« Une pointe pour tous » à l’estuaire de la Gironde dit non au projet de terminal méthanier au Verdon classé Sévéso 2

« Une pointe pour tous » à l'estuaire de la Gironde dit non au projet de terminal méthanier au Verdon classé Sévéso 2

Pour une fois, excusez-moi du peu, Missdinguette se pastiche en coquette. La présente interview ne prête pas à sourire et se fendre les zygomatiques. Il en va de la survie d’une région que j’apprécie par-dessus tout pour ses forêts, son grand fleuve, son océan et ses habitant(e)s. Je veux évoquer le haut Médoc, au nom évocateur des cépages qui titillent mes papilles et la faune du dernier estuaire européen encore préservé. La Gironde, que j’associe souvent à une femme vaillante et libre, redresse la tête et entreprend un nouveau combat vital pour son écosystème : la mise à mort du projet d’implantation d’un terminal méthanier par la société 4 Gas au Verdon.

Voir à ce sujet sur mon blog, mes textes et photos autour du « Gaspard méthanier » ainsi que la mobilisation de la population des deux rives et la somptueuse manifestation du 24 novembre 2007 à Bordeaux qui avait réuni pas moins de 2000 personnes !
Après la mascarade d’une consultation, le 18 juillet 2008 devait être entériné ou abandonné le projet de construction. Seulement 4 Gas a devancé l’appel au large et a décidé la poursuite du projet classé Sévéso 2 !
C’est de tous ces sujets cruciaux quant à l’avenir d’une région où il est agréable de vivre, que je vais m’entretenir avec Jean Marie Andreux membre de l’association « Une pointe pour tous. Le Collectif des deux rives (Médoc – Charentes) ».

La Singette : Bonjour Jean Marie Andreux, pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lectrices et lecteurs du Mague ?

Jean-Marie Andreux : Bonjour, j’ai 52 ans et je suis chargé de mission auprès de l’office de Tourisme de Soulac sur Mer depuis 1993 où j’ai en charge la programmation des animations. D’autre part, je suis Président de l’association Quai des Vins qui a pour vocation d’organiser sur Port Médoc (seul port pavillon bleu d’Aquitaine en 2008) le salon de la plaisance et du vin le premier week-end de mai.

La Singette : l’estuaire de la Gironde pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore, comment pourriez-vous qualifier cette région du point de vue de ses habitants et de sa faune et sa flore ?

J.M Andreux : L’estuaire de la Gironde est le seul estuaire naturel d’Europe cela veut dire que c’est un lieu où l’on préserve la faune et la flore. Cette presque ile est un lieu de passage et de nidification de nombreuses espèces. C’est dans cet estuaire que récemment Mme Cosusco Morizet est venue soutenir la réimplantation de l’Esturgeon c’est aussi une escale pour les croisiéristes qui viennent d’Europe, des Etats-Unis ou du Japon à la découverte de nos vins uniques au monde Enfin c’est une terre où les habitants peuvent vivre des fruits de la nature, la pêche la chasse et la cueillette (entre autres des cèpes de Bordeaux dont le goût est une référence gastronomique).

La Singette : Pour en venir au point crucial qui nous réunit, quelle est l’histoire de la création d’« Une pointe pour tous » et combien de personnes se sont fédérées à vos idées ?

J.M Andreux : Cette association a été déclarée en février 2007 lorsque nous avons découvert (un peu par hasard et dans la presse) qu’un projet de port méthanier était à l’ordre du jour. Que celui-ci allait se construire à 400 m des premières habitations et à 800 m de l’école du Verdon sur Mer. En créant ce collectif les fondateurs espéraient une centaine d’adhérents aujourd’hui, un an après, nous sommes plus de 4800 sur les deux rives de l’estuaire.

La Singette : Comment avez-vous vécu la consultation vis-à-vis du projet du port méthanier et quelles conclusions en avez-vous tirées ?

J.M Andreux : Le débat public fut une parodie de consultation ; le dossier du maitre d’œuvre ressemblait plus à une plaquette publicitaire qu’à un dossier, lorsque les questions et les inquiétudes de la population étaient posées, les réponses de 4 Gas étaient : « on ne sait pas pour l’instant, des études suivront, on vous dira plus tard … » vraiment pas de quoi nous rassurer.
Le débat se terminant le 15 décembre nous avons attendu les conclusions du commissaire le 15 février en multipliant les actions (manifestations à Bordeaux sous les fenêtres de la Chambre de commerce et d’industrie et du port autonome qui soutiennent le projet). Puis vinrent les conclusions qui déclenchèrent encore plus de colère étant donné que M. Sourd (commissaire enquêteur) avait omis de parler de nous et de l’opposition des deux rives.
Requête fut adressée à la commission nationale de débat public dont le Président à pris en compte nos revendications et (fait exceptionnel) « retoqué » le rapport. Celui-ci ayant été publié le 18 avril 2008 l’investisseur avait depuis cette date 3 mois pour faire part de sa décision de poursuivre ou non sa demande de permis de construire.


La Singette
 : Au jour d’aujourd’hui, malgré les différents débats très animés, 4 Gas continue le projet. Quelles actions souhaitez-vous mener pour informer la population et les touristes des méfaits d’une telle implantation, afin que votre voix « on n’en veut pas », qui a tonné durant tous les débats, ne soit pas mise en sourdine ?

J.M Andreux : Nous continuons d’informer nos adhérents. Nous manifesterons sur la plage de la Chambrette au Verdon le samedi 14 juin et nous diffuserons dans Sud Ouest sur le Médoc, le Pays Royannais et Bordeaux une lettre ouverte à 4 gas sur une page entiére ; lettre cosignée par les Présidents des deux régions (Ségoléne Royale pour le Poitou Charentes et Alain Rousset pour l’Aquitaine ; les Présidents de Conseils Généraux des deux rives, les élus et entre autre Noël Mamére, Dominique Bussereau (président de CG17) et de nombreuses associations de chasseurs, pêcheurs, plaisanciers ainsi que notre association « Une pointe pour tous » forte de ses 4835 membres ; mais aussi d’agents immobiliers qui ont déjà vu leur chiffre d’affaire baisser du fait de la frilosité des investisseurs potentiels avant même la réponse de l’investisseur Hollandais.

La Singette : Au moment des élections municipales de part et d’autre des deux rives, est-ce que tous les maires femmes et hommes éligibles se sont prononcé(e)s en faveur ou contre le port méthanier ? De quelles façons cette thématique s’est-elle mêlée aux enjeux politiques et de quel poids a-t-elle pesée dans les scrutins ?

J.M Andreux : Nous avons demandé aux candidats de se positionner et une grande majorité l’a fait, mais certains ne voulant pas dire qu’ils étaient pour ont préféré noyer le poisson en disant qu’ils attendaient la décision de 4 Gas pour prendre position.
Au Verdon sur Mer le nouveau maire a fait voter sa population (sauf les résidents secondaires qui sont juste bon à payer des impôts) sur ce sujet et 70% des votants a voté contre ce qui était de bon augure pour nous.

La Singette : A vos détracteurs qui argumentent que votre région est sinistrée économiquement et qu’on y vit qu’à l’heure d’été (tourisme oblige !), le terminal méthanier donnerait du cœur à l’ouvrage et des emplois à des travailleurs locaux, que leur répondez-vous ?

J.M Andreux : Que cet argument ne tient pas. Et nous l’expliquons simplement car les 300 emplois prévus pour la construction du chantier d’où viendront ils ? Comme pour tous les grands chantiers, ce seront des maçons Turcs ou Italiens ou d’ailleurs qui viendront mais pas de main d’œuvre locale (trop chère). Une fois construit le terminal emploiera entre trente et cinquante personnes (chiffre donné par l’investisseur) pensez vous que ce seront des personnels non qualifiés qui seront embauchés ? Non ce sera des ingénieurs de Gaz de France, Powéo et d’autres qui viendront par le biais de promotions ou de mutations. Par contre combien de vacanciers, touristes et amoureux de cette nature sauvage ne reviendront plus ? et combien cela représentera d’emplois directs ou indirects supprimés, (d’après nos calculs une centaine ) ?

La Singette : Le terminal méthanier s’il voyait le jour serait classé selon quelle catégorie des dangers à l’entour ? Vous pouvez développer ? Et pour que le gaz se propage et suive son cour jusqu’à Bordeaux et ailleurs, quelles trouées dans les paysages seraient nécessaires ?

J.M Andreux : Le site serait classé SEVESO 2 seuil haut, (ça veut dire que c’est le pire qui nous attend). Les risques que nous avons sont de plusieurs ordres : une fuite, une explosion et savez vous que dans ce cas un nuage de gaz est inflammable jusqu’à 8 kilomètres à l’entour.
Un méthanier qui s’échoue en empruntant la passe d’entrée de l’estuaire réputée dangereuse, du fait de sa faible profondeur, cela signifie aussi que les fonds mouvants devraient être dragués en permanence.
Les bateaux de plus de 300 mètres de long et emportant dans un seul navire la consommation annuelle de gaz d’une ville comme Bordeaux passeront à 800 m maximum des côtes charentaises au niveau de La Palmyre (devant le club Med). Que feraient ils d’une cargaison à moins 160 °C s’ils s’échouaient ? En la matière nous avons deux exemples récents de porte conteneurs échoués : l’un en Vendée, l’autre sur l’Ile de Ré.
En 2007 un avion de chasse en manœuvre a amerri à 2 kilomètres du site choisi pour la construction du port méthanier Que se serait il passé si cet avion était tombé sur une cuve de stockage ?
Sans parler du risque terroriste qui demeure toujours.
Ce gaz pour être distribué doit rejoindre l’artère de Guyenne, véritable colonne vertébrale qui relie l’Europe du nord à l’Europe du Sud et le Maghreb car le gaz peut circuler dans les deux sens ; afin que la jonction soit faite, c’est un gazoduc de plus d’un mètre de diamètre et de 130 kilomètres de long qui devra être construit à travers le Médoc.
En connaissant le diamètre du gazoduc, nous avons fait effectuer une étude pour savoir quel serait le débit possible en fonction de la pression ? Réponse pas rassurante du tout de nos experts ; si ce gazoduc est construit c’est la valeur, non pas de deux, mais de cinq cuves qui pourra transiter par là. D’ailleurs nous avons découvert que la société ENDESSA (investisseur gazier espagnol) avait réservé lui aussi des terrains sur le site. Et demain quoi de plus, une industrie chimique ? un incinérateur ?

La Singette : En Europe, quelle a été la mobilisation des riverains aux différents projets d’implantation de port de cette espèce nuisible ?

J.M Andreux : En France, 3 projets étaient soumis à enquête en même temps chez nous mais aussi à Nantes et Dunkerque, avec partout le même levé de bouclier Pourquoi ? Parce que nous avons avec l’extension de Fos sur Mer de quoi satisfaire largement à notre consommation, tout le reste n’est que spéculation financière et entre autre avec des fonds de pension américains pour 4 Gaz.
Par contre, les autres ports sont prévus sur des sites déjà industrialisés, tandis que sur la Gironde et à cet endroit précis il n’y a rien de tout cela. On ne refuse pas l’industrie, mais une industrie compatible avec le milieu naturel et dans le cadre d’un développement durable ce qui n’est pas le cas avec le gaz.


La Singette
 : Ce qui est le plus étrange dans votre région et qui prête le plus souvent à polémique entre la gent des chasseurs et des écologistes, voir même de certains militants naturistes, c’est cette radicalité qui a réuni dans un même camp les défenseurs des animaux vivants et ceux qui se régalent de leurs cadavres ! Phénomène étrange et complexe ! Et pourtant, ces catégories pour le moins antagonistes ont pactisé une fois n’est pas coutume et uni leurs forces pour crier leur refus du terminal méthanier. Quelle mouche les a piqués ?

J.M Andreux : La faculté des Médocains à pouvoir décider de leur avenir, de leur cadre de vie et de leur économie. Je le répète le Médoc n’est pas une tribu d’indiens mais une presque île où les habitants sont fiers de pouvoir vivre et travailler au « pays » Nous avons d’autre atouts que l’installation d’un port méthanier sur nos terres, développons autour de Port Médoc la filière nautique avec la réparation et la construction de navires. Construisons des fermes solaires sur les 500 hectares que gère le port autonome, classons l’estuaire en Aire Marine Protégée afin de gérer ensemble le développement des entreprises qui voudraient s’implanter ici dans le respect de l’environnement.

La Singette : En étant très optimiste, en gageant sur la forte mobilisation des populations des deux rives, si la raison gagne sur l’estuaire préservé ou dans le cas contraire, quel avenir se prépare pour « Une pointe pour tous » ?

J.M Andreux : De cette association est née une autre association d’entrepreneurs du Médoc qui a pour vocation de recenser les possibilités de lieu d’implantation d’entreprises et pour notre part nous continuerons à faire pression sur nos « politiques » afin de ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, mais de trouver des solutions alternatives afin qu’un projet identique ne resurgisse pas dans 1 an, 2 ans ou 5 ans. Et puis nous nous sommes aperçu dans cette lutte, qu’un estuaire avait deux rives et que si nous pensions que les soucis des charentais étaient différents des nôtres, nous pouvions nous tromper, donc nous comptons bien resserrer nos liens et prolonger les échanges avec nos « nouveaux amis ».


La Singette
 : S’il y a des points que nous n’aurions malheureusement pas abordés, je vous laisse le soin de jeter un pont entre les deux rives de votre questionnement légitime et y porter vos réponses.

J.M Andreux : En conclusion je voudrais dire seulement que le combat s’il n’est pas perdu et loin d’être gagné et que nous avons besoin du soutien du plus grand nombre. Aussi je demande à tous ceux qui se sentent concernés par la préservation de notre planète de nous soutenir par toutes les formes d’actions et de témoignages ou de mise à disposition de compétence afin de conserver une région dont le cadre de vie est exceptionnel et qui aura plaisir à vous accueillir pour un jour, un mois ou pour toujours. Les informations sur notre action sont disponibles sur le site www.medocpourtous.org
Merci de nous y témoigner votre soutien, chaque voix compte.


La Singette
 : Je fais souvent un rêve étrange… En débarquant du bac au Verdon, il me serait strictement impensable d’imaginer ne serait-ce qu’une flammèche et encore moins une torchère au gaz délétère, qui embrumerait à la longue mon système immunitaire et à fortiori, celui des enfants et de toute l’équipe éducative de l’école du Verdon, située à seulement quelques encablures du site proposé, au grand carnage de tous les âges ! Son sifflement aussi me serait odieux aux tympans.

Il ne tient qu’à vous citoyennes et citoyens d’agir en chœur, de vous réveiller de ce cauchemar et souffler l’air pur de nos poumons que fleure bon cette région encore préservée sur le refrain de : Gaspard, youp la boum, casse toi de notre paysage et retourne au plumard de ton économie souterraine vaine !

Rendez-vous nombreux, le samedi 14 juin à la plage de la Chambrette au Verdon !
www.medocpourtous.org