Les concerts déconcertants des Pascals

Les concerts déconcertants des Pascals

Le Cabaret Électric du Havre invitait, le 18 mai, The Pascals. Le programme annonçait une « fanfare branquignolesque à tendance cacophonique » d’origine japonaise... De quoi titiller bien des curiosités. Le public n’a pas été déçu.

Premier acte. 15h30. Un goûter-concert attendait les enfants. Sur scène un capharnaüm d’instruments et d’objets hétéroclites. Treize japonais, hommes et femmes, plus ou moins bizarrement habillés et coiffés, firent leur apparition. Le pianiste Rocket Matsu, également compositeur, accordéoniste et virtuose du mélodica, hilare, pouvait lancer son Orchestre Visuel Non Identifiable.

Le fondateur des Pascals ne parle pas un mot de français et bredouille quelques formules en anglais. Pourtant, le courant passe aussitôt avec les mômes et leurs parents. Il faut dire que les clowneries de son acolyte Koji Ishikawa sont de bonnes ambassadrices. Dans le rôle du trickster, le percussioniste-bruiteur est à son aise pour ponctuer les morceaux avec des instruments sortis de pochettes-surprises, d’un kit de réveillon ou d’accessoires ordinairement utilisés pour le bain des bébés... Au bout de trente petites minutes de bonheur rafraîchissant, le set a un goût d’inachevé. On en redemande.

Second acte. 18h. Les choses « sérieuses » commencent pour les « grands ». On prend les mêmes et l’on va voir plus loin si la magie opère. Violons, violoncelles, cuivres, ukulélé, mandoline, banjo, guitare électrique, flûtes, mélodicas, accordéons côtoient toujours percussions maison, scie musicale, mirliton, crécelle, grelots, kazoos, guimbardes, trompettes en plastique, sonnette de vélo, jouets à remontoir, chaînes, ballons de baudruche et bidules électroniques. Tout démarre comme un concert presque normal. Puis surgit l’incontrôlable Koji Ishikawa, masqué, engoncé dans un sac poubelle sur lequel sont scotchés des couverts en plastique et des programmes du Cabaret Électric. Le démon gronde en agitant des cloches.

The Pascals inventent un folklore imaginaire universel où chacun puise gaiement à sa guise. Ex-punk, Rocket Matsu et ses complices écrivent une musique qui emprunte aux thèmes asiatiques, au funk, au free jazz, à la valse, à la country, à la polka, au reggae, à la musique de cirque, au rock. Tout n’est que suggestion. À doses infinitésimales, on entend passer l’ombre sonore d’un Frank Zappa, une note yiddish, un accent du far-west, un vent tzigane... Grâce à une grande maîtrise, le show ne tombe jamais dans la cacophonie. À chacun-e de mettre ses sens en alerte pour ne rien rater du kaléidoscope musical tout en se laissant transporter dans une fragile bulle poétique.

Le répertoire des Pascals a un puissant relief cinématographique. Certains titres sont de formidables machines à fabriquer des images. Des ambiances font penser à Wong Kar-Wai, à Takeshi Kitano... À Federico Fellini aussi. Ils ont d’ailleurs déjà fait des reprises de Nino Rota. Ils jouent également une composition de Toru Takemitsu écrite pour le film d’Akira Kurosawa, Dodesukaden, titre qui est par ailleurs devenu celui d’un album des Pascals. N’oublions pas non plus une interprétation poignante de Moon River, le tube chanté par Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s (Diamants sur canapé). Les Pascals en donnent une version japonaise déroutante. Coincé dans son sac poubelle, le bouffon grassouillé nous prend à contre-pied. Sa voix et l’intro à la scie musicale éclipsent la belle Audrey et font fondre les âmes sensibles.

De la tendre mélancolie aux rires redevenus enfantins, la performance joue avec nos nerfs. La boîte à musiques donne la chair de poule. Que le canard en caoutchouc fasse un coin-coin asthmatique, que le violoncelliste empoigne une meule pour faire jaillir des gerbes d’étincelles du pied de son instrument, que la compagnie se mue en fanfare céleste pour bals déjantés, le charme décalé fonctionne au quart de tour. Camille, experte en folie douce, y a succombé en montant avec eux le projet Nohara lors des Eurockéennes de Belfort, en 2006.

Au fait, pourquoi avoir appelé un groupe japonais pur jus The Pascals ? Tout simplement en hommage au Catalan Pascal Comelade dont le big band est fan.

Arigatô very much The Pascals. Et abiento.

Les albums des Pascals (Pascals – 2001 ; Abiento – 2003 ; Dodesukaden – 2006 ; Live part 1 – 2008) sont disponibles chez les Disques du soleil et de l’acier ou chez Label Bleu. Les membres des Pascals se retrouvent également sur la compilation Half moon of Pascals (les Disques du soleil et de l’acier - 2004).
Les disques ne donnent qu’une petite idée du talent des Pascals. S’ils passent près de chez vous, ne les ratez pas en live.

Le site Internet des Pascals (en japonais).

Prochain concert en France le vendredi 23 mai 2008 au Florida , à Agen, avec Maxime Denuc. Ensuite ils iront en Espagne.

Photo : © Wilfried Lamotte