Deyrolle aura un avenir !

Deyrolle aura un avenir !

Le 1er février 2008, à cinq heures de matin, au 46 rue du Bac, à Paris, un terrible incendie ravagea la maison Deyrolle. Une fournaise d’une rare intensité avala de ses flammes gigantesques ce lieu emblématique, témoin de l’évolution du monde. Disparues les exceptionnelles collections naturalistes : animaux empaillés, collections entomologiques, séries de planches imprimées … Adieu cabinet de curiosité où le lion et l’ours cohabitaient sur le chemin de la connaissance et du savoir.

Mais les hommes n’ont jamais baissé les bras face au destin, fut-il cruel et inattendu. Passé le premier choc émotionnel qui laissait les bras ballants badauds et commères palabrer sans fin sur la fin d’un savoir-faire signé Deyrolle, à ce jour deux fois séculaires, et appréciés des plus grands collectionneurs comme des visiteurs occasionnels de ce lieu mythique, il fallait, au contraire, remonter ses manches, et c’est ce qui fut fait ! La reconstruction a commencé, l’énergie des uns a rencontré la passion des autres. Et parmi eux, s’est glissé l’écrivain Pierre Assouline qui a eu l’idée de cet hommage à l’une des grandes maisons de notre patrimoine national et dont la renaissance prochaine, tel le phénix, parviendra derechef à contenter nos imaginaires et notre soif de savoir …

Car le feu n’a pas tué, comme nous la rappelle Louis Albert de Broglie dès la première page, le feu a transcendé, glorifié, sublimé les âmes immortelles. En effet, depuis 1831 cet hôtel de Samuel Bernard abrite une galerie de l’Evolution qui était hors du monde, jardin poétique suspendu au-dessus de la fureur jusqu’à ce que les flammes en décident autrement … Les décorations d’Oudry, Van Loo et Restout s’évaporèrent par la chaleur et furent noyées par les déferlantes que les pompiers réservèrent à ce brasier indécent. L’incendie couronna ainsi trois siècles de réaménagements, déplacements, destructions et lotissements. Il fallut déjà un miracle pour que l’immeuble ne fut pas entièrement réduit en cendres. C’était écrit. Ici demeurera Deyrolle : d’ailleurs ses archives furent épargnées. La mémoire allait donc survivre.

Et que dire de ces animaux déjà immobiles mais alertes, eux aussi surpris dans leur sommeil éternel par la panique du feu naissant. Jamais ils ne parurent aussi vivants qu’en étant calcinés, carbonisés, torturés par la chaleur : ces regards apeurés, non pas vitreux mais bien en alertes, hanteront longtemps ceux qui eurent la chance de pouvoir pénétrer le site après l’effroi. On y ressent la beauté du crime, la splendeur de la souffrance dans l’épouvante imaginée dans ce cauchemar qui perturbe les hommes depuis la nuit des temps : oui, il s’est passé quelque chose ici, quelque chose d’unique qui ressemble à l’apocalypse et qui se rapproche des ténèbres si redoutées …

L’emblème de la maison Deyrolle c’est ce cheval qui les fils Deyrolle exposaient fièrement sur le trottoir, devant les portes de la galerie. Les visiteurs le saluaient comme s’il était vivant. Mais ne l’était-il pas ?
Deyrolle est l’un des derniers cabinets de curiosités de Paris, né en 1831 avec l’essor des sciences naturelles. Le nom fut bien connu des instituteurs et écoliers de France car à côté du tableau noir des classes de la IIIe République, il était courant de voir accrochée une planche pédagogique éditée par Deyrolle.
Ces planches ne sont plus seulement des reliques d’un passé lointain car, Louis Albert de Brogli, prince jardinier et nouveau maître des lieux, a décidé de les remettre au goût du jour. Les problématiques scientifiques du XXIe siècle naissant, comme la protection de la nature ou le développement durable, ont désormais leurs planches …

Encore quelques mois de patience pour que le petit musée de rêve puisse recouvrer tout son lustre ; en attendant, ce livret aux photographies de Bettina Rheims, Marc Dantan et Sandrine de Nicolay devrait faire patienter les plus fébriles et initier ceux qui ignoraient l’existence de cette maison des merveilles.

Deyrolle pour l’avenir, Préface de Pierre Assouline, avec la contribution de François Becker, Blaise Mao et Thomas Saintourens, 120 x 165, couverture couleurs à rabats, Gallimard, juin 2008, 48 p. – 15,00 €