Théâtre : AMERIKA d’après Franz Kafka

Théâtre : AMERIKA d'après Franz Kafka

« Là ou le théâtre est le plus fort, c’est quand il rend réelles des choses irréelles. Le plateau devient alors un périscope de l’âme, il éclaire la réalité par l’intérieur. » F. Kafka

« Abusé par la bonne, Karl Rossmann se retrouve père à l’âge de 16 ans. Chassé par ses parents, il doit fuir sa patrie allemande pour la miraculeuse Amérique afin ‘d’empoigner le monde’. Lorsqu’il arrive à New York, la chance semble lui sourire, mais de manière constante les ennuis surviennent… » Ainsi, le metteur en scène Nicolas Liautard nous introduit dans AMERIKA, vaste fresque de 3 heures. Et sans doute, AMERIKA puise une bonne part de sa séduction dans ce subtil décalage - constamment ironique – entre d’un côté le jeune Karl Rossmann et de l’autre la société incarnée par ses multiples représentants : personnages cocasses du paquebot, employés barges de l’hôtel, entourage énigmatique de l’oncle Jakob…

Rossmann, interprété avec conviction par Lazare Herson-Macarel, personnage à la fois candide et volontaire, cherche rapidement à s’intégrer. Mais le chemin du pauvre Rossmann est traversé d’innombrables mesquineries… Non pas qu’ « AMERIKA » soit une pièce mélodramatique ; d’ailleurs elle n’est même pas manichéenne. Certes, l’ambiance générale s’avère acide (raillerie symbolique de l’american way of life de la société industrielle de Kafka). Mais il s’agit plus de suggérer par l’humour les petits travers de la vie en collectivité que de donner des leçons…

La mise en scène de Liautard est alerte et précise, précipitant parfois les comédiens (excellents) dans une véritable saga du burlesque et du non-sens. Les scènes se déroulant à l’intérieur de l’hôtel, opposant Rossmann (devenu groom) et le portier en chef, sont dignes des Marx Brothers… D’ailleurs, la mise en scène est riche et imagée : l’imposante Brunelda semble sortie tout droit d’une loge d’ « Amarcord » ; le soutier rebelle évoque un personnage à la Fassbinder. Les quelques chansons qui parsèment AMERICA (« Just a perfect day », Lou Reed ; « Young Americans », Bowie…) contribuent à donner au périple américain de Rossmann une touche bohème et arty. Astucieusement des voix off égrènent régulièrement les premiers rudiments d’une méthode d’enseignement de l’anglais, comme pour souligner la sensation de Rossmann d’être étranger à tout.

Décidément, AMERIKA est une bien curieuse pièce… Malgré quelques longueurs (deux heures auraient largement suffi !), cette vaste fresque théâtrale vaut assurément le déplacement.


AMERIKA de Kafka, mise en scène Nicolas Liautard, Théâtre de la Tempête - Salle 1, 3 - 22 juin 2008, durée : 3h (avec 2 entractes)

Horaires du mardi au samedi 20h dimanche 16h