L’hyménoplastie suscite l’inquiétude des médecins spécialistes

En Algérie, il semble qu’un tabou commence à être rompu sur le sujet de la reconstruction hyménale. En effet, l’hyménoplastie, opération qui permet la reconstruction naturelle de l’hymen sans traces visibles, suscite un véritable débat dans notre pays et alimente sans cesse les discussions et les polémiques les plus animées. Aujourd’hui, rien que dans les environs de la Capitale, nombreuses sont les cliniques de chirurgie esthétiques qui accomplissent ce genre d’opérations sous le volet « chirurgie intime ».

Cependant, les médecins spécialistes montent au créneau pour signaler que ces interventions, qui connaît une expansion sans précédent en Algérie, se réalisent souvent dans une totale clandestinité eu égard au contexte social conservateur, à la valeur accordée à la virginité et au tabou qui entoure toujours la sexualité dans notre société.

Ainsi, à ce sujet le conseil de déontologie médicale s’est réuni récemment à Ouargla autour de la question de la réalisation des interventions de reconstitution de l’hymen dans la clandestinité et les risques sanitaires menaçant la santé de la femme.


Clandestinité, gare au danger !

A cet effet, le docteur Mustapha Caseb chargé de communication auprès du conseil de déontologie médicale et chef du service de la médecine légale de Ouargla a indiqué que les conseils régionaux des Wilayas ont reçus récemment des dizaines de réclamations portant sur des cas d’hémorragie sévères suite à des opérations de réfection de l’hymen opérées en toute clandestinité dans des cliniques et des cabinets privés. Par ailleurs, la tranche de société qui recourt fréquemment à ce type d’intervention, relève le médecin, sont les femmes victimes de viol.

S’exprimant sur le danger de l’intervention clandestine, le spécialiste met en garde contre les méfaits de « l’utilisation inexperte du laser dans les cliniques privées en vue de recoudre l’hymen ». Sur un autre chapitre, M. Caseb affirme « que le code de la déontologie médicale ne contient aucun texte interdisant aux médecins de réaliser ce type d’interventions ». Plus loin, il ajoute que « l’anonymat doit être conservée sur le déroulement de ces opérations étant donné le tabou qui entoure le sujet jusqu’à aujourd’hui ».

D’autre part, M. Caseb a certifié que « le phénomène de la reconstruction de l’hymen chez les femmes victimes de viol n’est pas spécifiques aux grandes villes » du fait que ces cas sont enregistrés dans les autres Wilayas du pays. Il souligne, à ce titre, que « les services de médecine légale d’Ouargla enregistrent annuellement près de 25 opérations de reconstruction de l’hymen dont font l’objet des filles victimes de viol. »

Sur un autre plan, M. Caseb explique également que « les femmes victimes de viol ont le droit de subir une hyménoplastie pour réparer le mal psychologique engendré par le viol, d’autant que la virginité, précise-t-il, reste une valeur sine qua none de l’honneur. La perdre c’est vraiment ternir son blason ».

L’hyménoplastie est légale

Sur ce volet, le professeur a dévoilé l’intention du conseil médical d’organiser une rencontre de sensibilisation, programmée pour l’année en cours, portant sur la légitimité des interventions d’hyménoplastie dans les cas de viol, le danger du recours clandestin, et la déontologie du recours aux techniques scientifiques modernes dans ces opérations.

De son côté, le président de l’association nationale des sciences de la médecine légale et directeur du service Mustapha Bacha, le professeur Madjid Besaha met en relief l’importance des interventions d’hyménoplastie dans le cas des filles victimes de viol, affirmant que « recouvrer l’hymen pour ces dernières est synonyme de se protéger contre un scandale certain ». Il indique en outre que l’espoir des abusées de retrouver leur virginité les dissuade souvent de poursuivre en justice leur agresseur afin de couvrir leur dignité.

Une intervention coûte près de 30 000DA

Force est par ailleurs de constater que la majorité des femmes en Algérie qui se lancent dans une réfection d’hymen craignent que l’absence de sang lors de la nuit de noces ne trahisse leur passé sexuel. A cet égard, le Docteut Youcef, un spécialiste en chirurgie plastique dans un hôpital public, nous confie son expérience. Pour ce dernier, les médecins passent sous silence ce type d’interventions jugées tabou dans notre contexte social « conservateur » pour protéger la femme avant tout, car aucun texte dans la déontologie médical ne prohibe l’hyménoplastie. Néanmoins, le Dr Youcef, qui a opéré bon nombre de jeunes femmes ayant perdu leur virginité, dans son propre cabinet qu’il partage avec son épouse généraliste, certifie que l’opération de réfection de l’hymen, dont la demande serait en hausse notamment en cette période estivale propice au mariage, peut coûter plusieurs milliers de dinars. « Un vrai business pour les praticiens », reconnaît notre interlocuteur.

A ce propos, le praticien indique qu’une intervention coûte près de 30 000DA, soit un tarif similaire à celui proposé par les cliniques de chirurgie esthétique en Tunisie ou en France, à savoir 2500 à 3000 euro.

Un autre spécialiste, exerçant dans la banlieue d’Alger a bien voulu, sous couvert d’anonymat, nous révéler qu’il a fait subir, pendant l’année en cours, pas moins de 28 interventions d’hyménoplastie à des jeunes filles non vierges qui s’apprêtaient à se marier. C’est dire enfin qu’en Algérie, la société mesure toujours la vertu d’une femme à sa virginité.

Préserver son hymen pour ne pas « passer pour une p… »

Ouarda est une jeune fille âgée de 24 ans. Il y a quelques temps, elle s’est lancée dans une quête périlleuse. Elle cherchait absolument à retrouver son hymen pour ne pas passer pour une « pute » devant sa famille et l’homme de sa vie. Cette jeune fille ne cache pourtant rien de son passé sexuel. Jeune femme belle, au corps élancé, au teint brun, à la peau soyeuse et au sourire ensorcelant, Ouarda est de ce joli brin de fille qui ne risque jamais de passer inaperçu. Depuis son adolescence, elle attire les regards des hommes, suscite leur convoitise. Tout au long de sa vie, son jeu favori était la séduction. Son ambition la plus nourrie : enrouler un homme, le manipuler, mettre la main sur son portefeuille en faisant commerce de ses charmes et des faveurs. Seulement, Ouarda a perdu sa virginité depuis belle lurette. Aujourd’hui, manifestant son ras-le-bol d’une vie de « prostituée », comme elle se qualifie, et aspirant enfin à la vie d’une femme ordinaire, elle a accepté la demande en mariage d’un homme nettement plus âgé, mais friqué. Un jour, elle se dirige, à pas rapides, vers le cabinet du gynécologue, réputé pour « ses compétences » dans les interventions de reconstruction de l’hymen. En une demi-heure Ouarda débourse pas moins de 45000 DA et retrouve sa virginité. « Comme ça, je peux me marier et avoir la tête haute. Mon mari sera convaincu qu’il est le premier homme à me toucher. Tout le monde sera content et satisfait », rétorque-t-elle, affichant un air de satisfaction.

Chaque jeune fille exposée à une situation pareille trimbale avec elle une histoire et un parcours atypique. Toutefois, la caractéristique commune à toutes ces filles est la détresse que la perte de la virginité leur procure. Le déshonneur qui risque d’atteindre la famille pèse énormément sur leur conscience. « Pour ne pas compromettre sa réputation et ne pas être considérée comme une « pute », la femme n’a pas le choix », nous révèle encore une autre jeune fille qui s’est fait récemment opérer pour « redevenir » une algérienne comme les autres.

Il faut dire que la position de nombreuses de nos jeunes filles est loin d’être enviable. Et pour cause, prises en étau entre la tradition et leur aspiration à une émancipation sociale, ces jeunes femmes culpabilisent d’avoir cédé à l’appel de la chair et s’interrogent sur leur avenir. Car il se peut que l’élu de leur coeur recherche une femme vierge, même s’il est sexuellement expérimenté. Résultat, celles qui sont déflorées vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. D’autant plus qu’elles ne veulent pas décevoir leur famille et leur belle-famille ou provoquer un scandale.

Dans les faits, les choses se passent parfois différemment et, s’il tend à reculer, le rituel du drap taché de sang lors de la nuit de noces n’est pas enterré. Par endroits, on trouverait même encore des matrones qui passent les mains entre les jambes de la jeune bru pour s’assurer qu’elle a bien saigné…

Dans un pareil contexte, recoudre son hymen pour « retrouver son honneur perdu » est aujourd’hui une intervention de plus en plus répandue dans notre pays. Pour les spécialistes en chirurgie plastique, la tendance risque bien de se maintenir en hausse dans l’avenir le plus proche comme le plus loitain.