Les Ministres du Gouvernement ont tous la Sciatique

Les Ministres du Gouvernement ont tous la Sciatique

Convoqués à Matignon lundi en catastrophe pour certains, contraints pour d’autres d’effectuer des sorties médiatiques à cause d’une actualité dramatique, nos ministres n’ont pas pu cette année profiter pleinement de leurs vacances. Le syndrome de la canicule et le stakhanovisme du chef de l’État sont-ils seuls en cause pour pourrir la vie rêvée de ministre ?

Christine Lagarde (Économie), Eric Woerth (Budget) et les secrétaires d’État Luc Chatel (Consommation), Laurent Wauquiez (Emploi), Anne-Marie Idrac (Commerce extérieur) et Hervé Novelli (PME) sont à Matignon pour analyser les causes de la dégradation de la conjoncture internationale, et identifier les réponses qui devront y être apportées. Christine Lagarde a reconnu qu’il ne faut pas s’attendre à un bon 3ème trimestre, car les facteurs ayant pesé au deuxième trimestre sont restés présents en juin et sur une partie du mois de juillet. Après une croissance de 0,4% au 1er trimestre, l’économie française a subi un sérieux coup de frein entre avril et juin, sous l’effet du pétrole cher, de l’euro fort et d’un ralentissement général de l’activité en Europe et aux États-Unis. Le PIB de la zone euro dans son ensemble a également reculé de 0,2% au deuxième trimestre, Allemagne en tête.


Pour faire face à cette conjoncture incertaine, le Premier ministre a réaffirmé jeudi la détermination du gouvernement à mener résolument les réformes économiques et sociales seules de nature à donner à l’économie française le dynamisme nécessaire à une reprise rapide de la croissance. La réunion de lundi ne devrait pas déboucher sur des annonces, dit-on au ministère de l’Économie. Il s’agit d’analyser en commun les principales composantes du recul du PIB et au-delà de ce chiffre, d’examiner les perspectives de croissance pour l’économie française, explique-t-on dans l’entourage de la ministre de l’Économie.


On rappelle d’ailleurs que certaines réponses ont d’ores et déjà été apportées. La loi de modernisation de l’économie devrait permettre une baisse des prix, et au programme de la rentrée, figureront le revenu de solidarité active ou la loi sur la participation, fait-on savoir. Pour le moment, ne sont attendues en septembre que l’annonce des modalités d’application de certaines mesures comme la prime à la cuve ou l’aide au transport. Ma grande crainte est que l’on prenne des petites mesures, qui coûtent cher et dopent artificiellement un secteur, remarque un expert : c’est souvent le péché des gouvernements en période de ralentissement !

De l’Inaction à l’Ubiquité


Au mois d’août 2007, il a fallu que la crise des subprimes aux États-Unis provoque une cascade de faillites bancaires et risque d’ébranler tout le marché du crédit pour que le chef de l’État siffle la fin de la récré dans l’équipe gouvernementale et Christine Lagarde a dû interrompre un stage de plongée au large de l’île de Porquerolles pour reprendre le collier afin de rassurer les milieux financiers tout autant que les petits épargnants. Il n’a pas suffi à Nicolas Sarkozy de harceler Angela Merkel au téléphone pour qu’elle prenne position en faveur de la baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne de Francfort, il a dû aussi payer de sa personne et quitter son fabuleux séjour de Wolfeboro plus tôt que prévu.


Il a cette année prévu de mettre au pas… de charge tout son petit monde afin de décourager la paresse. Une partie du dernier conseil des ministres a été consacrée à une mise au point sur la conduite à tenir en cas d’urgence, et c’est ainsi qu’on a vu Michèle Alliot-Marie et Rachida Dati se précipiter sur les lieux où le corps sans vie du petit Valentin a été découvert, consoler la famille et motiver gendarmes et magistrat du Parquet ! Il aura cependant fallu 4 jours pour que Christine Boutin se sente concernée par les 250 foyers détruits par la tornade à Haumont (Nord) et se déplace dans la commune sinistrée pour pleurer sur l’épaule des victimes de la catastrophe et annoncer le déblocage d’urgence de 300.000 euros. Les engins de levage et de déblaiement, fournis par des régiments du Génie, ne sont intervenus que le lundi suivant, au prix de difficiles négociations avec le ministère de la Défense… 180 familles étaient alors toujours en attente d’une solution de relogement.


C’est sans doute la raison pour laquelle on a remarqué sur le perron de l’Élysée les membres du gouvernement Fillon si peu loquaces le 28 juillet dernier, et plus que jamais gênés aux entournures. Mais Nicolas Sarkozy n’a pas l’intention de revaloriser le travail seulement chez les Français et au sein de son équipe, il a opportunément laissé fuiter au journal satirique paraissant le mercredi son programme en ce qui concerne les parlementaires : il ne fallait pas que les députés prennent 2 mois de vacances au moment où les Français sont confrontés au pouvoir d’achat ; une rentrée parlementaire maintenue en octobre, ça aurait nourri l’antiparlementarisme, aurait-il déclaré dans l’avion qui le ramenait de Pékin au cap Nègre.


Si les députés sont seuls à se voir accablés d’une session extraordinaire à partir du 22 septembre, leurs collègues de la Chambre Haute ne suivront pas un train de sénateur, occupés qu’ils sont déjà pour la succession de Christian Poncelet au Plateau. Le président de la République a peut-être évoqué le pouvoir d’achat pour justifier l’allongement de la durée légale du travail parlementaire, mais tous les esprits critiques auront saisi l’incongru de l’argument. Le problème est autre, et il a plus à voir avec un engagement de campagne du candidat Sarkozy qu’avec la promesse de traiter celui du coût de la vie. Alors que les ouvriers et les employés français ont pris l’habitude avec la précédente législature de se voir rogner petit à petit les temps de récupération ouverts par la Loi Aubry sur les 35 heures de durée hebdomadaire de travail, les cadres n’ont eu que tout récemment la stupeur d’apprendre qu’ils n’ont plus droit qu’au 1er mai pour flemmarder ! Et les parlementaires ainsi réquisitionnés ne toucheront pas plus d’indemnités pour voter à la va vite des textes qui viennent fort à propos, puisqu’ils seront consacrés à la valorisation du pouvoir d’achat.

Qui trop Embrasse mal Étreint


Et pourtant, à vouloir trop bien faire, on ne fait parfois plus rien ! La presse étant montée au créneau la semaine dernière pour offrir au dalaï-lama quelque éclat protocolaire et des interlocuteurs dignes de ce nom au moment où Sa Sainteté, prix Nobel de la Paix, honore le pays de la Liberté de sa sollicitude, Rama Yade et Bernard Kouchner se sont souvenus qu’il convenait de saluer un responsable politique en exil, comme l’était le général de Gaulle à Londres à partir de 1940, par ailleurs inspirateur du courant de pensée dont se réclame Nicolas Sarkozy.


La mission pseudo-diplomatique de Carla Bruni, la confusion de la secrétaire aux droits de l’Homme Rama Yade et la versatilité de Bernard Kouchner montrent que la diplomatie sarkozyste est totalement désordonnée, n’a pas manqué de s’offusquer le Parti socialiste au moment où, malgré les bonnes volontés soudaines affichées par nos diplomates, on apprend que ni l’un, ni l’autre, n’aura l’occasion de présenter ses respects à l’un des plus illustres hérauts de la non-violence.


Annoncée à Nantes par son porte-parole français Matthieu Ricart, la rencontre attendue n’aura pas lieu : le 20, je ne peux pas. Je rappelle qu’il s’agissait d’une visite privée, sans flonflons ni trompettes, se désole le ministre des Affaires étrangères… Il faut dire que l’actualité du mois d’août est particulièrement chargée pour le locataire du Quai d’Orsay, qui ne sait plus où donner de la tête : j’espère pouvoir le rencontrer, mais mon calendrier a été bouleversé par la crise géorgienne et, si je ne retourne pas à Tbilissi, je dois me rendre au Proche-Orient.


Le vibrionnant touche à tout qui préside à nos destinées aura donc donné la bougeotte aux membres de l’équipe gouvernementale, à défaut d’imagination et de performance. Pour leur insuffler l’énergie qu’on les voit dépenser, il lui aura tout de même fallu un an d’exhortations réitérées. Il semble qu’en ce qui concerne les entreprises et les travailleurs français, la défiscalisation des heures supplémentaires n’ait pas suffi, puisque tous les experts s’attendent à une récession de l’économie à la rentrée. La consommation des ménages stagne, l’investissement recule et le commerce extérieur se dégrade toujours plus. Mais les Français, qui ont pris l’habitude de ne plus s’en laisser conter, auront plus souvent qu’à leur tour l’intention de se faire prescrire un arrêt de travail, à l’instar du Premier ministre, empêché d’assister avec les meilleurs dictateurs de la planète au défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées à cause d’une violente sciatique.

 

 


Les rumeurs vont bon train sur le lieu des vacances,
Tout s’inscrit bien plus mal qu’on ne l’avait prévu
Au tableau noir des grands projets, mais c’est tout vu :
Rien n’aura lieu qui puisse avoir des conséquences !


Un marché libre a des hasards et ses séquences…
N’y touchons plus depuis que nous l’avons pourvu
Des beaux atours qu’ils ont, mais pris au dépourvu,
Il donne une illusion de trop d’inconséquences.


D’un serment de ne pas demeurer en faction,
Nous pensons malgré nous et nos cautions d’action
Qu’il vaudrait mieux se taire et s’armer de patience !


Tous ces moyens que nous déployons sont en vain,
Le pire est d’avoir su nous infuser la science,
Mais nous irons en chœur verser dans le ravin.