Le retour du Chevalier Farès

Le retour du Chevalier Farès

La « Palestine peut tout à fait être perçue comme un modèle réduit du monde » soumis à la guerre que se livrent des forces antagonistes. C’est pourquoi le conflit qui la déchire est beaucoup plus qu’une guerre civile entre deux communautés. De son issu découlera sans doute le modèle de la société de demain. Soit les hommes vivront en harmonie, libres et égaux. Soit ils seront à jamais soumis au marquage de l’origine raciale, tribale, ethnique, religieuse, ou sociale. Et cela ne peut être admis.

Pour nous le rappeler, un petit garçon de treize ans, dans la banlieue de Gaza, s’est dressé, seul, face au Golitah des Temps Modernes : un char Maetsva.
Farès Ouda a été immortalisé par le photographe d’Associated Press, Laurent Rebours. « Farès le téméraire, celui qui a jeté des pierres contre le monstre blindé avec la grâce de saint Georges, le saint vénéré en Palestine. » Avec l’innocence d’un ange, l’enfant a défié le géant d’acier de Tsahal sans la moindre peur. Fier d’être lui. En âme et conscience certain d’être dans son droit en défendant sa terre face à l’envahisseur. Puisque « les Palestiniens sont les authentiques descendants de l’Israël biblique, du peuple indigène qui a embrassé la foi du Christ ou celle de Mahomet, et qui est demeurée à jamais sur la Terre sainte. »

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Un acte de bravoure digne des plus grands, un acte de candeur dans la lignée des cœurs purs et des combattants pour la liberté : Farès, le partisan, le petit Che Guevara des Palestiniens, s’est illustré le 29 octobre 2000.
Le 8 novembre, un sniper l’assassina froidement, abattant l’enfant en pleine rue alors qu’il rentrait chez lui après l’école.

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Le Chevalier Farès est ainsi devenu un héros, une icône, un nom à évoquer ; une légende … Tel le petit Gavroche, ce brave petit rebelle des barricades de Paris, Farès symbolise l’esprit invincible de l’homme. La force de la volonté de celui qui est prêt à mourir pour défendre sa cause.
Les héros de sont pas cantonnés dans la mythologie ou dans les romans de gare. Les héros sont des gens ordinaires que l’on côtoie sans le savoir, ne le savent-ils même pas eux-mêmes, jusqu’au jour où …
Et comme les légendes aiment la symbolique, Farès Ouda a un prénom qui renvoie au mot « Chevalier »et un nom de famille qui évoque le « Retour ». Ainsi, l’image de l’enfant évoque « le retour des preux chevaliers d’antan ». Et non celle, issu d’un schéma élégiaque, du petit Mohammed Dureh, mourant recroquevillé dans les bras de son père, épié par la caméra du journal télévisé ; ou celle de la misérable petite Vietnamienne courant nue de toutes ses forces pour échapper à l’enfer des bombardements au napalm. Car Farès est le symbole de la bravoure, de la fierté du combattant, de la liberté qu’il faut défendre à tout prix.

« L’image du retour du Chevalier Farès Ouda appartient à un registre différent : cet enfant est un héros emblématique. Il faudrait l’afficher (…) dans une église à côté de son compatriote, saint Georges. Après tout, le saint martyr a été enterré en terre de Palestine, non loin de Farès, dans la crypte de l’antique église byzantine de Lydda. »
Et c’est pour cela que les médias se sont employés à détruire l’image du jeune garçon, et le message qu’elle véhiculait. Dans nos sociétés de l’information, l’image, et ce qu’elle évoque, ce qu’elle transporte comme symbole, comme émotion, est toujours plus forte qu’une arme. Après le scandale que le poème de Darwich (« vous qui passez parmi les paroles passagères », écrit pour dénoncer les répressions violentes de Tsahal à l’encontre des enfants de l’Intifada), causa, dans les années 80, à la société civile israélienne au point que le premier ministre de l’époque l’évoqua à la Knesset pour le condamner ; voici qu’un petit garçon fait trembler tout le concept idéologique et politique d’Israël au point que le Wasinghton Post se doit d’envoyer un journaliste pour tenter, avec des articles fallacieux, de démonter le mythe qui est en train de naître.
Dans l’odieux les médias américains n’ont rien à envier à personne. Lee Hockstader s’employa donc à inventer, à dénigrer, à calomnier, allant jusqu’à écrire que Farès Ouda était une « tête brûlée qui ne rêvait que de se faire abattre. Un tireur d’élite juif compréhensif lui a tout simplement permis de réaliser son rêve. » Odieux ! Il précise « qu’il a été abattu alors qu’il se préparait à jeter une pierre et donc il fallait bien l’abattre » (sic). Ce genre de prose se passe de commentaire.

« Les Palestiniens sont des agriculteurs et des citadins plutôt pacifiques. (…) [Ils] écrivent des poèmes et vénèrent les tombeaux de leurs saints. Ce ne sont pas des guerriers, encore moins des tueurs. (…) Pourtant ces simples paysans sont encore capables de nous donner à tous une leçon d’héroïsme, chaque fois qu’un ennemi cherche à s’emparer de leur terre. » Mais cette guerre de basse intensité ne peut plus durer. Sauf à satisfaire les basses intentions de quelques politiques ou hommes d’affaire crapuleux. L’appel de Genève n’aboutira pas, comme Oslo il est mort-né car dépassé par la politique même qu’il est censé incarner, et l’idéologie qu’il représente.
L’idée de partition est désormais erronée : les colonies sont trop nombreuses, les vies imbriquées les unes aux autres, la géographie tout simplement trop petite pour avoir deux états en forme de gruyère reliés par des routes protégées. Même les langues se ressemblent : « l’hébreu moderne que [parlent les israéliens] a vu le jour en intégrant des centaines de mots palestiniens. » Il faut donc faire confiance en l’homme. Et s’appuyer sur ce qui a déjà été réalisé avec succès par le passé. Prenons l’Afrique du Sud comme modèle de réorganisation d’une société qui était le degré zéro de l’humanité et qui, désormais, offre un système démocratique comparable au nôtre : un homme, une voix.

J’appelle de tous mes vœux la solution proposée par la congrégation juive orthodoxe de Neturei Karta, les fils de la communauté juive pré-sioniste de la Terre sainte. Ces sages aux grands chapeaux noirs ont déclaré que le nœud du problème est l’existence même de l’état « juif ». Le seul espoir réaliste pour une paix durable, selon eux, est que les Nations Unies aident au démantèlement de l’état d’Israël et rendent la terre aux Gentils pour y créer un seul grand état démocratique.
« Il faudrait simplement que nous leur demandions pardon [nous dit Israël Shami], que nous les prenions dans nos bras tels des frères que nous croyions perdus depuis longtemps, et que nous les laissions nous enseigner ce qu’ils savent. C’est là le seul rayon d’espoir qui parviendrait à percer les ténèbres actuels. »

S’il y a quelqu’un là-haut, un dieu, une force supérieure, quiconque, quoi ce que soit, qu’elle/il se manifeste, car cela n’a que trop duré …

PS -
Tous les passages présentés entre guillemets sont extraits des articles rassemblés dans
L’autre visage d’Israël
d’Israël Adam SHAMIR
éditions Balland / éditions Blanche, 2003
415 pages ; 20 €

Israël Shamir est juif israélien d’origine russe.
Journaliste, écrivain et traducteur, il lutte avec courage pour faire entendre la voix des Israéliens qui refusent l’effroyable logique dans laquelle se fourvoient ses gouvernements successifs et croit fermement à la coexistence pacifique des différentes communautés sur la terre sacrée de Palestine grâce à la mise en place d’un seul état démocratique et laïc.

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Tous les passages présentés entre guillemets sont extraits des articles rassemblés dans
L’autre visage d’Israël
d’Israël Adam SHAMIR
éditions Balland / éditions Blanche, 2003
415 pages ; 20 €

Israël Shamir est juif israélien d’origine russe.
Journaliste, écrivain et traducteur, il lutte avec courage pour faire entendre la voix des Israéliens qui refusent l’effroyable logique dans laquelle se fourvoient ses gouvernements successifs et croit fermement à la coexistence pacifique des différentes communautés sur la terre sacrée de Palestine grâce à la mise en place d’un seul état démocratique et laïc.