Christine Boutin : cachez cet habitat que je ne saurais voir

Christine Boutin : cachez cet habitat que je ne saurais voir

En prélude au projet de loi sur l’accès au logement qu’elle entend présenter en Conseil des ministres lundi et à la représentation nationale à la rentrée, Christine Boutin s’est rendue vendredi dans un hôtel borgne du XIème arrondissement de Paris pour s’émouvoir avec des inflexions de dame patronnesse dans la voix : c’est pour moi un scandale qu’au XXIème siècle il puisse y avoir des logements comme celui que nous venons de visiter !

En affirmant vouloir bien faire comprendre aux marchands de sommeil que la traque commence et qu’elle ne s’arrêtera pas, la ministre du Logement et de la Ville utilise à son profit le scandale des logements insalubres pour relancer le marché de l’immobilier et assouplir les dispositions contraignantes au sujet du logement social en vue de soutenir le prix du m2.


Au vu de ces ambitions, et aussi de la complexité du sujet, le texte proposé ressemble fatalement à un catalogue à la Prévert, concernant tous les acteurs de la filière. Mais la mesure la plus emblématique est l’aménagement de l’article 55 de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement urbains) de 2000, qui impose aux communes de plus de 3.500 habitants, dont 1.500 en Ile-de-France, de parvenir à un seuil minimum de 20% de logements sociaux. Il permet aussi de réduire les délais d’expulsion en permettant au juge d’en suspendre l’exécution pour une durée d’une année au maximum, au lieu de trois actuellement, selon l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi, et ajoute à la notion de relogement en cas d’expulsion celle de simple hébergement. Il prévoit par ailleurs de créer dans le parc social des logements de transition et autorise les bailleurs sociaux à sous-louer des logements dans le privé.


25 associations, regroupées dans un collectif Pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans-abri et mal-logés, dénoncent une régression par rapport aux droits acquis par les précédentes lois, notamment la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998. Parmi les signataires, on compte le Secours catholique, Emmaüs, ATD Quart-Monde, la Croix-Rouge française, les Enfants de Don Quichotte, la Fédération de l’entraide protestante, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), la Fondation Abbé Pierre, France Terre d’Asile, les Restos du Coeur ou encore la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Un projet de loi indigne pour l’habitat indigne


Elles dénoncent les modalités autant que les principes régissant un avant-projet de loi qui fait la part belle aux bailleurs privés tout en marquant le retrait de l’État par rapport aux obligations de résultat qu’il s’était fixées. Non seulement ce projet ne marque pas une avancée dans les droits conférés aux personnes en matière de logement, mais il apparaît comme un recul par rapport aux droits acquis par les lois de 1990, 1998, 2000 et la loi DALO de 2007 qui, pourtant, désignait l’État comme "garant du droit au logement", déplorent les 25 associations dans un communiqué commun diffusé vendredi. Ces régressions sont visibles notamment dans les mesures qui concourent à l’accélération de l’expulsion, au développement d’un sous-logement pour les plus pauvres ainsi qu’à l’affaiblissement de l’obligation de construction de logements locatifs sociaux par les communes, est-il argumenté.


Pour les associations, cette loi permettra d’accroître le nombre des expulsions effectives, de développer une forme de "sous-droit au logement" en permettant la sous-location par les organismes HLM et d’affaiblir l’obligation faite aux communes par l’article 55 de la loi SRU de construire des logements locatifs sociaux. Très justement, Christine Boutin a montré sa volonté d’accentuer la répression de l’habitat insalubre : il y a 47 départements dans lesquels les préfets ont annoncé l’obligation de réaliser des travaux d’office. Alors que les derniers chiffres de la construction sont décevants, avec une baisse de 2,6% des mises en chantier et de 10,7% des permis de construire sur les 12 derniers mois, les associations estiment que le projet ne permettra en aucun cas de mettre fin à la crise du logement. En effet, accélérer les procédures d’expulsion en accentuant les mises en demeure d’effectuer les travaux de réhabilitation dans l’habitat locatif sont les deux volets d’une politique destinée à renforcer la précarité, voire la criminalité. C’est d’ailleurs dans ce contexte que la Maison de quartier des Courtillières à Pantin, d’où ont été expulsées mercredi 5 familles, a été la cible d’un incendie criminel dans la nuit de jeudi à vendredi.


Demandées par le bailleur afin de permettre la rénovation puis la réattribution de ces logements à des occupants en titre, l’expulsion a généré un climat de tension. Mercredi en fin d’après-midi, la police a délogé de force du bâtiment municipal plusieurs familles qui l’occupaient après avoir été expulsées le matin même des logements qu’elles occupaient illégalement à la cité des Courtillières, une cité en réhabilitation, propriété du bailleur HLM municipal. Depuis qu’elles en ont été délogées, 4 familles, dont une 15aine d’enfants, campent à quelques mètres de la Maison de quartier pour réclamer un relogement. Repéré dans la nuit par une patrouille de police, le feu s’est déclenché dans le local à poubelles situé à l’arrière du bâtiment et a été rapidement maîtrisé, n’occasionnant que des dégâts mineurs. De source policière, un bidon d’essence brûlé a été retrouvé sur les lieux. À Pantin, qui compte pourtant 37% de logements sociaux, 3.947 demandes sont encore en attente.

Un million de personnes touchées par la grâce


Bertrand Delanoë, qui lui a écrit jeudi une lettre ouverte en sa qualité de maire de Paris, constate que le parc d’hébergement parisien est aujourd’hui totalement saturé et n’est plus en mesure d’absorber les demandes de prise en charge émanant du 115 et des maraudes. Constatant qu’il a fallu plusieurs mois aux services de l’État, gestionnaires du dispositif d’urgence sociale pour proposer, à la demande de la Ville, une place d’hébergement à chaque personne installée sur le quai d’Austerlitz dans le XIIIème arrondissement, solution préalable et indispensable à la fermeture de ce campement, il déplore qu’au-delà des campements, le manque de places et la vétusté de certains centres dissuadent de nombreux sans-abri d’accepter de s’héberger, et que la concentration de personnes exilées en errance aux alentours de la gare de l’Est dans le Xème arrondissement, sans solution d’hébergement, génère une situation très critique et une tension croissante avec les riverains. Récapitulant les différentes initiatives de sa municipalité en faveur du relogement, il conclut que l’État s’était engagé à participer à ce type d’expérience et à les développer au niveau national, mais pour l’instant il semble qu’aucune mise en œuvre n’ait été engagée


Tous les acteurs sociaux s’accordent sur un point avec la ministre, on estime entre 400.000 et 600.000 le nombre de logements en France qui relèvent de cette législation, ça représente un million de personnes, a déclaré Christine Boutin. Le prix des logements anciens n’est plus seulement en train de ralentir, mais s’oriente bel et bien à la baisse. Dans son baromètre du mois de mai dernier, la Fédération nationale de l’Immobilier (FnAIM), qui réunit agents immobiliers, administrateurs de biens et syndics de copropriété, annonce un recul des prix des logements anciens de 1,3% dans une période où se sont effectuées de nombreuses transactions. Si la FnAIM précise que sur les 12 derniers mois, les prix des logements anciens progressent toujours de 1,7%, la tendance sur un an est orientée à la baisse en effectuant le calcul à partir de l’indice des prix des logements anciens publié.


Les prix continuent d’augmenter à Paris, mais moins fortement que par le passé. En banlieue, quelques baisses timides sont enregistrées au 1er trimestre 2008, selon les notaires d’Ile-de-France. Ils n’anticipent pas de franche baisse des prix pour la suite, mais pour les spécialistes, la baisse des prix de l’immobilier est inéluctable. La plupart d’entre eux parient sur un recul de 4% cette année et de 6% en 2009. L’investissement locatif porte de façon très majoritaire sur des appartements de taille limitée : studios, 2 et 3 pièces. Les programmes dédiés à l’investissement locatif sont presque toujours des immeubles collectifs. La part des maisons individuelles est inférieure à 20% de l’ensemble. En revanche, les prix des transactions ont globalement baissé de 10% dans le Nord-Pas de Calais, selon une étude parue dans l’édition dominicale de La Voix du Nord : les cours baissent et les taux bancaires, qui remontent, n’ont pas encore atteint leurs sommets.


Or, Les ménages les plus modestes ne sont pas en mesure d’accéder à la propriété, remarquent les associations qui fustigent le projet de loi de Christine Boutin. Ils vont de toute évidence constituer une variable d’ajustement pour soutenir les prix dans un secteur fondamental pour l’économie française et particulièrement déstabilisé par les conséquences de la crise des subprimes à l’été dernier. Tout comme il y avait lieu de s’inquiéter de la dégradation des recettes publicitaires à la télévision, l’État se fait un devoir de soutenir le marché de l’immobilier en misant sur la solidarité nationale. Nous sommes là pour ça.

 

 


Elle a vu la misère et n’a pas trouvé beaux
Le mur lépreux et le papier psychédélique,
Elle a trouvé ça mieux pour sa foi catholique
D’y faire un sort avant qu’on ait changé les baux.


Dehors, les gueux ! Trouvez dans nos procès-verbaux
Un bon logis qui vous convient… C’est angélique
De croire en Dieu pour mettre un terme à la colique
En délogeant les gens qui sont dans ces tombeaux.


La guerre est déclarée à ces vieux hôtels borgnes,
C’est l’habitat bourgeois vers lequel toi, tu lorgnes
Et ceux qui ont l’argent pour avoir leur maison.


S’il a son capital, le peuple est respectable
Et doit avoir un toit et un bout de gazon,
— Mais le petit Jésus est né dans une étable !