Lettre ouverte ("Pollen" dans la tourmente à Radiofrance)

Lettre ouverte ("Pollen" dans la tourmente à Radiofrance)

Vous avez probablement remarqué, lectrices et lecteurs fidèles (ou infidèles, mais ne persévérez pas) que ce mag web a des penchants affirmés pour l’expression artistique musicale, option chanson à dominante francophone.
Ce préambule explique pourquoi nous sommes attentifs aux actions-chanson des différents médias. Avec une attention particulière aux médias institutionnels qui œuvrent pour en montrer toutes les facettes, pas seulement les stars et néo stars qui squattent les sommets des hit top.

La plupart des artistes qui ont marqué la chanson ont commencé « petits » dans des petits lieux, dans des spectacles en première partie, scènes parfois confidentielles et années d’apprentissage ... (sauf Gérard Manset qui n’a jamais fait de scène et Hallyday qui est né idole des jeunes) Et tous ces artistes ont arpenté les sentiers de la création en attendant les autoroutes du succès. Mais au début du sentier, il faut des Canetti, Monique Le Marcis, Max Amphoux, Claude Dejacques et quelques autres relais indispensables pour que les voix qui chantent vous arrivent dans l’oreille. Pour que les artistes « en développement » puissent se développer autrement qu’en culture intensive tendance poulet dopé aux hormones... Un des acteurs majeurs de la promotion de la chanson, depuis 40 ans, pas au sens marchandisage, mais au sens découverte de nouveaux talents, une des voix historiques de France Inter, c’est Jean-Louis Foulquier. France Inter doit beaucoup à ces fous de radio que sont José Artur (et pas Arthur, s’il vous plait) Claude Villers, Pierre Bouteiller, Jacques Chancel, Jean-Christophe Averty, Kriss, Mermet.... et à ces génies de la technique radio, dont l’archétype est Yann Paranthoën, des créateurs de sons de génie, le mot est souvent galvaudé, mais là, il prend tout son sens.

Aujourd’hui, en ce début d’été 2008, la direction de France Inter vire l’émission Pollen de la grille de rentrée (on vire Foulquier, et aussi l’émission) avec pour raisons : la nécessité de diversifier les programmes. Sous-entendu, Pollen est une émission de vieux.... j’en conclus qu’on est vieux à 30-40 ans, car je suis toujours épaté de constater le mélange de générations des publics de Pollen. Publics de très jeunes, de moins jeunes, et de seniors, qui découvrent dans une même soirée Thomas Dutronc, Kwal, Tiken Jah Fakoly, ou Juliette, Baloji, Daniel Fernandez...

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Je vous mets les sous-titres, pour les noms peu connus : Kwal, c’est du slam musical avec un trio à cordes, Baloji, un belge congolais, Tiken Jah Fakoly, un ivoirien aux textes puissants... Et les d’jeuns de Tremblay venus applaudir Baloji, s’emballent avec les délires de Juliette, et les moins jeunes qui viennent pour Thomas Dutronc à Nanterre, font un triomphe à Kwal... Et ces soirées se passent dans ces banlieues qu’on dépeint toujours comme des territoires sauvages sans foi ni loi. Dans des salles remarquables de confort d’écoute et de confort tout court. Durant ces années, je n’ai pas assisté à toutes les émissions publiques, mais je suis allé plusieurs fois à Nanterre, Clichy-sous-Bois, Le Blanc-Mesnil, Tremblay en France, jamais un incident, jamais un quelconque souci de sécurité, même quand il faut prendre le RER à des minuits passés.

Alors, je me demande bien quels motifs inspirent les autorités des programmes en décrétant que Pollen, c’est de la chanson de vieux... Si ces théoriciens de la programmation écoutaient la radio (on ne leur demande même pas d’aller assister à un concert Pollen en banlieue, quelle horreur, il faut être intrépide, irresponsable, inconscient, pour aller à Tremblay écouter Juliette Nouredine ou Marie Cherrier à Nanterre, une vieille de 22 ans et demi...) s’ils écoutaient la radio, messieurs les chefs des programmes éviteraient ce genre de bourde, insultante pour les auditeurs et spectateurs qui ne peuvent se reconnaître dans cette cornichonnerie majuscule. Dire que Pollen n’est pas diversifié, j’aimerais qu’on me précise le sens de diversifié.

Qu’on mette à la retraite les vieillards de 65 ans, ça peut se défendre, mais en l’occurrence, les raisons avancées seraient "un manque de diversité des programmes Pollen, et un public vieillissant". Dans cette logique, il faut bannir de l’antenne Aznavour, Anne Sylvestre, Juliette Gréco, Higelin, Brigitte Fontaine, Moustaki, Hallyday, out of limit, les écrivains, les musiciens, les comédiens de plus de 65 ans, place aux jeunes ! Et les comédiennes de plus de 40 ans, des vieilles selon Stevie... Et Jeannie Longo qui s’obstine à remporter des titres de championne de France à 49 ans, mais ils ne respectent rien ces vieux ! Quant à Albert Jacquard, Hubert Reeves, Théodore Monod, Alain Rey, et autres savants de quatre fois 20 ans, c’est un scandale de les voir ou les entendre sur des antennes nationales soucieuses de rajeunir les cadres.
(Les cadres, c’est surtout l’intérieur du cadre qui est l’important, il me semble ??)

Diversité, dites-vous ? Mais Ray Léma, Touré Kunda, Cesaria Evora, Youssou N’Dour, Idir, Dee Dee Bridgewater, Cheb Khaled, Rachid Taha, Richard Desjardins , Pierre Akedengue, Doudou N’Diaye Rose, Rachid Taha, ça fait plus de 20 ans qu’on les entend dans Pollen, Abd al Malik, il était invité bien avant d’être récompensé par les instances du show biz... Claire Diterzi, elle était dans Forguette Mi-Note, et dans Pollen, il y a bien quinze ans , et les Voleurs de Poules qui ont pas mal tourné avec Pollen, étaient drivés par un certain Stéphane Sansévérino, Olivia Ruiz, avant de s’enfuir de la StarAc, c’est au pied des scènes des Francofolies de la Rochelle qu’on pouvait la trouver en 2000/2001..
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Je ne vais pas vous faire l’inventaire, c’est pratiquement tout le gotha de la chanson qui est passé dans Pollen, et ces artistes étaient invités au début de leur parcours, pas en venant au secours du succès. Bien sûr, il n’y a pas eu beaucoup de produits labélisés Nouvelle StarAc, on ne peut pas tout faire, heureusement...

Alors bon, qu’on vire Foulquier pour âge limite, comme Philippe Carles et Alain Gerber sur France Culture, un des plus émérites chantres de tous les jazz, l’âge ne fait rien à l’affaire, comme disent les politiciens octogénaires...

Alain Gerber présente plusieurs émissions, histoire et histoires du jazz, écrivain de talent, il sait faire chanter le jazz dans les mots ; il a presque failli me faire faire aimer le be-bop, comme TiMal, le magazine musical qui suit Pollen m’a parfois convaincu du talent de certains rappeurs,
Que leurs émissions soient supprimées sur le simple fait de l’âge de leur créateur, je prends ça comme une offense personnelle, ça veut dire que cette diversité culturelle que j’aime retrouver n’est pas la bonne diversité, ça veut dire que ces publics de banlieue, ces prétendues crapules multiraciales avec qui je partage des moments de musique extraordinaires, ne sont pas les bonnes fréquentations ( ou alors c’est Pollen qui a une bonne influence sur eux ?)

Mais je vous le dis tout net, le jour où une émission publique-concert se fera à Neuilly, avec Doc Gynéco, Faudel et Hallyday, je ne suis pas sûr du tout de faire le voyage, pour cause d’incompatibilité génétique. Sauf si on glisse Bernie Bonvoisin en résurgence d’Antisocial...
Et Enrico Macias quand il chante, et qu’il parle de fraternité...
Norbert Gabriel

Concrètement, que pouvons-nous faire ?

des cartes, des lettres à :

La direction de France Inter, 116 av Pt Kennedy 75016 Paris,

@ Ou des mails : dans ce cas voici une adresse pour donner votre avis sur la question de la suppression
de Pollen :
courriel : cat.folies@wanadoo.fr
auditeurs.inter@radiofrance.com


Post-scriptum : depuis quelques mois, il semble que la nouvelle mode de gouvernance s’apparente à la pose de banderilles, ces piques plantées sur l’échine du taureau, qui finissent par le fatiguer après un sursaut initial. Ainsi toutes ces mesures de réformes qu’on retire aussitôt quand la bête réagit trop fort, ainsi la pantalonnade de la vraie fausse commission de l’audiovisuel, dont les propositions sont ignorées par un diktat présidentiel, ainsi le décalage des programmations radio, liées à l’existence d’artefacts produits par les labels majors, alors qu’il y a un formidable développement de la communication par Internet, où chaque artiste peut être présent par un MySpace, que son disque soit produit ou autoproduit, il est visible, et en écoute. A cet effet, pour revenir à la diversification et à l’ouverture musicale, par quelle aberration France Inter a supprimé TTC, il y a 2 ou 3 ans, la seule émission ouverte aux artistes autoproduits ? Tous Talents Confondus, on est pile poil dans l’essence du service public, mais le service public en général est en train de se faire karchériser dans une sorte d’indifférence passive. Aux actes, citoyens, c’est le moment de mettre un post scriptum à vos bulletins de vote.

PS 2 : la plupart des gens de radio qui font les émissions sont « producteurs-délégués » avec un statut de cachetier, c’est-à-dire payés au jour le jour, et éjectables de même. Statut semblable aux intermittents, sans limite d’âge. Le producteur-délégué est co-responsable sur le plan judiciaire du contenu des émissions, mais il n’est pas propriétaire de l’émission.