Apostasie, mode d’emploi

Apostasie, mode d'emploi

À chaque fois qu’un pape vient en France, ça agace les athées, les anticléricaux, les rationalistes, les libres penseurs, les bouffeurs de curé… Cékomça. À chaque fois, les mécréant-e-s en profitent pour inviter les baptisé-e-s-à-l’insu-de-leur-plein-gré à se faire débaptiser. Comment ça marche ?

De nombreux athées sont baptisés malgré eux. Poids des traditions sociales et familiales, nous sommes un paquet à figurer sur les registres de l’Eglise catholique. Dès notre naissance, nos parents, catholiques du dimanche ou même parfois incroyants, ont cru malin de nous présenter à un pingouin en soutane sur les fonts baptismaux de l’église du coin. En guise de protestation, il nous était possible de brailler comme des démons au moment où le cureton nous inondait d’eau bénite. Mais le mal était fait.

Dans la plupart des familles, la triste comédie a duré plusieurs années, notamment le dimanche, dans ces messes où les hommes étaient assis à droite et les femmes à gauche. Et puis, il y a eu les cours de catéchisme, les séances de confession où l’on se refilait entre copains la liste des péchés à marmonner au bouffon qui nous collait trois Notre Père, les communions, les prières pour ne pas céder à la tentation (mon cul !), la confirmation et autres fadaises. Dans le « meilleur » des cas. Ces cauchemars personnels cumulés aux « exploits », passés et présents, de l’Eglise catholique suffisent pour vouloir tirer un trait définitif avec la religion. Et si on se débaptisait ?

En fait, il est impossible de se faire « débaptiser ». D’une, pour l’Eglise, l’apostasie est une grave hérésie. Le baptême serait même un sacrement indélébile. « On ne peut pas délier sur Terre ce qui est lié dans le Ciel », assurent sans rire les agenouillistes. De deux, « débaptisation » n’est pas le mot juste. Entre initiés, l’opération s’appelle une demande de renonciation au baptême. En clair, les débaptisé-e-s ne sont pas gommé-e-s des vilains registres. Une mention signalant leur souhait de ne plus être considéré-e-s catholiques est simplement inscrite en face de leur nom. Selon les cas, on trouve des trucs du genre « A renié son baptême » ou « Deficit a fide » (« a renoncé à sa foi »). On en a brûlé pour moins que ça… Chaque année, un millier de personnes demanderait à être sorti de la mêlée des chrétiens. Il y a les gens qui changent de secte (Témoins de Jéhovah, raéliens, musulmans, juifs, bouddhistes...) et ceux-celles qui ont une démarche politique.

La venue de Jean-Paul II, en 1996, pour commémorer le 1500ème anniversaire du baptême de Clovis, avait redonné de la vigueur aux anticléricaux. Le Collectif contre la venue du pape à Reims et quelques groupes anarchistes s’étaient illustrés en lançant une belle campagne de débaptisation.

Le voyage de Benoît XVI (alias Joseph Ratzinger) à Paris et à Lourdes, du 12 au 15 septembre, pour commémorer le 150ème anniversaire des poilantes apparitions de la « Vierge Marie » à Bernadette Soubirous va être l’occasion de réactiver le mouvement. Les Panthères roses, signataires de l’appel Remballe ton pape présenté récemment sur Le Mague, ouvrent le bal en proposant une lettre type assez salée. L’organisation qui regroupe « Gouines, trans et pédés énervéEs par l’ordre moral, le patriarcat, le sexisme, le racisme, le tout sécuritaire, les régressions sociales et tout ça » y dénonce l’idéologie catholique présentée comme « homophobe, lesbophobe, transphobe, sexiste, patriarcale, liberticide, aliénante, sectaire, niant l’individuE, participant à la haine, au crime d’état, s’immisçant insidieusement dans la vie politique et publique, dans l’éducation, dans les consciences, favorisant la propagation du sida, s’opposant au droit à l’avortement, au respect des individuEs ».

Des anarchistes bretons mettent aussi en ligne une demande de débaptisation très polie. Voici encore un modèle proposé par un site athée et un autre qui circule à la Libre pensée

A partir de ces exemples, vous pouvez broder et faire une missive plus personnelle, plus ou moins longue, plus ou moins drôle. Envoyez votre courrier à la paroisse où vous avez été baptisé-e et à l’évêché du diocèse auquel appartient votre ancienne paroisse car les registres de baptême sont tenus à ces deux endroits. La demande est gratuite, mais il est conseillé de joindre une enveloppe timbrée à votre adresse pour la réponse. Si tout se passe bien, vous recevrez plus ou moins rapidement la photocopie de la page du registre avec la mention qui vous écarte du droit chemin. Il arrive aussi que des curés pètent les plombs et vous engueulent ou tentent de vous faire changer d’avis ! Enfin, si les culs bénits font la sourde oreille, menacez de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Comme tout fichier, les registres de baptême sont soumis à la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 (articles 38, 39 et 40 de la loi n°78-17) qui donne le droit de rectifier des données personnelles figurant sur un fichier quand des erreurs ou des inexactitudes y figurent.

Vous en avez marre d’être de gentils moutons ? Vous ne croyez ni en Dieu ni au Diable ? Vous ne supportez pas d’avoir été inscrit à vie dans un mouvement religieux quand vous étiez bébé ? Vous refusez que l’Eglise mette son sale nez réactionnaire partout, dans la vie politique comme dans votre vie privée ? Vous ne supportez pas que les médias minés par le religieux parlent des délires mystiques d’une gamine simple d’esprit comme si ces supposées apparitions étaient des faits avérés (cherchez l’utilisation des guillemets et du conditionnel dans les reportages sur l’opérette papale) ? Alors, bravo, vous avez gagné votre ticket pour devenir candidat-e-s à l’apostasie.

À bas la calotte ! Vive la capote !

Illustration empruntée à Kukuxumusu.