La virginité sous haute surveillance : les clôtures symboliques des algériennes

La virginité sous haute surveillance : les clôtures symboliques des algériennes

R’bat ou Teskar, est un rite traditionnel typiquement algérien qui consiste en la fermeture symbolique de la virginité avant la puberté et son ouverture avant les noces de la femme. Cet ancien rite social dont l’objectif est de protéger le sacre de la virginité continue à être respecté dans des villages algériens comme Boussaâda, Aïn Defla. Dans la capitale des familles font encore appel à des femmes qui s’y connaissent dans ce moyen salutaire de fermeture qui protège l’honneur de la famille de la souillure.

La virginité, preuve de chasteté irréfutable, reste toujours importante dans certains pays et ethnies d’Afrique. Les raisons qui justifient sa sacralisation sont religieuses et sociales. Elle symbolise dans la culture maghrébine l’honneur de toute la famille. En ce sens, la femme n’est donc pas considérée comme un individu à part entière, mais comme un emblème de l’honneur de la famille.

Au non des sacro-saintes traditions à lesquelles aucune famille ne doit faillir, des traditions obscurantistes sont encore respectées dans certaines contextes familiaux en vue de protéger cette membrane si précieuse qui témoigne de la chasteté de la femme et de l’honneur de sa famille. Parmi ces pratiques rituelles, citons la méthode appelée communément R’bat (fermeture) qui consiste en la clôture symbolique de l’hymen de la femme pour qu’il n’y ait jamais défloration avant le mariage. En quoi consiste cette pratique exactement ?

Dans son article intitulé les clôtures symboliques des algériennes, l’auteur Berkahoum Ferhati, une historienne algérienne, s’attarde sur la question pour évoquer comment le patriarcale règne, au Maghreb, sur le corps des femmes faisons de ces dernières un emblème de l’honneur de la famille.

Au moyen de techniques rituelles, R’bat ou « Teskar », consiste en la fermeture symbolique de l’hymen avant la puberté et son ouverture symbolique avant la nuit de noce. Cette méthode que subissent nombreuses femmes en Algérie et dans d’autres régions du Maghreb témoigne de la sacralisation de la virginité.

Houria, une femme âgée la cinquantaine, pratique depuis longtemps cette méthode. Les familles lui font appellent pour protéger leur honneur contre une éventuelle souillure, dit-elle. « Quand on me fait appel, je me dirige vers la maison de la jeunette en question munie d’un cadenas et d’une clé. Je demande une entrevue privée avec la jeune fille qui ne doit porter qu’une robe large. La pré pubère devra relâcher ses cheveux, ne pas porter de bijou, ni de sous-vêtements. Juste après, je prononce quelque phrases en demandant à la jeune fille de les répéter juste après moi en mettant sur sa tête le cadenas que je ferme à l’aide de la clé. Une fois cette opération terminée, la jeune fille ne peut aucunement perdre sa virginité et l’ouverture ne s’opère qu’avant le mariage et de la même manière, c’est-à-dire, après l’ouverture du cadenas avec la clés qui reste à mon niveau. », explique Mme Houria.

La perpétuité des rites de fermeture de virginité témoigne d’une forte emprise patriarcale sur le corps des jeunes filles, selon Mme B. Ferhati. Ces rites sont encore à ce jour respectés dans certains contextes. Témoins est les récits de femmes ayant subi ce type de fermeture symbolique. Linda, une jeune femme de 25 ans, raconte comment sa mère l’avait « fermée », alors qu’elle n’avait que 11 ans. La maman oublia d’ouvrir le cadenas qui a servi à cette opération exposant la jeune fille à une situation difficile lors de sa nuit de noce. « Mon mari ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas me pénétrer. Désemparée, je ne faisais que pleurer. Ma mère qui s’était rendu compte du poids de sa bêtise avait retrouvé le cadenas et la clé. On a pu juste après, mon époux et moi entretenir un rapport sexuel avec pénétration. », témoigne Linda.

Scientifiquement parlant, il serait insensé qu’un acte physique soit empêché par une fermeture symbolique. Qu’est ce qui expliquerait alors l’incapacité, dans le cas de Linda par exemple, de la pénétration ?

S’agit-il d’un blocage mental qui pousse la femme à contracter les muscles de son vagin lors de la pénétration empêchant la pénétration ? S’agit-il d’un rite de sorcellerie ?

On ne saurait répondre à cette question qui mérite un approfondissement sur le sujet. Seulement, ce qui est incompris est que dans certains contextes ces rites obscurantistes continuent à être pratiqués et les femmes qui les subissent sont souvent instruites, actives et intelligentes. C’est dire, selon Mme S. Ferhat, psychologue clinicienne que le sacre de la virginité étant pesant emmène la femme à s’attacher à ces clôtures symboliques voire invisibles comme une forme de protection pour ne pas enfreindre cette clôture.

Mme Ferhati rappelle aussi que la jeune Algérienne ayant enfreint cette clôture symbolique de son corps est conduite à demander, pour accéder au mariage, la réparation de sa virginité à une chirurgie bien réelle.

Les rites sociaux diffèrent certainement selon le contexte socioculturel. Cependant, le point commun de tous est la sacralisation de la virginité au point de recourir à n’importe quel moyen pour la protéger. Aujourd’hui, au temps de la chirurgie plastique qui offre à la femme la chance de reconstruire son hymen avant le mariage la question qui se pose : la virginité mérite-t-elle autant de sacralisation ?