"La folle allure" de Christian Bobin transcendée au théâtre

"La folle allure" de Christian Bobin transcendée au théâtre

Une femme seule sur scène aux yeux de chat pénétrants, une metteur en scène inventive, respectueuse de l’auteur et de son actrice, un texte fort et intemporel taillé sur mesure pour l’émotion, la beauté et la réflexion, le triomphe du mot juste, une belle lumière, des costumes qui magnifient la femme, "La folle Allure" qui se joue actuellement à la manufacture des abbesses est un spectacle d’une incroyable sensibilité qui, sans fausses notes, a offert à un public conquis une grand moment, unique, de théâtre.

Le pitch : Lucie est une enfant fougueuse, fugueuse, elle devient une jeune femme qui refuse les carcans, les obligations. Elle court à folle allure vers la liberté, vers la vie. Sa devise : « On verra bien ». Lucie prend sa respiration dans le souffle de la musique, en particulier celle de Jean Sébastien Bach. Elle lui donne la mesure et révèle son énergie, son écriture.

Il y a une symbiose rare entre la metteur en scène Rachel Ruello et l’actrice Magali Herbinger. Même si sur scène tout est léger et au millimètre, on imagine le travail immense pour arriver à un résultat si proprement bluffant, intense, émotionnel et riche en instants de grace.

Magali Herbinger apparaît sur scène, d’abord timide, hésitante et douce puis portée par l’allure folle des tenants et aboutissants du texte de Christian Bobin ici adapté avec un grande rigueur jamais plate ou convenue, diablement femme et sensuelle dans ses récits qui toucheront toutes les femmes évidemment, mais les hommes aussi.

Pendant toute la durée du spectacle, on est suspendu aux yeux et aux lèvres de la joliesse de Magali, il y a une montée crescendo qui prend au coeur, on est porté par le jeu, la voix, la délicatesse du regard posée par la metteur en scène en adéquation totale avec les intentions de Bobin.

On se sent privilégié dans ce show intimiste où la belle nous crie ou nous sussure ses aventures intérieures en relation avec l’amour, le désir, le rêve et la poésie qu’on peut voir dans le plus banal des quotidien si on garde les yeux ouverts.

Petit à petit la voix devient plus intense, la lumière plus subtile et le corps plus effeuillé en parallèle avec une jolie métaphore, pendant une grande partie de la pièce, sur l’arbre, l’amant fantasmatique ; l’érable.

On est chamboulé, on pense à la femme, à toutes les femmes qui sont ainsi racontées,narrées , analysées avec un regard si pertinent et bienveillant par ce beau trio d’artistes complémentaires et en phase formé par Bobin, Rachel et Magali.

L’amour et l’harmonie étaient palpables en cette générale de "La folle allure" qui a fini par une larme très pudique offerte en fin de spectacle par la metteur en scène venant embrasser son actrice.

Un travail admirable, précis et talentueux mérite d’être vu et revu par le plus grand nombre. Christian Bobin est servi au mieux, l’actrice trouve là un rôle qui marquera sa carrière et on suivra de près une metteur en scène qui met tant d’énergie, d’attention et de délicatesse en à traduire en images et en gestes une folle allure littéraire, de haute tenue, qui nous accompagnera longtemps.

Auteur : Christian Bobin
Metteur en scène : Rachel Ruello
Avec Magali Herbinger
Arrangement musical d’Olivier Boudon
Sons de Nicolas Bourgeois
Lumières de Nicolas Pigounides
Structure de Matthew Tinker

LA FOLLE ALLURE, MANUFACTURE DES ABBESSES, du 3 septembre au 25 octobre 2008. Métro Blanche.