Eric Shanteau aux Jeux de Pékin avec un Cancer des Testicules

Eric Shanteau aux Jeux de Pékin avec un Cancer des Testicules

Le nageur américain Eric Shanteau, qualifié pour les Jeux Olympiques de Pékin, souffre d’un cancer des testicules, a révélé le New York Times. La nouvelle relance évidemment la polémique autour du dopage sportif, puisque la veille, alors que le peloton avait bouclé la première semaine de course à Aurillac, un premier cas a été révélé par l’organisation du Tour de France et concerne l’Espagnol Manuel Beltran. Le coureur, qui figure à la 26ème place du classement général, a été contrôlé positif à l’érythropoïétine (EPO) au soir de la première étape.

Apparemment sans rapport l’un avec l’autre, la natation et le cyclisme sont deux sports très proches en ce sens qu’ils demandent à leurs adeptes une longue préparation, d’excellentes qualités de souffle et beaucoup d’endurance. Trouver dans ces disciplines les mêmes problèmes et les mêmes produits n’est donc pas étonnant.


Quand on parle de cancer des testicules, on pense immédiatement à Lance Armstrong, mais le cas du septuple vainqueur du Tour de France n’est pas isolé, loin s’en faut ! Suspendu par la Fédération internationale pour dopage à l’hormone HCG, le Croate Marko Strahija affirme à la fin de l’année 2007 que l’hormone décelée, aux propriétés anabolisantes, a été produite par un cancer du testicule dont il souffre.


Le nageur, médaille d’argent aux Mondiaux dans la discipline de 200 mètres dos, a été opéré dans un hôpital à Zagreb. En 2003, Marko Strahija avait été déjà suspendu pour deux ans après la détection de la même hormone dans son organisme. Un nouveau contrôle urinaire positif, en novembre 2007, l’avait privé des Championnats d’Europe en petit bassin.


À ce jour, aucun lien direct n’a été établi scientifiquement entre le dopage et l’apparition d’un cancer des bourses. Selon une étude australienne, le dopage à la testostérone pourrait affaiblir les défenses immunitaires contre les infections, voire à long terme contre le cancer. Une analyse publiée en 2006 dans les colonnes de la revue scientifique Current Sports Medicine Reports met par ailleurs en évidence l’influence de la prise de stéroïdes sur l’apparition de cancers du foie, du rein et de la prostate. Il est aussi prouvé que le recours à la testostérone diminue la spermatogénèse et la taille des testicules…

Dopage et cancer vont souvent de pair


La testostérone, en cause dans le cas positif de l’Américain Floyd Landis au Tour de France, est l’un des produits couramment retrouvés dans les analyses des contrôles antidopage. Interdite par la réglementation depuis 1982, la testostérone est la principale hormone sexuelle mâle, un stéroïde du groupe des androgènes.


Secrétée par les testicules, elle agit sur nombre d’organes, le cerveau, le cœur, et exerce un effet anabolisant sur les muscles. Elle est prescrite par les médecins en cas d’insuffisance testiculaire. Déviée de son utilisation thérapeutique par les sportifs, elle a pour principale conséquence d’accroître la force et la puissance musculaire. La détection d’un taux trop important de testostérone dans les urines peut aussi être la résultante de la prise d’autres produits interdits. Mais dans ce cas, seule une analyse sanguine permet cependant de préciser la nature du dopage.


Greg Strock, ancien équipier de Lance Armstrong dans l’équipe américaine junior, accuse l’entraîneur national en 1990, Rene Wenzel, de lui avoir administré des produits interdits, notamment de la cortisone, et sans contrôle médical. Greg Strock affirme que la prise à long terme de cortisone est la cause d’un déficit immunitaire qui l’a conduit à arrêter sa carrière. Étudiant en médecine à l’université de l’Indiana, l’ancien coureur avait aussi déclaré lors d’une interview qu’il n’avait aucune raison de croire avoir subi un autre traitement que ses coéquipiers de l’époque. Il y voit également une relation directe avec la maladie d’Armstrong, sans citer le nom du champion cycliste : des études médicales ont prouvé que ce virus est en complète corrélation avec un cancer des testicules.


Erwann Menthéour, qui s’est fait le héraut de la lutte anti-dopage dans le cyclisme, est aussi explicite. Il explique qu’il a cessé de courir en 1997, après avoir vu un ami à l’hôpital, atteint d’un cancer des testicules : on était tous au courant ; dans ce sport, le dopage a été désacralisé, c’est devenu culturel. En prendre, c’est satisfaire aux exigences du métier. À 20 ans, si on m’avait dit "si tu bois un litre de gasoil, tu gagnes le Tour de France", j’en aurais bu deux pour en gagner deux !


Pour la communauté scientifique et médicale, la prise de stéroïdes anabolisants induit un hypogonadisme hypogonadotrope par suppression dose-dépendante des gonadotrophines hypothalamiques (GnRH) et hypophysaires (LH, FSH). Cliniquement, chez l’homme, cet hypogonadisme se traduit par une atrophie testiculaire avec gynécomastie, infertilité avec oligo- ou azoospermie et des modifications de la libido. Cet hypogonadisme hypogonadotrope est réversible après l’arrêt des stéroïdes anabolisants. Mais la restauration de l’activité de l’axe gonadotrope, la production de testostérone endogène et la spermatogenèse prennent généralement entre 3 et 12 mois. Chez la femme, les signes spécifiques sur l’axe gonadotrope en rapport avec la prise de stéroïdes anabolisants sont hirsutisme, pilosité faciale, raucité de la voix, hypertrophie clitoridienne, troubles du cycle avec oligoménorrhée ou aménorrhée, atrophie mammaire et calvitie de type masculine.

Les sportifs particulièrement exposés au cancer des testicules


On compte en France, chaque année, entre 1.500 et 2.000 cas de tumeurs germinales du testicule, soit à peine 1% des cancers. Il s’agit néanmoins du cancer le plus fréquent chez l’homme entre 15 et 35 ans. La cryptorchidie, ou l’absence d’un ou des deux testicules dans la bourse, est l’un des seuls facteurs de risque formellement identifié avec la diminution du volume testiculaire. L’origine géographique et ethnique, des anomalies génétiques, l’alimentation ou la pollution pourraient également avoir une influence.
Le rapport entre un cancer de la bourse et la prise de produits dopants est d’autant plus difficile à étudier qu’il s’agit d’une activité clandestine. Nous ne sommes probablement qu’à l’aube des révélations venant cette fois directement des athlètes sur les effets délétères post-prise prolongée d’hormones à doses pharmacologiques et à distance de cette prise (10 voire 20 ans plus tard). Les effets, selon les médecins, sont réversibles à court terme. En revanche, il apparaît que leur usage intensif et prolongé sur plusieurs années est particulièrement nuisible pour la santé (axe gonadotrope mais aussi autres axes endocriniens, système cardio-vasculaire)…


C’est pourquoi les athlètes sont d’autant plus touchés par cette affection. Niklas Axelsson (cyclisme) : contrôlé positif à l’EPO à l’occasion des championnats du monde 2001, le Suédois découvre cinq ans plus tard, à la suite d’une visite médicale de routine, qu’il souffre d’un cancer du testicule. Bobby Moore (football) : la légende du football anglais a contracté un cancer du testicule en 1964, 2 ans avant de soulever la Coupe du monde. Le secret ne fut révélé qu’après la retraite sportive du joueur, mort à 51 ans d’un… cancer. Arjen Robben (football) : transféré en 2004 du PSV Eindhoven au club anglais de Chelsea, le Néerlandais apprend cette année-là qu’il souffre d’un cancer des testicules, dont il a dû être opéré. Mais aussi… Pierre Dorez (triathlon), Mark James (golf), Bob Champion (équitation), Kevin Hall (voile), Michael Wilson (base-ball), Simon Parke (squash), Eric Peters (rugby), Alan Stubbs (football), Scott Hamilton (patinage), Phil Kessel (hockey sur glace)…


Tony Marsh (rugby) : déjà opéré d’une double pubalgie en novembre 2002, le Franco-Black se voit surtout diagnostiquer un cancer du testicule en mars 2003. Son ablation ne lui permettra jamais de revenir à son meilleur niveau clermontois… Steve Scott (athlétisme) : 2ème des championnats du monde d’Helsinki de 1983 sur 1.500 mètres (3’41’’87), l’Américain a contracté dix ans après un cancer de la bourse. Remis d’aplomb après une chimiothérapie, il est aujourd’hui l’un des meilleurs coureurs vétérans de son pays !

Le cancer n’est plus une fatalité chez les athlètes


À l’instar de Lance Armstrong, se sortir d’un tel cancer n’est pas rédhibitoire pour repartir du bon pied. De nombreux sportifs s’étonnent de retrouver d’anciens adversaires touchés par la maladie au meilleur de leur forme quelques années après un rétablissement qui paraît miraculeux. Sont mis en avant la perte de poids liée aux traitements et l’exacerbation de la volonté… Le coureur américain a été victime d’un cancer des testicules en 1996 avec des métastases aux poumons et au cerveau. Il avait subi de ce fait de nombreuses interventions : ablation d’un testicule, opération intracrânienne, et s’était soumis à 4 traitements de trois semaines de chimiothérapie. Par le passé, il est déjà arrivé qu’une thérapeutique démontre des effets bénéfiques inattendus sur la performance. D’un autre côté, il se pourrait tout aussi bien que l’épisode de la maladie ne l’ait simplement transformé sur le plan morphologique avec une perte du poids estimée à 8 kilos, ce qui lui aurait permis par la suite d’asseoir sa formidable suprématie dans des épreuves à étapes alors qu’auparavant il brillait plutôt dans les courses d’un jour. On possède toutefois d’autres exemples de champions qui eux aussi ont pu surmonter la maladie et renouer avec le fil interrompu de leur carrière.


Il peut sembler incroyable que le nageur américain Eric Shanteau ait décidé de tenter sa chance aux essais américains plutôt que de subir immédiatement une chirurgie afin de retirer les tissus cancéreux. Mais les médecins ont jugé que le cancer était circonscrit et qu’il pouvait prendre part à la compétition sans danger. À Omaha, il a profité d’un passage à vide du favori Brendan Hansen, ancien recordman du monde sur la distance, pour obtenir son laissez-passer pour Pékin, terminant deuxième de l’épreuve de qualification, derrière Scott Spann. Ses chances de médaille sont faibles, mais sa seule participation aux Jeux relève déjà de l’exploit. Je veux tellement nager, a dit Eric Shanteau à l’Associated Press. Je sais ce que je risque… mais c’est essentiellement une plus longue convalescence. Après les Jeux Olympiques, j’aurai tout le temps du monde. C’est pour ça que la décision n’a pas été trop difficile à prendre.


Il semble en tout cas que les performances requises pour briller au plus haut niveau soient au-dessus des forces humaines. Les efforts déployés par les participants au Tour de France et la pluie de scandales qui, chaque année, les éclabousse, invite à poser la question. Alors qu’un coureur est déjà convaincu de dopage à la fin de la 1ère étape, il convient en général d’attendre la montagne pour s’apercevoir de l’ampleur du phénomène. L’Italien Leonardo Piepoli a remporté la dixième étape du Tour de France sur les hauteurs de Hautacam, succédant ainsi à Javier Otxoa en 2000, contrôlé positif l’année précédente, Bjarne Riis en 1996, qui avait ridiculisé ses adversaires ce jour-là dans un Tour qu’il allait remporter en reconnaissant plus tard s’être dopé, et Luc Leblanc en 1994, qui a lui aussi reconnu avoir eu recours aux produits illicites cette année où il a également été sacré champion du monde !


La Chine, dont la suspicion de dopage avait été très forte dans les années 1990, a également été prise dans la tourmente de la rumeur en 2005. Pas pour ses nageurs, mais en raison de l’embauche de l’entraîneur de l’Allemagne de l’Est Helge Pfeifer pour aider à sa préparation en vue de ses jeux à Pékin. Helge Pfeifer avait fui son pays en 1996 lors d’une série de mises en examen pour dopage concernant des nageuses de la RDA dans les années 1980. Pour cette période, la nageuse Britannique Sharon Davies a d’ailleurs demandé une révision des résultats olympiques. C’est pourquoi le cancer d’Eric Shanteau pourrait être bien plus banal qu’il n’y paraît !

 

 


Ces jeux n’ont plus de sens et sont une industrie
Où le prix de l’effort fourni n’a pas plus cours
Que la plus belle idée au début d’un discours :
L’humanité demeure aux yeux des gens flétrie…


La science est juste un bras armé pour la patrie,
Elle offre au bel athlète un terme à son parcours,
Mais ses potions ne sont pour lui d’aucun secours
Quand la médaille au cou, sa nature est meurtrie !


La clinique est au bout du meilleur score atteint
Sauf qu’un public blasé se fie à son instinct :
L’extase aussi s’arrête au lit du grand malade.


Souffrir pour l’or qu’il gagne ou pour l’enfer venu
L’attendre après l’avoir servi dans l’escalade ?
Pour un coût moindre, il faut plutôt trotter menu.