Pénurie de médicaments en Algérie : les cancéreux crient au désarroi

Pénurie de médicaments en Algérie : les cancéreux crient au désarroi

Le cancer est un véritable problème de santé publique en Algérie. Et pour cause, environ 30.000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année dans notre pays, soit une augmentation de 50% du nombre de cas entre 1986 et 2000. Ceci est dû principalement, notent les experts, à l’augmentation de l’espérance de vie, à la transformation de l’environnement et aux changements de mode de vie.

La mortalité par cancer, par ailleurs, reste toujours élevée, car le diagnostic est souvent tardif et la prise en charge est difficile et coûteuse.

Cependant, au cours de ces derniers mois, les cancéreux algériens lancent un véritable cri de détresse. Manque de structures sanitaires, coût exorbitant de certains médicaments, rupture de stock et pénurie d’autres produits anti-cancer, conditions sociales précaires sont autant de problèmes face auxquels sont confrontés au quotidien les malades atteints de cancer dans notre pays.

« Nous sommes submergés par le cri de détresse des malades »

A ce sujet, Mme Rabhi, présidente de l’association El Fedjr d’aide aux personnes cancéreuses dresse un tableau très sombre de la situation des cancéreux en Algérie. « Nous sommes submergés par les cris de détresse des malades », nous confie-t-elle tout de go. Notre interlocutrice, s’exprimant sur les conditions de l’accompagnement médical des cancéreux en Algérie, relève un manque criant en matière de prise en charge et met l’accent sur l’aide efficace que de nombreuses associations assurent aux nombre croissant de cancéreux qui viennent notamment des Wilayas de l’intérieur pour se soigner au niveau de la grande structure anti-cancer d’Alger, à savoir le service de CPMC au CHU Mustapha Bacha.

A cet effet, Mme Rabhi, affirme que son association a porté assistance depuis le début de l’année 2008 à près de 704 malades provenant des régions de l’intérieur, subsistant tous dans des conditions de vie très précaires. « L’année dernière, indique-t-elle, 1107 malades ont été pris en charge médicalement et socialement par l’association El Fedjr ». Mme Rabhi souligne plus loin que « tous les cancéreux qui s’adressent à l’association sont chômeurs, non couvert par la sécurité sociale et sans ressources ».

Sur un autre chapitre, la présidente de l’association El Fedjr porte haut et fort l’appel à l’aide des personnes souffrant de maladies cancéreuses qui subissent de plein fouet depuis des mois déjà une pénurie de médicament antidouleur dont le Temgesic. « Une pénurie qui les pénalise et complique leur état de santé déjà très fragile. », souligne à ce propos Mme Rabhi.

Grave pénurie des médicaments

Il est à indiquer que le Temgesic, médicament antidouleur indispensable pour calmer les maux des cancéreux fait défaut en Algérie et ce, depuis le mois de décembre.

Il faut savoir aussi, selon une source médicale, que mis à part le « Mabthera » et le « Herceptin », disponibles selon les besoins, les autres produits tels que le « Xeloda », « la Mitomicyne » et « la Vincristine » sont en « rupture de stocks depuis deux mois environ ».

Ces produits servant, entre autres, pour « la chimiothérapie, la leucémie hématoclinique », précise-t-on, sont commandés par les CHU à « la pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) d’Alger ». Néanmoins, ces commandes ne sont pas honorées à 100 %, souligne-t-on dans les milieux médicaux.

« Des fois, ajoute-t-on, nous limitons certaines commandes, à l’instar de la Mitomicyne, car le délai de la péremption est proche », explique encore un médecin spécialiste. Par ailleurs, ces traitements sont utilisés, précise-t-on, par les services d’oncologie, d’hématoclinique et d’urologie. S’agissant du « Tamgesic », un médicament anti-douleur, sa rupture remonte à « plus d’une année », indique une source médicale bien au fait de ce dossier.

Pour un médecin du service d’urologie, « l’Immucyste », un anti-cancer pour les tumeurs de vessie superficielle, n’est pas disponible. « Devant sa cherté, les malades ne peuvent l’acquérir, d’où les fréquentes récidives », a-t-il souligné, avant d’indiquer que ces produits sont distribués uniquement par la PCH d’Alger et ses antennes.

Cette situation explique, relève Mme Rabhi, le flux quotidien dans les bureaux des associations caritatives des patients souffrants de douleurs terribles en l’absence des médicaments anti-cancer. Notre interlocutrice ajoute également que l’état de santé de ces derniers est très critique du fait que le Tamgesic n’est plus disponible au niveau des pharmacies. Il faut dire que ce médicament représente leur seul remède contre la douleur insupportable du cancer.

Manque criant de structures anti-cancer

En dernier lieu, notre interlocutrice met en relief le manque criant de structure anti-cancer sur le territoire nationale. Il faut savoir à ce titre qu’il n’existe en Algérie que quatre grandes structures de prise en charge des cancéreux à savoir le centre anti-cancer d’Alger, d’Oran, de Blida et de Constantine. Ces structures, au niveau desquelles la radiothérapie et la chimiothérapie sont assurées aux patients, seraient, indiquent de nombreuses sources médicales, incapables de prendre en charge le nombre constamment croissant des cancéreux.

Par ailleurs, face à la situation dramatique des cancéreux en Algérie, Mme Rabhi met en exergue le manque de moyens matériels et de ressources humaines au niveau des petites structures existantes dans les quelques régions à l’intérieur du pays et qui ne peuvent, souligne-t-elle, aucunement répondre à la demande des malades vu le manque de moyen et l’absence surtout de service de radiothérapie. Pour remédier à cette situation, les médecins spécialistes et les militants associatifs engagés dans la lutte contre le cancer appellent en urgence à l’ouverture de grands centres sanitaires anti-cancer dans les grandes Wilayas et ce, afin d’épargner au malade le pénible et coûteux trajet ainsi qu’à la prise en charge sociale du malade au niveau de l’hôpital. Mais en attendant un sursaut de la part de l’Etat, les cancéreux algériens demeurent, face à leur mal être, livrés à eux-mêmes…