L’art africain (Art & Civilisation)

L'art africain (Art & Civilisation)

En avril 2007, les Editions du Rouergue eurent la bonne idée de créer cette collection pour donner à tous l’accès aux informations essentielles et indispensables à qui s’intéresse à l’histoire du monde, ou s’apprête à voyager.
La sixième livraison fête la première année écoulée avec un monumental ouvrage dédié à l’art africain.

Ivan Bargna, anthropologue reconnu qui enseigne l’ethnoesthétique à l’université de Milan – et qui a, auparavant, enseigné l’art africain à l’université de Turin – nous offre une synthèse des cultures et des époques, mais aussi des motivations et des objectifs – souvent tous différents et très éloignés les uns des autres – qui se retrouvent autour de l’appellation courante résumée par l’étiquette art africain.
Mais, au fait, que signifie réellement cette expression ?
Très certainement un ensemble de stéréotypes et d’impressions que nous regroupons autour d’un poncif. Car, en vérité, nous ne savons rien – ou si peu – sur l’art africain, le vrai. A commencer par ces mots qui n’ont pas été créés par les Africains pour parler d’eux-mêmes, mais des mots créés par les Européens pour parler des Africains ; donc des mots qui intègrent notre vision de ce continent et de ces objets particuliers, de ce que nous avons voulu voir en eux : ils parlent de notre âme de collectionneurs, de notre conception du "beau", du "pittoresque" ou du "sublime", mais également de notre désir de dominer le monde.

N’oublions jamais que, si aujourd’hui, ces objets sont exposés dans nos musées en tant qu’œuvres d’art, c’est entre autre parce que nous les avons arrachés à leur terre d’origine pour en faire un butin de guerre … De même, l’idée d’identité africaine n’échappe pas non plus à cette loi.

Il convient donc de voir l’Afrique à travers l’art, et l’art à travers l’Afrique. En cela, pour parler de l’art africain, on ne saurait rester uniquement dans le domaine artistique : s’intéresser à l’art africain signifie s’intéresser à l’Afrique à travers l’art, et à l’art à travers l’Afrique. En réalité, s’intéresser à l’Afrique à travers l’art est un moyen – sans doute peu commun et peu répandu – qui nous permet de nous représenter la réalité africaine.
S’intéresser à l’Afrique à travers l’art ne signifie toutefois en aucun cas que l’on appréhende l’Afrique dans son "authenticité", sans l’aide d’aucun filtre ni d’aucune médiation. Regarder l’Afrique à travers l’art permet, au contraire, de donner une image positive de l’Afrique grâce au prestige dont jouit l’art dans notre culture.

En réalité, l’art africain fait partie de notre culture, sans que nous en soyons forcément conscients : il est même tellement assimilé à notre culture que nous en oublions son origine.
Par exemple, la rencontre avec un masque des Pende du Congo, même la toute première fois, a déjà eu lieu, en réalité, car elle a été anticipé et filtrée par les visages des Demoiselles d’Avignon de Picasso …

Ainsi, lorsque nous avons tendance à considérer l’art africain comme un "art primitif", nous sommes dans l’erreur doublement : d’abord parce que ce terme renvoie à un art grossier et balbutiant plutôt qu’à un art originel ; d’autre part, parce que l’on y associe aussi un principe qui nierait l’histoire. On a vu naître de la sorte une conception stupide, statique et immuable de l’art africain : s’il changeait, il déclinerait et disparaîtrait.
Pour nous prouver le contraire, il n’y a qu’à contempler les sculptures provenant du delta intérieur du Niger et, en particulier, celles de la ville de Djenné, qui sont vraiment étonnantes : la grande variétés des postures prises par les personnages représentés, le dynamisme et la plasticité des formes contrastent avec les statues en bois plus récentes qui expriment une certaine symétrie et une idée de rigidité.
D’autre part, l’on découvre également cette dimension relationnelle et historique extraordinairement riche et variée des arts africains qui est particulièrement tangible dans les régions où ont été fondés des royaumes. C’est le cas de l’art du royaume du Kongo qui fait apparaître un naturalisme exacerbé tant dans les formes que les proportions du corps humain ; sans doute influencé par les relations que le royaume avait nouées avec les Portugais dès la fin du XVème siècle.

Avec toujours ce principe de la double page centrale qui se déplie pour afficher quatre pages couleurs d’une rare beauté, accompagnée en son recto d’une carte et d’une chronologie ; et un dernier chapitre consacré à l’art africain d’aujourd’hui, ce livre offre, de part sa richesse et son extrême diversité, un plaisir de découverte et de contemplation.

Ivan Bargna, L’art africain, traduit de l’italien par Fabienne-Andréa Costa, coll. "Rendez-vous avec … Art et Civilisation", relié, 195 x 285, 100 photos et 30 dessins, éditions du Rouergue, avril 2008, 70 p. – 19,00 €