DAVID ABIKER, le voyeur du petit écran remet ça ! (interview)

DAVID ABIKER, le voyeur du petit écran remet ça ! (interview)

De David Abiker vous connaissez au moins le visage, « vu à la télé » selon l’expression consacrée. Il fut le chroniqueur de grande acuité « D’arrêt sur image », magazine d’auscultation des médias d’autant plus regretté qu’il reste irremplaçable… et ce ne sont pas les vains efforts du pauvre Paul Amar qui me démentiront ! Notre fringant et sympathique trublion officie aujourd’hui pour France Info et plusieurs magazines de la presse écrite, persévérant dans la noble tâche qu’il s’est fixé : croquer et décrypter cet univers médiatique qu’il connaît bien, afin de nous aider sans doute à ouvrir plus grand nos yeux englués ou éblouis par le déversement cathodique. Il nous revient en librairie avec ses Contes de la télé ordinaire, des fables pour nous faire rire et une réflexion caustique sur la fin inéluctable de la télévision.

Ce que tu prédis, c’est la fin des enfants de la télé… Arthur est-il destiné à finir chômeur ?

Arthur fait maintenant du théâtre, possible qu’il en ait marre de la télé.

Tu es aux yeux du monde l’image même de l’homme de son temps… mais entre les lignes on te devine également nostalgique, non ?

Je suis comme Arthur un enfant de la télé. J’étais à Marseille quand Canal + a commencé en 1984. Ceux qui avaient le décodeur m’invitaient chez eux pour voir les scènes censurés de Mad Max. J’ai vu sur Canal mes premiers pornos et j’y ai surtout découvert l’humour transgressif des nuls. L’esprit subversif d’aujourd’hui n’est plus sur Canal + encore moins ailleurs. Il a pris le large sur Internet. « Avant c’était mieux » que maintenant à la télé mais « moins bien » que ce que le net peut inventer demain. Cette phrase est incompréhensible mais c’est pas grave.

Si, si, on te comprend… Bon, quelle est la genèse de cet étrange recueil, aussi rafraichissant qu’original… et un rien iconoclaste ?

Ca a commencé sur mon blog avec Daniel Schneidermann, le Bigbangblog. J’avais 300 billets, des inédits et envie de tourner la page télé. J’ai tout réécrit, ajouté des nouvelles et des dialogues. Ca donne ces Contes de la télé ordinaire. Un travail sur ce qui se passe dans la télé mais aussi devant, en famille.

Au fil de tes pages on croise Florence Aubenas otage, Ségolène Royale se défendant de vouloir être candidate aux présidentielles, le NON au référendum ou la mort du pape…, autant d’évènements récents, marquants sur le moment, mais que l’on se surprend à avoir déjà presque oubliés, comme si c’était déjà de l’histoire ancienne, voire jetable ! Les nouveaux médias accélèrent-ils le tempo de l’histoire ?

Oui. Regarde, Casse toi pauv’con, c’est déjà des images d’archives… Nous n’avons plus la mémoire des événements. En même temps, l’image qui aura marqué une génération, ce sont les avions qui percutent le WTC. Cette image va rester. Mais à quel prix ! A part ça, la télé et l’info sont tellement redondantes et répétitives que des chapitres des Contes sur les bébés congelés, la rentrée des classes, Chirac au salon de l’agriculture sont toujours d’actu. Les autres sont des instants vécus devant mon poste. De toute manière ce n’est pas un livre sur l’actu, mais sur des impressions face au poste et son babillage

A un mot près, le titre de ton bouquin rappelle bien sûr les Contes de la folie ordinaire, de Bukovski. Est-ce une façon de nous dire que la télé est folle ?

Non, au contraire, elle est tellement rationnelle et accro aux parts de marchés qu’elle en oublie d’être créative et imaginative. Pour cette raison, les gens se barrent sur le cable, le web ou la TNT. Ils ne veulent plus être prisonniers des grilles de programmes et deviennent eux-mêmes leur propres directeurs des programmes. Quand au clin d’œil à Bukovski, mon narrateur se traîne de la télé au réfrigérateur pour y trouver de quoi manger etc’est quelqu’un de très grossier une fois devant la télé. Ce côté larve et oisif, je l’ai piqué chez Bukovski qui traine chez lui en picolant.

Quelle autre question devrais-je poser sur ton livre si j’avais tout capté ? Et réponds-y, tant qu’on y est…

J’aimerais bien, comme chaque fois que je sors un livre, aller le dédicacer chez Thierry Hochberg du Ferry Book à Marseille. Tu crois qu’il va m’inviter cette année ?

Je vais lui en parler dès demain au café ! A part ça, tout le monde ne sait pas que tu es à moitié Marseillais…

J’ai passé à Marseille mes années d’adolescence. Le rêve. C’est à cette époque que j’ai le plus regardé la télé. Si j’avais eu le web, j’aurais sans doute passé plus de temps sur Dailymotion. J’ai beaucoup écouté le Tribunal des Flagrants Délires à l’époque (j’ai passé trois mois au lit la jambe dans le plâtre). La transgression qu’il y avait dans cette émission a déserté tout le PAF, c’est pour ça que les gens se tirent sur le web.

Tu ne passais pas ton temps que devant la télé… Je crois même que ton dépucelage, rocambolesque, s’est déroulé sous les auspices de notre Bonne Mère… ?

Et j’ai commis pour l’occasion mon premier et dernier acte de résistance politique ! Je remontais le boulevard Périer avec ma fiancée du moment. Ca faisait 15 jours que j’essayais de nous déniaiser sans succès. J’avais le trac. Je tombe sur une affiche fraichement collée du FN, on est en juin 1987, et je la décolle. Les colleurs me sont tombés dessus avec un couteau de Rambo. J’ai eu tellement peur que ça m’a retiré toutes mes inhibitions ; dans les 10 minutes qui ont suivi cette attaque à l’arme blanche, j’ai perdu sans trac mon pucelage. Merci à la Bonne Mère. Ceci dit, tu m’as posé cette question pour mon bouquin précédent. Ca doit te travailler…

Ca me fait rire, je t’imagine trop bien… Bon, je donne aux lecteurs de MLC ton nouveau blog

CONTES DE LA TELE ORDINAIRE, par David Abiker
aux éditions Michalon


Interview publiée en collaboration avec le Journal Marseille la cité