Le théâtre classique du méconnu Jean-François Regnard vaut le détour. Et la rencontre de Pascal Zelcer avec cet auteur qualifié de « vaudelliste qui a du style » par Lanson est plutôt originale : « Il y a sept ou huit ans, au festival d’Avignon, dans une librairie où j’adorais fouiner dans les beaux livres, je suis tombé sur les œuvres complètes de Regnard, dans une mignonne petite collection en maroquin rouge. J’en ai survolé le contenu et ce qui m’a d’abord plu, intrigué et fait rire, ce furent les titres des pièces : « Le Distrait », « Le légataire universel », « Les Folies amoureuses ».

D’emblée cet auteur nous fait pénétrer dans ce théâtre stylé du XVIIe siècle. Et l’on puise dans ces FOLIES AMOUREUSES toute la saveur et la truculence de personnages types comme le tyran domestique (Albert),un beauf égocentrique, sorte de mix d’Harpagon [« L’Avare », Molière] et de don Gutierre, un harceleur à la mode du Siècle d’or [« Le Médecin de son honneur », Calderón de La Barca]. On y croise une pupille ou femme enfant (Agathe), objet encombrant de convoitise, des serviteurs intuitifs (Lisette, Crispin) parfois fusionnels, tantôt rabrouant les maîtres, tantôt leur élaborant de fines stratégies de spadassin et bien sûr l’archétype de l’amant rival (Eraste), ici un jeune homme nonchalant et fataliste.

Une pièce écrite en 1704 qui parfois peut évoquer « Le Médecin malgré lui » . Pour Zelcer, on y retrouve le baroque de Marivaux et l’art de l’intrigue classique des pièces de Molière. Avec le côté déjanté qui n’a pas échappé au metteur en scène : « Ce qui me plaît particulièrement dans LES FOLIES AMOUREUSES, c’est que la parfaite maîtrise de l’écriture est au service d’une folie délirante des personnages » […] d’où une « envie de casser avec le caractère compassé de la forme, afin que la langue [le texte en vers] devienne fluide [et] donne l’impression d’être quotidienne. »

Côté divertissement, le pari est plus que réussi. Et l’on n’est guère éloigné de l’univers délirant des Monty Python. La pièce de Regnard subit un traitement de choc. Zelcer mène sa barque à un train d’enfer durant une heure et demie, proposant une alchimie théâtrale aussi redoutable qu’efficace. Pas de temps mort ! LES FOLIES AMOUREUSES est un spectacle complet : chansons, vidéo, effets sonores et techniques surprenants… Avec de nombreuses – et bien ficelées – références à la littérature, au cinéma, à la comédie musicale et au théâtre contemporain de ces vingt dernières années.

Dans un climat baroque, les excellents comédiens surfent. Le personnage d’Eraste, à la dégaine de clown glam rock à la Buster Keaton et celui du jubilatoire ‘faux médecin’ Crispin s’avèrent désopilants. Car leur gestuelle le plus souvent imprévisible crée de nouveaux effets ludiques, contredisant ou confirmant sans cesse le nerf narratif de cette comédie placée sous le signe de la profusion. Le numéro d’Agathe en Castafiore mythomane, par ses envolées hystériques, s’avère une autre surprise. Une parfaite synchronisation caractérise l’ensemble : les comédiens semblent flotter comme des poissons dans cette pièce au rythme rapide, marquée par un délire jubilatoire et contagieux.

En fin stratège, Zelcer a su insuffler à la pièce de Regnard une nouvelle jeunesse. « Il s’agit d’une comédie dans toute sa splendeur, sans gravité, sans message pesant, une comédie vraiment divertissante », précise-t-il. Visiblement, le metteur en scène avec LES FOLIES AMOUREUSES a été bien inspiré, sortant des oubliettes du théâtre un auteur, généralement évoqué en quelques lignes dans les ouvrages érudits. « L’auteur le plus marquant de la fin du siècle [XVIIe], Jean-François Regnard, combine le modèle moliéresque et les conventions du théâtre italien, a écrit Alain Viala (1).
LES FOLIES AMOUREUSES ? une excellente pièce !

(1) « Le théâtre en France, des origines à nos jours », sous la direction d’Alain Viala, éditions PUF, 1997

La Compagnie des Folies et le Vingtième Théâtre présentent

LES FOLIES AMOUREUSES

une comédie de Jean-François Regnard

mise en scène : Pascal Zelcer

avec Frédéric Chevaux (Eraste), Benjamin Guillard (Crispin), Lara Neumann (Agathe), Laurent Richard (Albert), Anne Saubost (Lisette)

durée : 1 h 30

au Vingtième Théâtre, 7 rue des Plâtrières, Paris 20e
métro : Ménilmontant

du 5 septembre au 26 octobre 2008
du mercredi au samedi à 21 h 30. Dimanche à 17 h 30