Sala de Espera, la porte de l’espoir

<i>Sala de Espera</i>, la porte de l'espoir

Des voyageurs pris sur le vif. A un instant décisif de leur vie. Gare d’Hendaye. Suspendus au-dessus du vide. Revenir sur ses pas est impossible. Mais la terre promise est encore loin … Les images prises par Gabril Martinez vers 1969 impriment pour toujours un morceau d’histoire. Celle du Portugal et de ses habitants. Ce livre est donc aussi un document informatif. Toutes ces personnes photographiées, qui sont-elles ? Que sont-elles devenues ? Personne n’en sait rien. Elles acceptèrent de se laisser photographier dans l’attente infinie d’un visa. Elles sont désormais le symbole de plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants qui furent poussés à l’exil. Par la misère et la dictature d’alors …

Ces photographies en noir & blanc forment des carrés de douceur. Marquent l’évidente empathie envers ce qui est représenté. Offrent la complicité visible de ceux qui s’amusent de la présence du photographe. Nous plongeons en arrière. En contemplant ces clichés nous sommes dans le temps de la photographie dominante. Triomphante et seul mode de représentation témoignant d’une situation pour en rendre compte et la donner à connaître. C’était bien ce temps-là, avant le temps de l’image et des imageries …

Nous sommes à la gare. Le temps s’étire. La lumière tourne. Les stries dessinent sur le chaotique amoncellement de paquets liés à la mauvaise ficelle des jets de feu. Les souvenirs semblent pouvoir tenir dans une valise.
Les photos de Gabriel Martinez sont un regard sur des fragments de vie. Ces gens sont en transit. Entourés de valises en carton. De sacs et de bombonnes. Ils sont magnifiques dans ces dégradés de gris. Ils incarnent l’immigration portugaise avec élégance.
Prises avec une grande pudeur, ces photos montrent des visages. Des corps marqués par la fatigue. A cette époque la voyage en train dans le fameux "Sud express" qui reliait Lisbonne à Paris, était une terrible épreuve … Ces belles photos sont des traces de la mémoire de ce que fut l’immigration lusitanienne en France. La magie de la photo permet de fixer des images. Et de réveiller en nous des souvenirs de moments qui resteront pour toujours gravés dans nos mémoires. Elle illustre la noblesse de ce peuple fier d’une grande histoire. En valorisant ces photos, en mettant en scène des fragments de vie, nous rendons hommage aux travailleurs portugais.
Rendre visible leurs moments passés à la garde d’Hendaye, c’est un retour en images sur une époque. C’est également faire un certain parallèle avec l’actualité de l’immigration. Mais les temps ont changé. Aujourd’hui nous érigeons des murs de barbelés indignes de peuples civilisés …

Alors que Gabriel Martinez a su voir la beauté dans le regard de ceux qui transitaient, alors entre deux vies. Un hier qu’ils venaient de perdre. Un demain virtuel. Alors il a pris des photos qu’il a oubliées pendant quarante ans. Et qui aujourd’hui redonnent tout leur sel. Qui portent en elles le rêve, la fatigue, la solidarité. Et les enfants. Oui, les enfants qui jouent comme partout. Et tout le temps. Les enfants pour qui souvent on avait fait ce long voyage. Parce qu’il fallait leur assurer un avenir. Fût-ce au prix d’années de labeur. Un avenir et un espoir d’une aube meilleure …
Gabriel Martinez a vu cette lumière qui jouait sur le bois verni des bancs. Il s’en est joué pour faire ses photos, seul, sans assistant. Il a fixé le déséquilibre et l’infinie patience. Il a suspendu l’éternité. Il a inventé ces voyageurs immobiles. Il leur a donné une élégance magnifique. Une dignité exemplaire.

Gabriel Martinez, Sala de Espera – Hendaye - Gare internationale - Il y a quarante ans - Un matin, textes de Christian Caujolle, Manuel Dias Vaz, Isabelle Darrigrand Gabriel Martinez – Résonance de Fernando Pessoa, 240 x 280, Relié plein papier, Atlantica, avril 2008, 86 p. – 20,00 €