À Cannes Dirty Harry écrase les Prix

À Cannes Dirty Harry écrase les Prix

À quelques heures de la remise des prix du 61ème Festival du cinéma de Cannes, le nom de celui qui repartira avec la Palme d’Or ne fait plus guère de doute. Sean Penn, le Président du jury, s’est félicité d’une très bonne moisson de films dans un entretien au journal Le Monde, tout en précisant à l’attention du public : la meilleure manière d’être honnête, c’est d’essayer de s’émanciper des effets de mode, pour tenter de percevoir ce qui restera indélébile.

Le prix le plus prestigieux du cinéma peut-il échapper à Clint Eastwood ? L’Échange a été très chaleureusement applaudi sur la Croisette et on connaît les liens entre Sean Penn et l’auteur de Mystic River. Mais le jury comporte neuf personnes et le classicisme de l’Américain pourrait déplaire aux tenants d’un cinéma d’auteur économiquement plus menacé. Parmi les outsiders, donc, deux noms semblent se détacher : Valse avec Bashir d’Ari Folman et Un Conte de Noël d’Arnaud Desplechin. Ce dernier a quelques appuis dans le jury, parmi lesquelles Jeanne Balibar et Marjane Satrapi et la presse américaine a apprécié ce petit jeu de massacre en famille.


Une fois de plus, la Palme d’Or échappe aux réalisateurs français. Entre les Murs, de Laurent Cantet, troisième concurrent français de cette édition, est le dernier film de la compétition cannoise, et aussi l’ultime chance pour les forces nationales de décrocher une palme d’or qui se dérobe sous ses pieds depuis 1987, avec Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat !


Notre cinéma national souffrirait-il d’une terrible uniformité ? Il privilégie en tout cas l’examen microscopique des états d’âme. Il refuse incontestablement avec une obstination coupable de regarder le monde, la société ou les pages controversées de son Histoire. Résultat : les Étrangers boudent le cinéma français et son absence dans le grand registre des récompenses s’explique ainsi par son manque d’ouverture, de générosité. Le contre-exemple d’une telle démonstration est évidemment La Môme, dont le mélo a séduit les Américains avec l’hommage rendu à une personnalité emblématique du monde des arts et du spectacle français : Édith Piaf…


Or, nous devons faire tout le contraire de l’Académie des Oscars, dont les palmarès relèvent d’un art consommé de la manipulation, d’un très bon marketing, a précisé Sean Penn au quotidien du soir ! Il ne fait guère de doute que le président du jury manie aussi bien la langue de bois que la caméra : les jeux sont faits.


De l’avis général, la Palme doit revenir à une personnalité marquante du cinéma, un réalisateur au talent éprouvé, à la réussite incontestable. Si L’Échange n’est pas forcément le meilleur film de Clint Eastwood, il n’en est pas moins très bon et très apprécié des critiques. Lui décerner le premier prix permet de récompenser à la fois une œuvre incontestable et consensuelle, et la carrière admirable de son auteur en tant qu’acteur et réalisateur.


Clint Eastwood, 77 ans, a une drôle de manière de voyager dans le temps. Plus les années passent, plus son cinéma se tourne vers le passé. Et maintenant qu’on est entré dans le XXIème siècle, il propose avec L’Échange un film d’un classicisme épuré, qui utilise le vocabulaire du vieil Hollywood avec une sincérité et une puissance d’expression qu’il est le seul à pouvoir susciter — question de foi dans le cinéma, sans doute.


Le scénario de J. Michael Straczynski, qui a surtout travaillé pour des séries télévisées et des bandes dessinées s’inspire d’un fait divers réel : en 1928, Walter Collins, un enfant de 9 ans, disparaît. Quelques semaines plus tard, la police de Los Angeles rend à sa mère, Christine, qui a élevé seule son fils, un enfant qui affirme être Walter. Elle ne reconnaît pas ce petit garçon et engage un combat inégal avec le Los Angeles Police Department (LAPD). Dans le même temps, la police découvre l’existence de Gordon Northcott, un tueur en série qui attire des petits garçons sur son ranch avant de les tuer et de les dépecer. Un sujet de société, d’une actualité troublante en France !

 

 


Les prix des festivals ont-ils leur raison d’être ?
Bien sûr, chacun voudrait s’offrir un beau final
Pour mettre un terme au doute en ce monde infernal
Soit ! Il n’a pas manqué un seul bouton de guêtre.


Pendant dix jours, ils font des plans, ils font peut-être
Tout le tour de leur œuvre en jugeant trop banal
Un beau film que tel autre a dit par trop vénal…
Le soir, les gens s’en vont et tout doit disparaître !


Mais tout le monde a cœur de taire un grand secret
Tant il ne fait pas bon prendre en salle un décret
Qu’il revient au public gloussant de rendre au maître.


Aimez donc, levez-vous, vibrez, battez des mains,
La critique a pu rendre un bel hommage en traître :
Nos cœurs n’ont rien prévu pour voir les tributs maints.