Soirée « passage d’encres » à l’Institut du Monde Arabe : ce fût littéralement grandiose !

Pour son numéro double, 19/20, la revue d’art « passage d’encres » recevait, jeudi 4 décembre 2003, ses amis et les écrivains & artistes qui avaient participé à l’aventure du dernier numéro, avec un cahier spécial consacré à Salah Stétié, et Albert Woda en artiste invité.

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Le tout coordonné par votre serviteur. Pour une sacrée soirée, ce fut une sacrée soirée …

Le café littéraire de l’IMA se transforma, sur les coups de dix-neuf heures, en salon musical pour accueillir les invités. Au son du oud venu d’Orient, les ombres glissaient sur le marbre gris, se faufilaient entre les tables garnies de thé à la menthe et de sucreries variées et colorées. Les chaises grinçaient parfois, les fauteuils soupiraient et le brouhaha, mélodie des affreux, suintait entre les vocables du chanteur. Tout le monde trouva bien vite sa place et seule régna la musique. Ouverture de la soirée, invitation au repos de l’âme qui, bercée par la mélopée soufie ou la chanson traditionnelle, pouvait, enfin, laisser libre cours à sa fantaisie. Libéré, le regard fuyait derrière les vitres fumées, jouait avec les étincelles lumineuses du parvis, s’émerveillait des phares des voitures, petites lucioles qui glissaient sur les quais de Seine, s’immobilisait sur les soieries et les belles qui les portaient, s’amusait à épier les mains du musicien qui dansaient sur les cordes tendues, régulant la musique dans un rythme si particulier qu’il en est unique. La musique arabe.

Christiane Tricoit, la directrice de la publication, ouvrit la soirée. Elle nous présenta brièvement la revue, son concept qui marie les arts et la littérature sans esprit de chapelle ni politique éditoriale prédéfinie, si ce n’est la seule obligation qui consiste à inviter un plasticien à chaque livraison qui réalise pour l’occasion une œuvre originale, présentée dans les exemplaires de tête avec un tiré à part.
Puis la grande poétesse roumaine, Rodica Draghincescu, nous interpréta son texte dans une lecture pleine d’émotion et d’humour.

Liberté noire I (lettres de printemps)
(extraits)

Les mots laissent des mots en garde à des mots.

Je lettre ma vie, j’écrivie, voyageant en bateau à voiles de papier.

Lettre écrite à l’eau, lettre à l’eau, moi, propriétaire et perdante, à l’eau, l’eau dans la propriétaire et la perdante, l’eau de la lettre, l’eau en larmes, non, l’encrier des larmes. Fi donc ! La vie est un conte dont on a honte près de la mort. Ca ne vaut pas la peine de raisonner trop.

J’y suis seule, papier hésitant.

Ce moi propriétaire de la lettre, propriétaire de son propriétaire, cette propriété impropre, cette prière sans cesse, la langue nouée.

Pas le cas de s’y arrêter. Sortons de ce sac linguistique, coupons le cul des mots. La lettre attend l’être à dire ou à lire.

Lettre. A force de. Parler par le chœur d’un. Cœur d’un chœur parlant, battant le rythme des lettres d’une. Chanson sur les virages de l’être. Virages sur les visages de l’être. Sans cœur, à écœurer les cœurs des autres.

Le thème de ce numéro est « la lettre », vous l’aurez compris.
De l’épître au signe graphique, l’étendu du périmètre de jeu est vaste. A ne pas prendre au pied de la lettre. Quoique. Il n’en fallait guère plus pour que les écrivains et poètes qui acceptèrent l’enjeu s’en donnent à cœur joie …
Je les ai choisis volontairement de tous les horizons pour, une fois encore, briser l’unique, casser le moule de référence, et entendre le métissage, les voix discordantes mais indispensables à notre bonheur … Ils ont tous répondu présents, et jamais je ne les remercierais assez. D’Argentine, d’Iran, de Roumanie, du Liban, du Japon, de Belgique, du Canada, de France et de Navarre, de tous horizons politiques et religieux, ils sont tous là, pour s’amuser ensemble autour de la lettre, mais aussi pour dire haut que l’on évoque ici, avant tout, l’idée première, celle du passage.
De l’information, de la communication, du partage. Qui d’autre alors que Salah Stétié - au cœur de ce numéro - pour évoquer la communion des êtres et des cultures ? Lui, l’Arabe qui n’écrit qu’en français, dans une langue unique faite des sons de chez lui avec les mots de chez nous. Salah Stétié, qui témoigne chaque jour que se parler est possible, lui, l’homme du dialogue par excellence.

La Dormeuse cernée
(extraits)

(…) La poupée est dormante
Il y a plusieurs jardins dans sa rue.
Elle y va avec ses terribles doigts devant ses yeux, cachant ses yeux,
Autour d’elle les pommiers sont en fleur, leur neige est à ses pieds.
Dentelle pour les mille fiancées à venir
Qui seront bloquées à leur tour dans le temps durcissant.

Mais que seulement elle ouvre les yeux ! qu’elle regarde
L’énorme illusion verte, la forteresse engrappée d’étoiles !
Qu’elle marche avec ses pieds nus sur le sable
Car le mort n’est pas son vrai nom d’oiseau mythique
Face à la haute peine tombée sur la noirceur des jours
Dans ce monde duquel le soleil s’est, à pas lents, retiré.

(…)

Ma seule, mon aimée
Je te reçois comme une enfant de sarcophage
Dans des bleus d’oliviers qui ont d’immenses peines
Parce que rien de toi ne s’égare au profit des hauts, très hauts nuages
C’est ici ton pays qui est l’avers et le revers des feuilles,
Les deux béliers de ton exil.

Comment alors continuer cette belle envolée artistique dans le sombre du métal noirci et des ombres révélées ? Comment donner une épaisseur matérielle à tous ces textes tout en conservant notre élan ? En invitant Albert Woda, dont le beau nom signifie « eau », lui qui est né à Nice, mais aussi au Moyen-Orient sans jamais y avoir mis les pieds. Issu d’une famille émigrée de Pologne, le français est sa langue maternelle mais celle de ses parents est une langue morte alors qu’ils sont encore vivants ! L’histoire l’a privé de cette langue. Alors Albert Woda voyage avec ses mains. Toutes ses images sont des voyages immobiles. Peintre et graveur, graveur et peintre, il métisse son œuvre comme sa technique. Et « La Mer de Koan », qu’il a spécialement gravé pour le texte de Salah Sétié, est une peinture avant d’être cette gravure.
« La magie de la gravure colore l’encre noire des épreuves », nous raconte Woda. « La peinture recueille dans toute sa splendeur les couleurs tendres du ciel, qui nous conte l’histoire immémoriale de la lumière, l’outil des peintres. »

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Woda, "La Mer de K."

Il ne vous reste plus qu’à découvrir les écritures et œuvres de ce numéro éclairé par les manières noires d’Albert Woda.
Avec eux tous, partir pour la mer de K.

PS -
Revue passage d’encres
16, rue de Paris
93230 Romainville
Tel/Fax : (33-1) 48-43-22-23
passagedencres@wanadoo.fr
www.elvir.org
(université de Poitiers)
Pour aller directement sur le site de la revue, cliquez ICI.

LITTERA lement
Numéro double 19/20
192 pages ; 21 euros
ISSN 1271-0040 ; ISBN 2-913640-38-9

Cahier Salah Stétié
Woda, artiste invité

Sommaire -
Edito. De la lettre, François Xavier

CAHIER SALAH STETIE
(le site de Salah Stétié).
Les textes
La dormeuse cernée. 11
Cinq dictées de la mélancolie. 13
Lenteurs … 22
Mes villes. 24
L’Enfant de soie. 28
Azur. 30
La Mer de Koan. 33
L’Oiseau de la vision, entretien avec Rachel Boulos. 46
L’Infini. 51

Regards sur Salah Stétié
Woda

Il faut qu’une parenthèse soit ouverte sans être nécessairement fermée. Pierre Brunel. 57
Les arrachements et l’œillet du silence.
Sur la langue poétique de Salah Stétié. Marc-Henri Arfeux. 59
Triptyque pour Salah Stétié. Michèle Finck. 68
Les fiançailles de la musique et de la poésie :
une pensée baroque de notre temps. Natacha Lafond. 69
Une lettre de trop. Alexis Nouss. 76
Albert Woda. 81
Recette pour Salah Stétié. Eric Coisel. 89

Francis Herth : signes de reconnaissance. Christine Eschenbrenner. 97
La Nuit, le Scribe … Anne Zali. 101
Mon Cher Petit Automne. Irène Oger. 104
D’écrire (lettres d’une semaine paysagère). Yves Boudier. 106
La Lettre à la lettre. Luc-François Granier. 109
La Lettre à dia fidia. Jean-Pierre Faye. 110
D’Hubert Lucot à Didier Garcia. 114
Lettre de Puerto Montt. Franco Borquez. 118
Banh-Hai Ja, Corée graphies. Martine Monteau. 121
« L’a-chronique fantasmagorique » : Talisman. Pascal Vimenet. 122
Ceci n’est pas une pipe. Christian Zimmer. 125
Voir et regarder. Sylvie Reymond Lépine. 128
Méduse ou la lettre interdite. Anny Chastang. 130
Enclôture/Eclatement
(en hommage au Voyage de Pierre Henry). Carole Gurdin. 136

Avec François Xavier

La Parenthèse. François Xavier. 142
Poème. Jad Hatem. 143
Lettre à William B. François Janicot. 145
Dibujos de la U. Dessins de l’U. Cristina Castello. 148
Ma dé-R-aison. Max Fullenbaum. 153
Là, l’être volé. Christian Le Dimna. 155
Lettre e(s)t le néant. Frédéric Grolleau. 158
Lettre ouverte aux hommes - Entre chiens et chats. Serge Scotto. 160
Nuit blanche. Jour d’enfer. Camille Aubaude. 162
Sandrine Rotil-Tienfenbach - Frédéric Vignale. 164
Elevés à Sein. Christophe Spielberger. 167
Liberté noire I (lettres de printemps). Rodica Draghincescu. 168
René Abachi. - Lettre et la personne (extraits). Myra Prince. 172
2002, miracle à l’envers. Maria Maïlat. 174-175
Celle qui n’attendait plus … ou Trois lettres. Laurent Bayart. 176
Gaston de Foix. Fouad Gabriel Naffah. 179
Le Chat et la Souris, conte persan. Obeid Zàkàni
Traduction de Jalal Alavina. Dessins de Seïfallah Dargouth. 181

ILLUSTRATIONS
Woda, artiste invité
, manières noires :
La Mer de Koan (tiré à part). 43
Dénouant. 67
Exode, couverture. 1. Détail de … 9 ; La Mer de Koan : état 1. 39 - état 2. 40 - état 3. 41
Autoportrait. 80 - Le Désert. 83 - La Vallée. 84 - Le Frisson. 87

PS -
Revue passage d’encres
16, rue de Paris
93230 Romainville
Tel/Fax : (33-1) 48-43-22-23
passagedencres@wanadoo.fr
www.elvir.org
(université de Poitiers)
Pour aller directement sur le site de la revue, cliquez ICI.

LITTERA lement
Numéro double 19/20
192 pages ; 21 euros
ISSN 1271-0040 ; ISBN 2-913640-38-9

Cahier Salah Stétié
Woda, artiste invité

Sommaire -
Edito. De la lettre, François Xavier

CAHIER SALAH STETIE
(le site de Salah Stétié).
Les textes
La dormeuse cernée. 11
Cinq dictées de la mélancolie. 13
Lenteurs … 22
Mes villes. 24
L’Enfant de soie. 28
Azur. 30
La Mer de Koan. 33
L’Oiseau de la vision, entretien avec Rachel Boulos. 46
L’Infini. 51

Regards sur Salah Stétié
Woda

Il faut qu’une parenthèse soit ouverte sans être nécessairement fermée. Pierre Brunel. 57
Les arrachements et l’œillet du silence.
Sur la langue poétique de Salah Stétié. Marc-Henri Arfeux. 59
Triptyque pour Salah Stétié. Michèle Finck. 68
Les fiançailles de la musique et de la poésie :
une pensée baroque de notre temps. Natacha Lafond. 69
Une lettre de trop. Alexis Nouss. 76
Albert Woda. 81
Recette pour Salah Stétié. Eric Coisel. 89

Francis Herth : signes de reconnaissance. Christine Eschenbrenner. 97
La Nuit, le Scribe … Anne Zali. 101
Mon Cher Petit Automne. Irène Oger. 104
D’écrire (lettres d’une semaine paysagère). Yves Boudier. 106
La Lettre à la lettre. Luc-François Granier. 109
La Lettre à dia fidia. Jean-Pierre Faye. 110
D’Hubert Lucot à Didier Garcia. 114
Lettre de Puerto Montt. Franco Borquez. 118
Banh-Hai Ja, Corée graphies. Martine Monteau. 121
« L’a-chronique fantasmagorique » : Talisman. Pascal Vimenet. 122
Ceci n’est pas une pipe. Christian Zimmer. 125
Voir et regarder. Sylvie Reymond Lépine. 128
Méduse ou la lettre interdite. Anny Chastang. 130
Enclôture/Eclatement
(en hommage au Voyage de Pierre Henry). Carole Gurdin. 136

Avec François Xavier

La Parenthèse. François Xavier. 142
Poème. Jad Hatem. 143
Lettre à William B. François Janicot. 145
Dibujos de la U. Dessins de l’U. Cristina Castello. 148
Ma dé-R-aison. Max Fullenbaum. 153
Là, l’être volé. Christian Le Dimna. 155
Lettre e(s)t le néant. Frédéric Grolleau. 158
Lettre ouverte aux hommes - Entre chiens et chats. Serge Scotto. 160
Nuit blanche. Jour d’enfer. Camille Aubaude. 162
Sandrine Rotil-Tienfenbach - Frédéric Vignale. 164
Elevés à Sein. Christophe Spielberger. 167
Liberté noire I (lettres de printemps). Rodica Draghincescu. 168
René Abachi. - Lettre et la personne (extraits). Myra Prince. 172
2002, miracle à l’envers. Maria Maïlat. 174-175
Celle qui n’attendait plus … ou Trois lettres. Laurent Bayart. 176
Gaston de Foix. Fouad Gabriel Naffah. 179
Le Chat et la Souris, conte persan. Obeid Zàkàni
Traduction de Jalal Alavina. Dessins de Seïfallah Dargouth. 181

ILLUSTRATIONS
Woda, artiste invité
, manières noires :
La Mer de Koan (tiré à part). 43
Dénouant. 67
Exode, couverture. 1. Détail de … 9 ; La Mer de Koan : état 1. 39 - état 2. 40 - état 3. 41
Autoportrait. 80 - Le Désert. 83 - La Vallée. 84 - Le Frisson. 87