lettre. Ainsi, Allen et Alicia ont-ils été remplacés par Andrew et Allison.


Pendant plus d’un demi-siècle, les prévisionnistes militaires, initialement membres de la Marine américaine et plus tard de l’US Air Force, ont aussi nommé les cyclones tropicaux qui se formaient dans le bassin du Pacifique Nord-Ouest. Dans le même temps, à partir de 1963, le service météorologique des Philippines, le PAGASA, commence à attribuer des noms de femmes philippins se terminant par ng aux dépressions et aux cyclones se formant ou traversant sa zone de responsabilité. Depuis le 1er janvier 2000 cependant, les cyclones tropicaux du Pacifique Nord-ouest sont nommés à partir d’une liste de noms nouvelle et très différente. Ils sont asiatiques et sont fournis par toutes les nations et tous les territoires qui sont membres du comité des cyclones de l’OMM. Les noms nouveaux sont affectés par le Centre des Cyclones de Tokyo de l’Agence météorologique japonaise qui est en charge du bassin.


Ils ont deux différences essentielles avec le reste des listes de noms de cyclones dans le monde. Premièrement, ses noms ne sont généralement pas des noms de personnes. Il y a quelques noms de femmes et d’hommes, mais la majorité sont des noms de fleurs, d’animaux, d’oiseaux, d’arbres ou même de spécialités culinaires. Certains sont même des adjectifs qualificatifs ! Par ailleurs, le classement des noms ne se fait pas par ordre alphabétique, mais il est le résultat d’un accord entre les nations qui y contribuent et les pays en voie d’alphabétisation. 14 nations ou territoires ont ainsi chacun fourni 10 noms. Ce système apparaît bien moins discriminatoire et a le mérite d’offrir un sujet de réflexion poétique aux habitants frappés par les cataclysmes naturels. Pourquoi, en effet, toujours ramener à l’Homme un caprice de la nature ? Et pourquoi, en plus, en faire un argument de domination linguistique ? L’Atlantique Nord et les Caraïbes ne sont en effet pas exclusivement anglophones. À quand donc Ingrid, Fidel, Roselyne ou Nicolas ?

 

 


Quand l’ouragan s’approche au plus près du rivage,
Tout les gens sont frappés par le doute et la peur
Si leurs maisons n’ont plus le calme un peu trompeur
Qu’on leur préfère, au lieu d’un ciel noir et sauvage.


L’Homme a longtemps subi ce très ancien clivage
Qui jauge à sa propre aune un flux fait de vapeur
Or, l’air n’a pas prévu de plaire au vieux campeur :
Le ciel mène un grand train qui fait parfois ravage !


Notre univers n’a-t-il pour nous que lourds propos
Quand les gens sous le joug vont chercher le repos ?
C’est juste en fin d’été que se forme un cyclone…


N’aurions-nous pas tu vite un point noir menstruel,
Octroi maudit d’un ciel farouche ou de son clone,
Pour fuir dans notre étoile un sort par trop cruel ?